Le musée de la Ville de Tunis se pare actuellement de mille feux. Le Palais Kheireddine accueille, en effet, une référence majeure de celles qui ont marqué l'histoire de la peinture en Tunisie, laissant une empreinte vive et irréversible sur l'Ecole de Tunis. Il s'agit d'Aly Ben Salem (1910-2001), dont on fête le centenaire dans une grande rétrospective, où un panel d'œuvres de l'artiste-peintre ont été réunies pour célébrer et honorer la mémoire de ce maître-pionnier. Plus de 150 tableaux sont exposés du 30 décembre 2010 au 22 janvier 2011, retraçant le parcours halluciné du peintre qui a «vagabondé» sur tous les fronts artistiques pour terminer sa vie en Suède, où il s'est éteint, avant d'être enterré dans sa terre natale. En grande partie, collections du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine, de la municipalité de Tunis et de collectionneurs privés, les œuvres entre peintures, dessins, objets en bois, illustrations sur des manuscrits… sont en bon état, permettant par là même, d'apprécier des travaux datant, certes, du siècle dernier, mais remises à l'ordre du jour. Dialogue avec le temps, aparté chronologique retraçant les périodes phare d'Aly Ben Salem, notamment celles des années 30 et 40, où la figure médinoise enveloppe gracieusement la toile. L'exposition dont le vernissage a eu lieu jeudi soir est une escapade dans un univers plastique où le travail acharné s'est conjugué à la première personne, appuyé par une maîtrise technique, décuplé par une sensibilité amoureuse du crayon ou du pinceau. Amour de l'art, voire obsession et heureuse soumission d'un être à sa passion, c'est ce qui nous frappe en premier lorsque nous franchissons les portes du palais. Comme à l'accoutumée pour les grandes manifestations, l'exhibition d'Aly Ben Salem est répartie sur l'ensemble de l'espace, les premier et deuxième niveaux, avec un visible effort des organisateurs de le faire par thématiques des formes, des couleurs et des supports. Une ambiance sereine se dégage de l'approche du peintre à décrire une terre, un pays et un peuple festif, fier et racé. Habité par une proximité évidente de notre artisanat populaire, des traditions familiales et féminines, telles que les rituels se rapportant au mariage se réunissent toujours autour de sourires francs et gigantesques. Toutefois, les personnages et les situations, qui sont d'appartenance orientale, paraissent porter en eux cette part d'universalité qui rend un art celui de tous les autres. Contemporains, comme nous le sommes aujourd'hui, on est touché dans nos racines par la virtuosité d'un Ben Salem, dont la peinture paraît encore et toujours intemporelle. Il a été attentif aux éléments naturels qui l'ont entouré, aux fables humaines de son temps, dont il a été un fin observateur pour nous en faire le récit près de 80 années après, avec ce même sentiment d'humilité qui n'appartient qu'aux plus grands.