Le sport, tout comme l'homme, est capable du meilleur comme du pire. Mais quand il dépasse ses propres prérogatives, les alternatives qui lui sont reconnues, il s'égare dans les chemins annexes où se mêlent les volontés plus que les réalités. Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons d'un vrai malaise et d'une profonde interrogation sur une étape, un contexte dans lesquels il était loin de pouvoir s'adapter à ses fondamentaux. Préjudice moral, préjudice financier. La vérité de base est que la philosophie sportive reposait davantage sur la notion de duel et de combat que sur l'éthique, les valeurs et les principes. Au fil du temps, nous étions amenés à découvrir que l'étiquette ne correspondait pas à la qualité réelle du produit et que certains percherons étaient répertoriés dans la catégorie des pur-sang de façon abusive. Une responsabilité sportive se gérait plus par l'exploitation astucieuse des circonstances et des phénomènes de mode que par l'aptitude indiscutable à être un dirigeant intègre et compétent. Evacuons d'emblée les problèmes de forme qui ont pollué pendant longtemps la communication extravagante dans le milieu. Mais tout à l'avenant : les sourires en coin, les mimiques, les réponses qui n'en sont pas, les faux arguments, les vrais mensonges, les volte-face. Et on en passe… Rois de l'artifice, magiciens de l'impossible, princes du flou au sein d'un environnement abandonné à l'indigence et à la pauvreté des idées de ses hommes. Et alors sous le regard attentif de tous ceux-là, les bons mots, la parlotte, la poudre aux yeux, les effets de manche et autres embrouillamini psycho-médiatiques ne semblaient pas finir. Comment avaient-ils pu survivre? Dans quelle organisation? Pour répondre à quel intérêt? Avec quelle stratégie en tête? Pour dégager quel objectif? Appuyés sur quelle base? Et finalement avec quelle ambition? A des années-lumière des méthodes qui avaient su définir une vraie identité, le sport, et derrière lui les instances installées et souvent imposées, avançait sans boussole et désemparé. Et le peuple de Tunisie de les suivre avec la crainte de s'engager dans une aventure qui ressemble de plus en plus à une désespérante fuite en avant. Les mots en la circonstance n'étaient que des mots, et la réalité du terrain, diverse, âpre, joyeuse, farceuse, rebondissante ne comptait point. Ce que les présidents, les hommes du devant de la scène voulaient, les présidents et les hommes du devant de la scène feront. Les clubs, les fédérations étaient leur chose. Point final. Mais le sport, comme tant d'autres institutions du pays, se perdait de plus en plus. Et si on prenait la peine de se demander qui en était responsable, personne n'osait leur donner un miroir où ils pouvaient voir un début de réponse. Ils aimaient penser comme ils pensaient. Ils aimaient que les gens qui étaient avec eux pensaient comme ils pensaient. Derrière la lutte des hommes, les débats d'idées n'avaient pas leur place… On pouvait discourir en permanence sur les concepts, les programmes, d'autres sornettes de ce type. Encore, il y avait toujours, au bout du compte, l'impalpable refus de toute ouverture synonyme de diversité de points de vue et de pensées. La compétence de certains était quelquefois reconnue, mais surtout pas leur présence. Les professionnels, les vrais, doivent redevenir aujourd'hui les maîtres exemplaires et les creusets de l'esprit et de la philosophie sportifs. Qu'ils ne se gênent pas! Ils reprendraient ainsi un rôle abandonné au fil du temps, enfermés qu'ils étaient dans leur bulle. Retrouver les repères, reprendre les fondamentaux, respecter les valeurs, reconquérir les cœurs, voilà le programme d'action qu'ils devront impérativement développer. Le sport, notre sport, est aujourd'hui confronté à deux problèmes majeurs : une identité évanescente et un déficit d'éducation chez les jeunes. On aurait besoin de comprendre que la compétition, les épreuves sportives elles-mêmes ne peuvent être que la conséquence de toute une série d'attitudes et d'adoption de valeurs. Si on est convaincu que ces valeurs sont avant tout des valeurs d'éducation, on a déjà une partie de la solution. Le sport tunisien est structurellement prisonnier d'une organisation qui date de l'âge de pierre. Il brasse des centaines de millions de dinars et il est géré comme une petite entreprise, c'est-à-dire de façon artisanale. Comptabilité à la plume et au mieux avec des logiciels obsolètes, un service marketing et un service communication inexistants ou défaillants. Impensable à l'époque de la bureautique, de la connectique, de l'informatique et autres nouvelles technologies de l'information et de la communication. Pour avoir toujours dit la vérité, qui ressemble furieusement à celle qui éclate au grand jour, notamment au sujet de la gestion des clubs, de bonnes volontés ont été montrées du doigt par les instances et vilipendées par ceux qui ne jurent que par la haute opinion qu'ils se font de leur mission de service public. Quelle mission? Quel service? Quel public? Ceux qui se croyaient assez forts pour manœuvrer au mieux de leurs intérêts personnels, haut penchés sur leurs branches, perdent aujourd'hui l'équilibre, au point de risquer la chute brutale. C'était déplorable, profondément déplorable, douloureusement déplorable. Mais ce n'était pas une surprise, et encore moins volé. Le milieu s'était entraîné dans une spirale à multiples facettes : sportive, morale, éthique, humaine. Certains de ses inspirateurs les plus éminents, tous parés d'innocence, d'autres adeptes de la pensée unique, tous sans exception en décidaient comme ils le voulaient. Sans aller jusqu'à faire le procès des uns et des autres, ceux qui font vivre le sport demandent aujourd'hui des comptes à ceux qui en vivaient. La priorité d'aujourd'hui, c'est une vraie réflexion sur la gouvernance du sport. Il faut s'interroger sur la place du sport dans la société, sur les rapports entre sport et argent, un problème très tunisien qu'il faudra bien exorciser une bonne fois. On est au bout du système associatif appliqué au sport de haut niveau. Les enjeux sont incommensurablement importants. Rien que pour le cas de la Fédération de football, c'est 50 millions de budget. Ça ne se gère pas comme l'amicale des boulistes. Il faut un système à la fois plus démocratique et plus efficace. Il faut dire que ce qu'on ne cesse d'entendre ces derniers jours. D'entendre, mais aussi de voir nous donne l'idée que le déballage risque de tourner au discours convenu. Les principaux artisans du fiasco maîtrisent la communication pour assener des propos formatés et désormais frappés du copyright. Finalement, ceux qui s'était mis à genou nous gratifient d'un discours sans saveur. Au milieu de cette «belle union sacrée» que certains analystes essaient de vendre «en bidon de deux litres», ils relatent leur expérience. Celle du passé tout en pensant à l'avenir. A leur avenir. Ils insistent sur le futile en balayant l'essentiel et en se déballonnant dans une pitoyable (re)mise en scène des événements. Ils démontrent au grand jour qu'ils n'avaient pas les épaules suffisamment larges pour soutenir toute la charge et toute la pression qui régnaient dans le milieu auparavant. Ils ne furent jamais remis en cause par leurs protecteurs qui leur déroulèrent les avantages jusqu'au gouffre. Où ils se trouvent toujours… Ils ont finalement tenu un discours qu'ils avaient déjà tenu, mais qui ne tient pas plus de cinq minutes à l'analyse. Ils se sont vite pris les pieds dans le tapis. Ils ne peuvent pas dire la vérité du moment où ils étaient dans le déni depuis le début. On n'ira pas jusqu'à dire qu'ils mentent, mais qu'ils sont dans l'auto-persuasion.