Né en 1983, le Théâtre national qui siège à Halfaouine, a de quoi être une vitrine honorable pour la culture en Tunisie, avec ses moyens matériels et humains, dont témoignent les professionnels et les amateurs du 4e art. Mais, au fil des années, cette institution, à vocation artistique, n'a pu échapper à des abus administratifs et autres, selon beaucoup d'hommes de théâtre, abus qui sont remontés à la surface d'un coup après la chute de l'ancien régime. Dès lors, plus de raison de se taire. Le débat qui a eu lieu jeudi dernier, à la maison de la culture Ibn-Rachiq à propos de la situation stagnante de cette institution, a été précédé d'événements «révolutionnaires» et jusque-là inespérés pour son renouveau. Rappelons que lors d'une émission spéciale télévisuelle, le nouveau ministre de la Culture, M. Azdine Beschaouech, a annoncé la destitution de Mohamed Driss, directeur du Théâtre national depuis 1988, ainsi que le secrétaire général, de leurs fonctions. Insuffisant, semble-t-il, puisque les fonctionnaires ont fait un sit-in revendiquant une commission d'enquête pour le Théâtre national. Pour en revenir au débat, disons qu'avant de prendre la parole en public, Moëz Achouri, metteur en scène et directeur artistique au Théâtre national, nous explique ce qu'on reproche à la direction de Mohamed Driss. «Une mauvaise gestion administrative et financière, un écartement, une marginalisation et une ségrégation à l'égard des artistes qui n'appartiennent pas au Théâtre national et même un mauvais traitement des fonctionnaires». Ces derniers ont d'ailleurs présenté, mercredi dernier, au ministre de la Culture, des demandes précises. Les plus importantes sont la sauvegarde des acquis du Théâtre national, comme l'école de cirque, la régularisation de leur situation et la création d'un syndicat. Ils demandent également qu'ils soient concernés dans la nomination d'un directeur à la tête de leur institution. Pendant le débat, on a fait circuler un manifeste. Cosigné par l'Union des comédiens professionnels et le syndicat des métiers d'arts dramatiques, il stipule que toute décision prise sans les faire participer sera rejetée. «Le Théâtre national est ouvert à tous. Avec son budget et ses ressources humaines, il est capable d'être productif et de devenir une usine pour les artistes et les étudiants des instituts d'arts dramatiques», ajoute Moëz Achouri dans son intervention. Animé par Noureddine Bettaïeb et Hammadi Mezzi, le débat a été difficile à conduire avec des intervenants sans cesse interrompus et contestés. Un conflit de générations et de visions, mais un désir apparent de donner au Théâtre national l'éclat qu'il mérite. Et surtout, un amour inconditionnel pour cet art supposé traduire le degré de civisme des peuples. Les jeunes se sentent écartés. A les entendre, c'est loin d'être un simple sentiment. Les planches du Théâtre national leur ont été longtemps refusées et interdites... «Des propositions concrètes», lance Hammadi Mezzi pour faire avancer le débat. «Que le vote remplace la désignation du directeur», répondent certains. Avant de suggérer une enquête et un «assainissement» du Théâtre national, le metteur en scène Hassan Mouadhen donne son diagnostic de la situation. «La vraie question est de savoir ce que peut être le Théâtre national après le 14 janvier», explique-t-il. Et d'ajouter: «Cette institution a longtemps souffert de l'agrandissement de l'organe administratif aux dépens des recrutements artistiques qui étaient faits selon une ségrégation accrue. De plus, l'activité syndicale était interdite et les portes fermées devant les artistes». Dans ce sens, Chedli Arfaoui propose la séparation entre tout ce qui est administratif et tout ce qui est artistique ainsi que l'établissement d'un cahier des charges pour les différentes fonctions au sein du Théâtre national. Qu'ils soient professionnels ou amateurs, jeunes ou expérimentés, les hommes et femmes de théâtre, présents au débat jeudi dernier, ont montré qu'ils ont beaucoup à dire et à rêver pour l'avenir d'une institution qui peut les rassembler tous. Justement, aucune parole n'est à négliger, et il leur reste à s'organiser pour concrétiser leurs revendications. En attendant, le débat se poursuit. Une autre réunion a été annoncée, pour le lendemain, à la salle El Fath...