Quelques jours après la Révolution du 14 janvier 2011, l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, une des vingt-sept structures françaises de recherche à l'étranger, placé sous la tutelle entre autres du CNRS, a choisi de s'adapter à l'actualité. Avec une réactivité étonnante pour un organisme dédié à la recherche, les responsables ont décidé de changer la programmation des mois de janvier et de février et d'inscrire plusieurs des perspectives scientifiques de l'institut au cœur même de ce nouveau débat démocratique. De cette " véritable onde de choc pour l'ensemble des Tunisiens ", selon les propos du directeur de l'IRMC, Pierre-Noël Denieuil. Le 4 février dernier, une table ronde a été organisée dans les locaux de l'institut sur " La question autoritaire au prisme des sciences sociales ". Des universitaires français et tunisiens spécialisés en sciences politiques y ont pris part : Michel Camau, Vincent Geisser, Hamadi Redissi et Mouldi Lahmar. L'autre preuve de cette réactivité est la parution dans le dernier numéro de "la Lettre de l'IRMC" (une publication trimestrielle), celui du mois de janvier 2011, d'un dossier spécial sur la révolution tunisienne. Des réactions à chaud de sociologues, urbanistes, historiens, juristes, politologues, économistes, dont la diversité et l'éclectisme des points de vue donnent la mesure de la polysémie des évènements politiques, idéologiques et sociaux, qui ont bouleversé le monde entier en ce début de l'année 2011. Citons parmi ces chercheurs : Morched Chabbi, Kmar Bendana, Larbi Chouikha, Pierre-Noël Denieuil, Sihem Najjar, Imed Melliti, Abdelkader Zghal, Dorra Mahfoudh, Mahmoud Ben Romdhane, Abdelhamid Hénia, Hamadi Redissi… Selon Pierre-Noël Denieuil, deux types d'activités seront initiés dans les mois prochains à l'IRMC. Tout d'abord continuer à organiser des débats et des tables rondes sur les thématiques du changement social et politique, de la société civile, de la communication numérique, des médias et de leurs rapports à la démocratie. La mise en place de ce programme est en pleine gestation. Ensuite, un groupe de réflexion, dirigé par la sociologue Sihem Najar, a commencé à travailler sur " Les pratiques sociales des nouvelles technologies de la communication et de l'information ". Ce groupe s'intéresse aux nouvelles armes des révolutionnaires : l'Internet et les réseaux sociaux qui ont créé une cyber-dissidence et des mouvements sociaux en ligne. Ce programme de recherche invitera, en collaboration avec l'Institut français de coopération le mois de juin prochain, Dominique Volton, qui dirige l'Institut des sciences de l'information et de la communication au CNRS. Libérés de la censure qui s'appliquait ici " sur les sites des éditions puis dans les commandes de la bibliothèque, ainsi que lors des surveillances exercées sur les conférences et activités scientifiques ", témoigne le directeur. Les responsables de l'institut pourront aspirer à des coéditions avec des institutions de recherche tunisiennes, telles que le CERES. Et aussi à exercer "une recherche utile ", affirme M. Denieuil, avant d'ajouter : " Notre vocation consiste à mettre la recherche en sciences humaines et sociales au service de la compréhension des évènements, qui se passent dans notre société d'accueil, en l'occurrence la Tunisie ".