Par Moncef HORCHANI La révolution du 14 janvier, après un moment d'euphorie, a ouvert la voie à un déferlement de contestations et de revendications toutes aussi légitimes les unes que les autres, même si elles ont pris parfois une dimension de harcèlement. Les exigences populaires étaient de deux types: celles à dominante politique, telles que la formation d'un gouvernement excluant toute personnalité ayant appartenu à l'ancien régime, la dissolution du RCD, la nomination de technocrates à la tête des gouvernorats, l'élection d'une Assemblée constituante…, et celles d'ordre social, telles que l'augmentation des salaires, l'amélioration des conditions de travail, la création d'emplois… Le deuxième gouvernement, fragilisé comme l'a été le premier par les troubles qui se sont multipliés à travers le pays et le harcèlement tenace dont il a été soumis au quotidien, a passé le témoin à une troisième équipe gouvernementale qui s'est montrée à la fois conciliante et ferme dans la gestion urgente de la crise. En effet, le Premier ministre a répondu favorablement à un grand nombre de demandes mais il a mis surtout en avant sa volonté inébranlable de faire de l'instauration de l'ordre dans le pays sa priorité absolue. Et ce n'est pas une mince affaire quand on sait que la rupture brutale avec la dictature de Ben Ali, les troubles sociaux qui s'en sont suivis, le vacillement et les prises de décisions hasardeuses des deux gouvernements qui se sont succédé ont créé un climat propice à l'émergence de bandes organisées de malfaiteurs, dont beaucoup, à la solde de nostalgiques de l'ancien régime, se sont livrées à des actes de vandalisme d'une extrême gravité. Les événements tragiques qui ont secoué dernièrement le centre-ville de la capitale deux jours durant en sont le triste exemple : boutiques saccagées, centre commercial pillé, voitures calcinées, édifices incendiés… Ce qui s'est passé reste entouré de mystère et suscite bien des interrogations: qui sont les commanditaires de ces actes ? Comment expliquer le dysfonctionnement du système sécuritaire dans des endroits névralgiques de la capitale ? Pourquoi n'a-t-on pas sécurisé le centre-ville, théâtre d'une série d'opérations terroristes obéissant au même mode opératoire ? Pourquoi ne pas avoir bouclé toutes les issues du «Palmarium» puis «cueillir» tous les malfaiteurs dans l'enceinte même du centre commercial ? Si on ne peut pas avoir des réponses plausibles à ces questions, qu'à cela ne tienne, mais de tels actes diaboliques ne doivent plus se reproduire ni à Tunis ni ailleurs. Des mesures draconiennes doivent être prises, impérativement, à l'encontre de tous ceux qui tentent de se livrer au banditisme et de déstabiliser le pays. Il est urgent de rétablir l'ordre sur tout le territoire et de redonner au prestige de l'Etat, crapuleusement bafoué au lendemain de la révolution par des individus sans foi ni loi, la place qui lui revient. Il est clair que la révolution a donné, par le sang de ses martyrs, au peuple tunisien ce dont il a été longtemps privé : la liberté, mais certains marginaux, sans scrupules, manipulés par des résidus de l'ancien régime s'imaginent que liberté est synonyme d'anarchie. La liberté bien comprise n'exclut pas la contrainte, c'est-à-dire l'obligation de respecter autrui, l'autorité, les biens publics et privés. Cette contrainte, si elle n'émane pas de l'individu lui-même dans ses rapports avec autrui, doit nécessairement être imposée. En d'autres termes, s'il ne s'agit absolument pas de revenir aux pratiques de l'ancien régime pour réprimer les citoyens dans leur droit d'être libre, il est néanmoins tout à fait indispensable, dans le souci d'assurer la sécurité du citoyen et de protéger les biens publics et privés, de réprimer énergiquement les auteurs d'actes de banditisme qui sapent les fondements même de la révolution pour laquelle des dizaines de Tunisiens ont donné leur vie. Le pays le plus démocratique du monde ne peut tolérer que sur son sol des parasites transgressent les lois et sèment la terreur. La Tunisie ne peut qu'en faire de même. L'Armée, la Garde nationale et la police ont pris conscience, quoiqu'un peu tardivement, des dangers qui guettent l'autorité de l'Etat et la sécurité de la population. Elles ont mené conjointement des opérations de grande envergure pour neutraliser des bandes de hors-la-loi et ramener au bercail des prisonniers en cavale. De plus, leur présence dans les quartiers est plus prononcée qu'elle ne l'était précédemment, ce qui a eu pour effet de dissuader un tant soit peu les délinquants de gros calibre de commettre des forfaits. Bref, la situation sécuritaire dans le pays s'est sensiblement améliorée et ceci est tout à fait à l'honneur des forces de l'ordre. Mais beaucoup reste à faire pour démanteler tous les réseaux de terroristes qui ont survécu à l'ancien régime, lutter contre les braquages qui prennent de plus en plus d'ampleur, démolir les constructions anarchiques, déloger les squatters et exiger des inciviques le respect des lois et règlements. Un travail continu et de longue haleine. L'instauration de la sécurité est une nécessité et constitue le préalable de toute réflexion et action d'envergure dans les domaines social et économique.