La Presse-Les transporteurs terrestres, les taxistes, les restaurateurs, les artisans, les guides et les autres intervenants dans les prestations à terre prodiguées aux croisiéristes, se sont réveillés avec un mal de crâne généralisé après que les armateurs potentiels aient décidé d'annuler l'escale de Tunis dans les itinéraires de leurs bateaux de croisière. Costa, MSC, Royal Carribean et plusieurs autres armateurs ont estimé «qu'en raison de la situation politique en Afrique du Nord» et dans «l'intérêt de la sécurité des passagers et des équipages» il fallait annuler l'escale de Tunis. Avec une telle annonce, le moral des professionnels est en berne. Et pour cause, l'année 2011 s'annonce difficile, voire très dure, pour l'industrie touristique dans notre pays. C'est pourquoi l'Office de la marine marchande et des ports en collaboration avec l'Office national du tourisme Tunisien, a mis toutes voiles dehors pour assurer la reprise à cette activité fort juteuse pour le pays en conviant à un éductour les principaux armateurs opérant sur la Tunisie ainsi que des journalistes spécialisés. Il n'empêche que pour tous ces armateurs, la Tunisie demeure un fondamental de leur programmation méditerranéenne à cause notamment de son «positionnement géographique stratégique qui a fait de La Goulette un passage inévitable, la sécurité, la stabilité recherchées par les Européens lors de leurs visites aux pays nord-africains, un patrimoine culturel et des sites touristiques appréciés par les visiteurs et enfin une touchée hors Union européenne qui confère aux armateurs la possibilité de vendre leurs produits dérivés en hors taxes à bord des navires» comme l'a si bien rappelé M.Slim Chaker, secrétaire d'Etat auprès du ministre du Commerce et du Tourisme, chargé du Tourisme, lors d'un point de presse tenu avant-hier en présence de quelques armateurs conviés par l'Office de la marine marchande et des ports en collaboration avec l'Office national du tourisme tunisien. Le secrétaire d'Etat, qui a révélé que le secteur des croisières est très important pour le tourisme tunisien, a indiqué que pour l'année 2010, le nombre de croisiéristes a atteint 892.000, générant ainsi des recettes en devise équivalant à 90 millions de dinars. «Ils ont fait tourner nos sites, nos restaurants, notre artisanat, nos agences de voyages» a-t-il assuré. Il a à cet effet appelé les armateurs à déployer le maximum d'efforts pour venir en aide à la destination qui passe par un moment historique. Le secrétaire d'Etat a profité de cette occasion pour proposer aux armateurs présents de combiner le produit saharien à celui balnéaire des croisières en effectuant ,une autre escale à l'un des ports du sud du pays. Une idée qui a séduit plus d'un mais dont la mise en place pourrait prendre beaucoup de temps, étant donné l'inadaptation des ports du sud du pays pour l'accueil des navires de taille gigantesque. Prenant la parole, M.Laurent Sicard de l'Association Med Cruise a salué l'initiative tunisienne pour relancer l'activité croisière et a assuré qu'après cette visite d'évaluation, la position vis-à-vis de l'escale de Tunis sera reconsidéré par les armateurs. «Tunis a une place de choix dans les itinéraires maritimes en Méditerranée et le village construit pour l'accueil des croisiéristes est un véritable joyau». Dans le même sillage, M.John Tercek, directeur général de la compagnie Royal Caribean Cruise, a félicité le peuple tunisien pour sa révolution indiquant que pour les croisiéristes américains, il est très important de choisir des destinations démocratiques. «Nous avons pu constater le nouvel état d'esprit des Tunisiens. Je pense qu'autrefois l'environnement était difficile pour attirer des armateurs américains mais aujourd'hui il y a tout un potentiel à saisir», a-t-il souligné. Se prononçant sur les raisons des annulations de passage des paquebots de la compagnie Royal Caribean Cruise à Tunis, M.Tercek a indiqué que «malheureusement ce sont les clients qui décident du trajet de la croisière. Nous allons là où les clients veulent aller. Et je pense que pour le moment, la situation en Libye n'est guère favorable à l'activité croisière en Tunisie». Pour pallier cette situation, le directeur général de la Royal Caribean Cruise a conseillé de multiplier les éductours au profit des armateurs et des journalistes afin de mieux communiquer sur la destination. Prenant la parole, M.Giovanni Spadoni, président de Med Cruise, a rappelé, dans un bref aperçu, la place de choix de la Méditerranée dans les circuits maritimes des croisières en évoquant le voyage d'Odyssée en Grèce et celui d'Ulysse à Djerba. Il a indiqué que sur une centaine de destinations, Tunis est parmi les plus populaires et figure parmi les dix premières destinations méditerranéennes où elle capte près de 33% du trafic Il a par ailleurs promis aux organisateurs de l'éductour que son association va mettre tout son dispositif de communication au profit de la relance de l'escale de Tunis. Intervenant à son tour sur l'état des annulations, M.Neil Palomba, de la compagnie MSC, a déclaré que sa compagnie a déjà procédé à l'annulation de l'étape de Tunis pour l'année en cours et jusqu'en 2012. MSC qui accapare 38% du trafic sur la Tunisie avec quatre bateaux par semaine et 12.000 clients/semaine, totalise plus de 300.000 clients sur la destination. «Ce n'est pas notre décision, c'est celle des consommateurs» a-t-il assuré. Toutefois, M.Palomba a souligné que l'escale de Tunis n'a pas été remplacée par une autre escale comme l'ont fait d'autres compagnies et que, le moment venu, Tunis reprendra sa place dans les itinéraires de MSC. En effet, le tourisme de croisière en Tunisie a évolué un peu dans le chaos. Il a commencé vers les années 80 et a été marqué par une évolution spontanée. Ce n'est que dans les années 90 qu'il a commencé à se développer. Dans les années 2000/2001, une augmentation tangible du trafic et de la demande a été enregistré. Au grand dam des armateurs, le seul quai d'une longueur linéaire de 1.000 mètres ne pouvait pas satisfaire une demande sans cesse grandissante. Déjà, avec le trafic passagers et marchandises, le port de La Goulette arrivait à saturation. Par moments, l'on détournait même ce flux de croisiéristes vers le port de Bizerte ou de Sousse. Mais dédaignés par les armateurs à cause de leur infrastructure non adaptée, l'Office de la marine marchande et des ports a lancé un appel d'offres pour la concession de l'activité croisière. Et c'est à Goulette Shipping Cruise, une société privée (détenue à l'époque par Sakher El Materi, gendre du président déchu et aujourd'hui sous administration judicaire) à qui on a attribué le marché de la prise en charge de la modernisation, de la mise à niveau et de la gestion de l'ensemble de l'activité croisiériste au port de La Goulette en Tunisie. La Tunisie, qui aspirait à conclure l'année 2012 avec plus d'un million de croisiéristes, se trouve aujourd'hui très loin du compte. Un objectif qui reste certes à notre portée à condition de lui accorder davantage d'intérêt.