Par Mohamed Ridha BOUGUERRA Voilà un parti qui vient d'être officiellement reconnu et qui tient sa première conférence de presse au cours de laquelle sa direction s'exprime, pour la première fois, publiquement. On peut tout reprocher à ses dirigeants, sauf de manquer de clarté. Même s'il risque de donner froid dans le dos à la plupart d'entre nous, le programme politique de ce nouveau parti dénommé Ettahrir El Islami est d'une simplicité extrême. Il a été énoncé, jeudi 10 mars sur la chaîne El-Jazira à 23h00 au cours du journal télévisé consacré au Maghreb, par l'un des membres de sa direction qui n'avait l'air ni d'un fou furieux ni d'un mystique illuminé. Mais, nous le savons, grâce à La Fontaine entre autres, qu'il «ne faut point juger des gens sur l'apparence» ! Jugez-en par vous-même d'après les points les plus importants de ce programme : 1) Rétablir le Califat islamique, 2) Interdire l'alternance démocratique, une fois arrivé au pouvoir, 3) Appeler à la désobéissance civile si nécessaire afin de réaliser ces objectifs. Ne vous inquiétez pas, vous n'avez pas la berlue ! Si, si, vous avez bien lu et compris : revenir au Califat des premiers siècles de la conquête islamique, mettre fin au jeu des partis politiques et de la démocratie, inciter le peuple à se soulever ! Pour qualifier l'attitude des défenseurs d'une telle conception politique, on hésite entre ramollissement cérébral, totale et profonde méconnaissance de la littérature politique et de Machiavel en premier, ou simple ignorance des lois du pays. Et puis, l'on se dit que l'on fait, fort probablement, fausse route et que les tenants d'une telle ligne politique sont, en réalité, plus futés qu'il n'y apparaît à première vue. On soupçonne alors sous des déclarations aussi fracassantes, une indécente provocation afin d'entretenir la polémique ! Non pas la polémique telle que définie par Michelet comme «duel philosophique», mais la basse polémique qui ne vise qu'à faire parler de soi et encore faire parler de soi à tout prix. Se faire un coup de pub, quoi ! Mais trêve de plaisanterie car la question est bien grave ! Et l'on se met à s'interroger : «Mais où sont passés tous les défenseurs des droits de l'Homme ?» Comment expliquer ce mutisme ? Et l'on se met à espérer une levée de boucliers des vaillants avocats qui viennent d'avoir la peau de la commission anti-corruption en la réduisant à l'impuissance ! Ne peuvent-ils pas introduire une affaire en justice contre ces sombres illuminés et les réduire à quai ? Le ministère public n'a-t-il pas la capacité d'instruire lui-même à charge afin de protéger l'ordre public ? Le ministre de l'Intérieur n'est-il pas habilité à ordonner l'interdiction d'un parti qui contrevient aux lois de la République et incite à la rébellion ? Bref, il y a urgence à agir contre les ennemis de la démocratie et personne ne pourra déclarer pour sa défense, plus tard, quand il sera vraiment trop tard pour agir, n'avoir pas été averti ! Nous ne crions pas «Aux armes, citoyens», mais, plutôt, «A nos plumes, plumitifs que nous sommes» afin de dénoncer et de condamner de la manière la plus véhémente, quitte à leur faire de la publicité, tous ceux qui s'emparent de la révolution de la dignité et espèrent profiter de notre démocratie naissante afin de parvenir à des fins peu louables et non démocratiques et faire ainsi le jeu des fascistes en herbe !