Par Dhia KHALED* Trois mois environ après la Révolution du 14 janvier, la Tunisie cherche encore à retrouver pleinement sa stabilité sociale et sécuritaire et à entamer, enfin, une nouvelle étape de son histoire, étape qui devra donner la priorité, entre autres, à la construction démocratique, au respect des droits de l'Homme, au développement régional, à l'emploi et à l'émergence d'une deuxième République tolérante, innovante, moderne, libre dans ses pensées et qui soit ouverte à toutes ses composantes dans le cadre du respect mutuel et de la transparence. Une République qui aspire au meilleur et qui protège ses acquis, notamment en ce qui concerne le respect du statut de la femme, qui, après des décennies de labeur et de sacrifices, ne peut être, tout simplement, confinée dans une burka, mise au ban de la société ou privée de ses droits légitimes au travail et à la dignité. Toutefois, on ne peut plus rester indifférent face aux images et aux informations qu'on reçoit chaque jour sur les sit-in qui se propagent dans des entreprises publiques et privées, y compris étrangères, ralentissant de ce fait leurs activités et entraînant même la fermeture de plusieurs d'entre elles. Ainsi, au lieu de créer des emplois, comme l'a exigé et crié si haut et si fort la révolution tunisienne, nous vivons, aujourd'hui, une spirale de destruction du travail qui a inscrit, malheureusement, des milliers de chômeurs additionnels dans la longue liste de ceux qui aspirent depuis des années à accéder au monde du travail. Il y a lieu de souligner que la Tunisie n'a capté au cours des trois premiers mois de 2011 que 215 millions de dinars d'investissements extérieurs contre 275 millions de dinars pour la même période de 2010, soit une baisse de 21,7%, et ce, malgré le fait qu'on bénéficie actuellement d'une sympathie internationale et d'une opportunité précieuse de capitaliser sur la nouvelle image de notre pays pour augmenter les flux d'investissements étrangers. Espérons que les chiffres des prochains mois seront plus positifs, car ces investissements nous sont utiles pour atténuer la pression sur le marché du travail à travers la création d'emplois au profit des différentes catégories professionnelles de la jeunesse tunisienne. Ainsi, on ne peut que s'interroger sur l'agenda occulte de ceux qui prétendent être les fervents défenseurs et protecteurs de la révolution de la jeunesse tunisienne (de quel droit et de quelle légitimité ?) et qui ne rechignent pas, pour des considérations qu'on connaît tous, à entraver le fonctionnement de l'appareil économique et à faire perdre à notre pays la possibilité de sauver la saison touristique et l'industrie du tourisme, génératrice, pourtant, d'emplois, de croissance économique et d'entrées de devises. Est-ce à travers l'affaiblissement du pays qu'ils espèrent s'accaparer du pouvoir ? Non messieurs, détrompez-vous, car les Tunisiens ne sont pas dupes et ne le seront jamais. Les derniers avertissements du Premier ministre, M. Béji Caïd Essebssi, au sujet de la situation économique (taux de croissance alarmant cette année entre 0 et 1% en plus de 500 mille chômeurs, y compris 140 mille diplômés du supérieur), la baisse de nos réserves en devises selon la BCT (12 milliards DT ou 136 jours d'importation à la date du 28 mars 2011 contre 13 milliards DT et 147 jours d'importation à la fin de l'année 2010), la baisse des recettes du tourisme au 1er trimestre (231 contre 390 millions DT pour la même période de 2010), les pertes de l'économie nationale (environ 8 milliards de dinars), la baisse sensible de nos exportations de biens au titre du 1er trimestre 2011 (de l'ordre de -26%), et la déclaration du ministre du Commerce et du Tourisme sur les coûts élevés d'une relance économique (environ 5 milliards d'euros), ne peuvent que bousculer notre conscience collective vis-à-vis de la complexité et des défis de la phase transitoire que nous traversons et qui est censée, pourtant, nous mener irréversiblement vers la démocratie. Bien que le débat houleux qui marque actuellement la classe politique tunisienne soit un signe de bonne santé, il n'en demeure pas moins que la démocratie est loin d'être simplement une aptitude de certains acteurs politiques à mobiliser leurs partisans dans les places publiques, partisans qui souvent n'arrivent même pas à définir clairement l'objet de leurs revendications. A bas la manipulation ! La démocratie est plutôt une œuvre complexe qui se construit chaque jour et qui suppose une volonté sincère de toutes les parties de travailler pour le bien général du pays, loin des calculs personnels et des manipulations tendancieuses. Il est en effet du devoir des forces vives quels que soient leurs choix politiques et leurs tendances d'œuvrer pour remettre, de toute urgence, le pays sur la voie du travail et de la persévérance et d'agir pour que le politique n'étouffe pas l'économique. En effet, il ne peut y avoir de démocratie et de libertés durables en l'absence d'une atmosphère économique saine et dynamique. Même si les chiffres précédemment cités sont négatifs, ils peuvent, toutefois, être améliorés avec un retour normal et rapide au travail, surtout que les entreprises tunisiennes ont soif de travail et que les opportunités sérieuses d'affaires, en Tunisie et avec l'étranger, existent bel et bien. D'ailleurs, la Tunisie dispose d'atouts importants pouvant la transformer en une vraie place économique, financière et touristique régionale. Ne perdons pas donc cette occasion précieuse qui nous a été offerte par la jeunesse tunisienne pour construire une Tunisie moderne, prospère et dynamique. Une Tunisie qui soit à la fois un exemple de réussite politique et économique, tout en étant fière de sa longue histoire et de son riche patrimoine. Agissons ensemble pour que notre jeunesse voie et vive son bonheur dans son pays et non pas dans des embarcations de fortune, censées les amener à Lampedusa, mais hélas qui détruisent leurs vies et leurs rêves avant port.