Les apparences sont trompeuses… souvent. Les manifestations, la remise en question, les revendications d'une partie de la rue et d'une partie des organisations nationales et l'état effervescent, voire anarchique, que vit le pays, donnent une impression de figé au gouvernement d'Unité nationale provisoire et à son action. Pourtant ils bougent ces ministres. Loin des lumières, dans la discrétion (c'est peut-être leur tort, à part quelques uns qui se sont exprimés sur les plateaux de télévision) et loin des communiqués stéréotypés d'antan (il ne faut, peut-être pas, passer d'un extrême à un autre), ils ont, pour la plupart, sinon tous, commencé à définir leurs programmes et même à agir. Mme Lilia Labidi, à la tête du ministère de la Femme, a, d'ores et déjà, entamé un large programme technique, social et de réfection. Multipliant les rencontres et les réunions avec le personnel des différents départements, elle a pris connaissance des doléances, des critiques et des suggestions, ce qui est indispensable à la réorganisation du travail et à l'implication du facteur humain dans les réformes à mener. Concernant le concret, la ministre a déjà décidé que la première des priorités était la réfection des complexes et des clubs d'enfance qui ont subi des dégâts ces derniers jours à travers l'ensemble de la République; On commencera sûrement par celui de la Cité Ettadhamen, qui a été particulièrement endommagé. Pour le moyen (relatif) terme, Mme Lilia Labidi, qui croit que le ministère de la Femme est une institution de conception, est déterminée à remettre les choses à leur place, car elle est consciente qu'il a été détourné de son axe essentiel et pour lequel il a été créé. «La condition de la femme qui est citée en exemple, dans le monde arabe et dans d'autres contrées, doit être confortée, non pas pour «pavaner» davantage, mais pour que la famille demeure le pilier de la société», dit-elle. Et d'ajouter: «En réalité, le statut de la femme ne concerne pas seulement cette dernière. Si elle n'était au centre de la famille (par conséquent de la société) et si elle n'en était l'axe, en tant que l'élément le plus impliqué pour tout ce qui est enfants, personnes âgées et hommes, toutes les crises que les sociétés connaissent seraient plus grandes et leurs effets plus néfastes». Est-ce parce que la femme joue un rôle modérateur que le ministère porte désormais son seul nom et qu'on a éliminé la famille, l'enfance et les personnes âgées. A cela, Mme Lilia Labidi préfère positiver: «Il y a eu un changement et un bouleversement; il fallait les marquer. Le ministère continuera à s'intéresser à toutes les composantes de la famille, y compris les jeunes qui, à travers leur musique, leurs blogs et les nouvelles technologies de communication, ont provoqué un vent de liberté, démontré qu'ils avaient des idées et des propositions à approfondir. Nous devons être à leur écoute», souligne-t-elle, avant de continuer: «Nous ne pouvons, en tant que département, structures et personnel, mener nos programmes à bien sans l'implication et la participation active de toutes les associations concernées et des composantes de la société civile». Et comme on ne pouvait pas ne pas profiter de l'occasion et lui demander les raisons qui l'ont amenée à accepter de faire partie du gouvernement d'Union nationale, pourtant contesté par plusieurs parties: «Bouazizi a été le symbole du changement que connaît la Tunisie. Beaucoup d'autres gens se mobilisaient, chacun selon ses moyens et ses possibilités. Personnellement, je le faisais à travers mes écrits. Et quand m'a demandé de contribuer à la préparation de la Tunisie de demain, à des élections libres et démocratiques, je ne pouvais refuser, en tant que femme indépendante, qui considère qu'elle est au service de son pays. On aurait fait appel à moi pour n'importe quoi qu'autre au service de la démocratie, du pluralisme et d'une Tunisie meilleure, que j'aurais accepté, sans l'ombre d'une hésitation», conclut-elle.