Par Adel KAANICHE Après avoir traité, dans la première partie (La Presse du 5 avril), du régime électoral et des solutions qu'il présente dont le scrutin majoritaire, aujourd'hui, l'auteur explique, avec détails, la représentation proportionnelle. La représentation proportionnelle connaît, aujourd'hui, une expansion; on la trouve dans plusieurs pays : la Grèce (depuis 1974), le Portugal (depuis 1975), l'Espagne (depuis 1976). Ce mode de scrutin est apprécié surtout par les petits partis qui parviennent à obtenir quelques sièges au parlement, proportionnellement à leur popularité. Pour expliciter ce dernier mode, supposons que des élections ont eu lieu dans une circonscription comprenant 5 sièges et que 100.000 électeurs ont donné leurs voix pour trois listes selon le tableau suivant : Liste 1 : 49% des voix Liste 2 : 40% des voix Liste 3 : 11% des voix Cela donne lieu au résultat suivant : Liste 1 : 2 sièges Liste 2 : 2 sièges Liste 3 : 1 siège Cependant, cette représentation proportionnelle soulève quelques difficultés concernant le reste, ce qu'on appelle : le reliquat, car chaque fraction de 20.000 votants a droit à un siège; alors que la liste 1 a obtenu 2 sièges, il y a un reliquat de 9.000 votants qui ne sont pas représentés, tandis que la liste 3 qui n'a quasiment que la moitié de 20.000 voix, peut aspirer à un siège. Pour résoudre ce problème, il y a plusieurs solutions dont on ne passera en revue que deux: La première solution : celle-ci prend en considération le reliquat le plus important procurant un siège pour tous les 20.000 voix, le reste des sièges sera donné aux listes qui ont le plus grand reliquat : Si on considère que les élections ont eu lieu dans une circonscription de 100.000 votants, pour 5 sièges et que 4 listes se sont disputées ces élections obtenant le résultat suivant : Liste 1 : 43.000 voix Liste 2 : 28.000 voix Liste 3 : 19.000 voix Liste 4 : 10.000 voix Résultats : Liste 1 : aura au début 2 sièges avec un reliquat de 3.000 voix, Liste 2 : aura 1 siège avec un reliquat de 8.000 voix Liste 3 : n'aura aucun siège au début avec un reliquat de 19.000 voix Liste 4 : n'aura aucun siège au début avec un reliquat de 10.000 voix. Conséquence : sur les 5 sièges trois seulement ont été affectés, les 2 sièges restants seront octroyés aux listes 3 et 4 qui n'ont rien au départ mais qui disposent des plus grands reliquats. Il en résulte que les sièges seront répartis comme suit : Liste 1 : 2 sièges Liste 2 : 1 siège Liste 3 : 1 siège Liste 4 : 1 siège Ce partage s'avère quelque peu injuste surtout à l'égard de la liste 2 qui à le même nombre de sièges (1 en l'occurrence) que la liste 4, pourtant la différence des voix est énorme (18.000 voix). La deuxième solution : Elle consiste à diviser le nombre de voix obtenues par chaque liste successivement sur 1, 2, 3, 4 et 5 (5 étant le nombre de sièges disponibles). Les quotients obtenus seront classés par ordre d'importance. En reprenant l'exemple ci-dessus, on obtient le tableau suivant: On remarque dans ce tableau que les quotients les plus importants dans un ordre décroissant seront comme suit : 43.000/28.000/21.500/19.000/14.333. Ces quotients appartiennent à la: Liste 1 : 43.000/21.500/14.333 Liste 2 : 28.000 Liste 3 : 19.000 Liste 4 :: 0 Les sièges seront répartis comme suit : Liste 1 : 3 sièges Liste 2 : 1 siège Liste 3 : 1 siège Liste 4 : 0 siège Cette méthode a été appliquée en Tunisie pour élire la partie française dans le grand conseil de la régence de Tunisie selon l'arrêté rendu par le résident général de la Tunisie le 13/07/1922. En conclusion, plusieurs méthodes ont été suivies pour traiter le problème du reliquat et il n'existe pas de méthode exemplaire dans la représentation proportionnelle. Celle-ci reste tout de même la plus équitable pour les petits partis qui peuvent ainsi accéder au parlement, sans être obligés de faire partie d'une coalition. Mais à quoi sert d'avoir un parlement bien représentatif mais qui pourrait être à l'origine de crises parlementaires cycliques ? En évitant les coalitions avant les élections, elles se feront obligatoirement au moment de former les gouvernements. Les petits partis pourraient jouer un rôle plus important que leur poids dans la société. Cela a pour effet indésirable le passage de la souveraineté du peuple à la souveraineté des partis car les accords entre les partis lors de la formation du gouvernement pourraient éloigner l'action gouvernementale des principes pour lesquels le peuple aurait voté. Ce sont là quelques réflexions sur l'avenir du paysage politique qui commencera à se dessiner à partir des élections du Conseil constitutionnel. Le plus important est de placer l'intérêt du pays au dessus de tout calcul partisan afin d'instaurer une démocratie responsable et efficace qui ne peut être établie, à mon avis, que par des élections suivant le système des listes avec majorité à deux tours.