Les études récentes sur l'artisanat en Tunisie ont dressé un bilan exhaustif, réaliste, mais mitigé sur une situation qu'elles caractérisent comme une sorte de coexistence explosive entre : 1) Un artisanat traditionnel, qui survit difficilement et qui semble menacé à court terme de disparition. C'est le cas du tapis, des produits textiles, de l'habillement, des bijoux traditionnels, de la céramique, etc. 2) Un artisanat «moderne» sans référence culturelle mais spontané et qui essaye de répondre à des besoins nouveaux, surtout liés à l'ameublement et à la décoration architecturale. 3) Un artisanat-design qui essaye de s'imposer et de trouver difficilement une adéquation entre forme et fonction dans ses produits. Cette recherche consciente semble se développer par les jeunes designers des instituts d'art tunisiens. 4) Un artisanat d'importation des produits de la mondialisation et provenant surtout des pays asiatiques, ce qui provoque un fort préjudice, destructeur de notre artisanat traditionnel et même de nos tentatives de modernisation artisanale. Comment faire aujourd'hui pour rééquilibrer les rapports entre production artisanale et son marché? Une donne nouvelle Comment faire pour promouvoir des produits adéquats qui répondent à nos besoins et qui soient en même temps culturellement et historiquement significatifs, modernes ou traditionnels, et de préférence possédant un haut taux de croissance et susceptibles d'être exportés et pouvant même concurrencer les produits de la mondialisation? La situation nouvelle, les évènements positifs survenus sur le plan politique annonçant des réformes démocratiques dans notre pays et l'instauration d'une plus grande transparence peuvent promouvoir une donne nouvelle au niveau de notre artisanat surtout par rapport à la menace réelle constituée par l'importation illégale des produits de l'artisanat. En effet, les dernières divulgations sur les importations sauvages de produits artisanaux commises depuis presque 20 ans expliquent en partie, et seulement en partie, la décadence qui a frappé la production artisanale tunisienne. C'est ainsi que le marché tunisien de l'artisanat a perdu sa fonction productrice en faveur de sa fonction commerciale. En effet, il est plus facile de vendre que de produire. Les souks ont été pourvus presque exclusivement en produits d'importation. Le marché traditionnel a été coupé de ses sources et les produits traditionnels voués au dépérissement. Refonder l'artisanat tunisien devrait commencer par l'arrêt de cette importation sauvage d'abord, ou sa réglementation de telle manière qu'elle obéisse à toutes les lois sur l'importation. Cette mesure ne devrait pas être la seule capable de relancer notre production artisanale aussi bien traditionnelle que moderne. Les mesures autarciques pour amoindrir les effets de la mondialisation ne peuvent en aucune manière aboutir aux résultats escomptés dans la mesure où l'environnement international ne le permet pas et où l'isolement ne constitue pas une solution capable de réhabiliter l'artisanat traditionnel et de promouvoir un secteur moderne susceptible de limiter l'action négative de la mondialisation. Peut-être pourrons-nous alors nous occuper plus tranquillement à restaurer notre patrimoine artisanal, surtout celui qui a subi les dommages du temps, le réhabiliter et le conserver dans toute sa splendeur dans un véritable musée garantissant ainsi la sauvegarde de notre mémoire. Il reste cependant que promouvoir dans le même temps le développement d'un artisanat moderne (design) est une affirmation de notre ouverture sur le monde et un refus de nous enfermer dans une vision passéiste de notre artisanat. Cette action de sauvegarde manquerait son but si elle ne s'accompagnait d'une action d'envergure stratégique de création tous azimuts d'objets nouveaux de design adoptant de nouveaux matériaux ou d'anciens insérés dans de nouvelles formes et fonctions capables de satisfaire tous les besoins de notre société.