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«Garantir l'approvisionnement de manière continue pour pouvoir maîtriser les prix et protéger le pouvoir d'achat du Tunisien» M.Mehdi Houas, ministre du Commerce et du Tourisme, à La Presse :
• Tourisme : une campagne promotionnelle exceptionnelle Venu de France, M. Mehdi Houas est un ministre qui s'est vite adapté à la mentalité tunisienne, et pourtant nombreux étaient les problèmes qu'il devait affronter, notamment au début. Aujourd'hui, son ministère rame pour trouver les solutions adéquates aux problèmes structurels des secteurs de sa compétence, le commerce et le tourisme. L'approvisionnement du marché, les produits compensés, le marché parallèle, la saison touristique, la campagne promotionnelle, le tourisme intérieur. Autant de dossiers qui suscitent de nombreuses interrogations. Sollicité, le ministre a bien voulu répondre à nos questions. Avez-vous rencontré des problèmes pour vous adapter à la mentalité tunisienne ? La mentalité, je la connais. Je n'ai pas été déconnecté par rapport à la Tunisie, je passais presque la totalité des vacances scolaires en Tunisie et je me suis marié avec une Tunisienne donc je n'ai jamais été loin de la Tunisie. En 2008, je me suis davantage rapproché et j'ai créé une filiale de mon entreprise en Tunisie. En prenant en main le ministère, j'ai rencontré un certain nombre de problèmes du fait que je n'ai jamais travaillé dans une administration. Il y a aussi le problème de la langue arabe et notamment pour le jargon technique. Je devais tout maîtriser très vite et puis les secteurs dont on m'a chargé sont des secteurs nouveaux et complètement distincts de ma spécialité. Ensuite, la première décision que j'ai prise a fait couler beaucoup d'encre, le choix d'une agence française pour promouvoir l'image de la Tunisie. Et puis je n'avais nullement prévu qu'il y aurait la Kasbah 1 puis la Kasbah 2 et enfin la révolution en Libye. Il y avait, également, les revendications sociales. J'ai été confronté à des agressions verbales pendant les premiers jours de la prise de mes fonctions et c'était difficile durant les premières semaines d'accéder au ministère. Malgré cette agressivité verbale, je ne me suis aucunement senti en danger. Au début je pensais que les contestataires manquaient de patience, mais j'ai fini par avoir la conviction qu'ils avaient raison. Einstein disait qu'«on ne règle pas le problème avec celui qui l'a fait», les Tunisiens agissaient, donc, avec la même intelligence et la même maturité qu'Einstein. Ensuite, je dirais que j'ai trouvé une administration où il y avait beaucoup de compétences. Certains se demandent pourquoi on a gardé les mêmes directeurs à leurs postes ? Il y a deux façons de faire, moi-même en arrivant en Tunisie, j'ai découvert des choses que j'ignorais. Je n'ai pas mesuré la profondeur du problème. Quand on vient de l'étranger, on reste généralement à la surface, on passe ses vacances et en rentrant on se dit qu'on a, simplement, passé de bonnes vacances. C'est vrai qu'en y regardant de plus près, on se rend compte de la profondeur du problème. Donc si on veut être radical, on devrait remplacer 70% des Tunisiens. L'Etat était vraiment mafieux au sens étymologique du terme sachant qu'une mafia c'est une organisation qui met une pression et qui, à un moment donné, oblige les gens à jouer avec ses règles du jeu. Et là on peut distinguer deux catégories, il y a ceux qui ont participé à l'organisation de cette mafia et ceux qui ont joué dans cette mafia. De mon point de vue, si on veut enlever les deux, on a les 70% de Tunisiens. Et si on veut régler le problème, on règle le problème de la première tranche seulement. Celui qui a participé à l'organisation de cet Etat doit être puni et il faut que ce soit fait avec de vrais exemples. Parlons commerce, quelles sont les mesures prises pour assurer l'approvisionnement d'autant plus que le mois de Ramadan approche ? Les attributions et la vocation du commerce consistent à garantir l'approvisionnement de manière continue pour pouvoir maîtriser les prix et c'est dans ce sens qu'on agit. Nous sommes dans un pays où le marché est libre, il se régule de lui-même par la loi de l'offre et de la demande. Nous sommes là pour faire en sorte que l'offre et la demande se rencontrent de manière continue. Toutefois, notre consommation n'est pas continue car on a un pic à absorber pendant le mois de Ramadan. Au ministère, on a l'habitude de gérer ce pic et on sait que pour l'absorber, on doit, six mois à l'avance, commencer à constituer les stocks pour un certain nombre de denrées de première nécessité. Il y a, en effet, des produits dont la consommation augmente de manière vertigineuse comme les œufs dont la consommation passe de 140 millions à 220 millions d'unités. En plus de cet approvisionnement, il faut, également, constituer les stocks en collaboration avec les industriels, qu'on doit encourager. A cet effet, on va même jusqu'à financer les stocks intermédiaire pour ne pas avoir de problèmes. Je dirais que l'approvisionnement et la distribution sont les deux mamelles de la Tunisie. Le réseau de distribution est aussi très bien organisé et très bien structuré. D'un autre côté et en vue de protéger le pouvoir d'achat du citoyen, un dialogue étroit et continu est établi avec toute la profession pour être sûr qu'on ne va pas manquer car dès qu'il y a manque, les prix flambent et dès que les gens pensent qu'il y aura des pénuries, les prix flambent. On contrôle les prix pour les produits qu'on subventionne et on régule ceux des produits sensibles. Qu'en est-t-il de la caisse de compensation ? La subvention est très importante sur les produits de première nécessité. La caisse de compensation assure ce rôle. Certains produits ont été intégrés dans la liste des produits subventionnés après le 13 janvier, à savoir la tomate concentrée et le lait. Auparavant, la subvention ne concernait que le blé et dérivés, le sucre et l'huile végétale. Les dépenses de la caisse ont, par conséquent, largement augmenté et le budget de 700 millions de dinars qui lui était alloué pour 2011 est passé à 1250 MD. A travers la caisse, on assure la régulation du marché et on continue à vendre des denrées subventionnées. Le sucre, par exemple, est un produit fortement subventionné, on l'achète à 1D,400 le kilo et on le vend à 960 millimes. Les Tunisiens consomment, en effet, beaucoup de sucre et on a eu l'idée de mettre en place une campagne de sensibilisation pour les inciter à faire attention à leur consommation. Pour vous donner un exemple de notre travail quotidien, je citerai le cas du poulet : on a dû intervenir afin d'assurer la stabilité des prix. En effet, même si le marché est libre, il y a certains produits identifiés comme étant des produits sensibles. Comme le poisson et les viandes rouges sont deux produits assez chers et non accessibles aux budgets modestes, les seules protéines accessibles pour les petits budgets sont le poulet et les œufs. Dernièrement, les producteurs de ces deux produits se sont plaints de l'augmentation du prix de production et on a pris la décision de baisser la taxe sur l'alimentation du poulet afin d'éviter que le prix flambe. Outre l'alimentation qui occupe la première place dans le budget du Tunisien (32,7%), on trouve le logement (14%), le transport (11%), l'habillement (9%) et enfin la santé (6%). Si on parvient à maîtriser tout cela on aura réussi à donner aux ménages la capacité de s'en sortir. Qu'en est-il des quotas des voitures importées ? Dans le passé, chaque concessionnaire se voyait attribuer un quota de voitures à importer. La consommation était répartie de manière arbitraire et non équitable. Il fallait trouver une clef de répartition sachant que le quota est interdit au niveau international et que normalement on doit libérer le marché de sorte que tous les produits soient concernés par cette libéralisation. Pour résoudre ce problème, il n'était pas possible de tout révolutionner dans une économie en reconstruction. La décision prise consiste à octroyer aux concessionnaires l'autorisation d'importer, au cours du premier trimestre 2011, 25% de ce qu'ils ont importé en 2010. Au début, ils ont accepté cette proposition, formulée avant le 14 janvier, mais par la suite ils l'ont contestée. On leur a alors demandé de se mettre d'accord et de faire la répartition qui les arrange. Un compromis a été trouvé qui permet de ne pas crisper cette industrie et de prendre le temps de rectifier et de peser le pour et le contre avant de prendre des décisions. Le marché parallèle est considéré comme le point noir du commerce, qu'en pensez-vous? De prime abord, l'on peut penser que c'est un point noir. Mais quand on analyse dans le détail, on constate qu'il n'est pas aussi noir car dans le marché parallèle, il y a toute une chaîne qu'on peut percevoir comme étant légale. Il suffit juste d'analyser les maillons les uns après les autres et de corriger le tir. Les commerçants qui faisaient entrer des marchandises sans payer la douane, en réalité, ne payaient pas l'administration, mais ils payaient d'autres personnes. Ce qu'ils payaient hier aux familles de l'ancien président, ils peuvent le payer demain sous forme de taxes. Cela veut dire qu'on peut continuer à réguler ce marché. Ensuite, il faudra voir ce qu'il y a à l'intérieur des conteneurs. On aura affaire à trois cas de figure : il y a le cas où le produit est dangereux et interdit, il faudra alors rejeter cette marchandise. La deuxième famille de produits se compose de produits sans danger et qui peuvent être introduits sur le marché, notamment des vêtements, des chaussures. On les qualifie et on leur impose une taxe et après ils peuvent être introduits sur le marché. La troisième catégorie est celle des produits contrefaits. Maintenant qu'on a signé les conventions de respect des droits des marques internationales et en tant que pays souverain, on va interdire ces marchandises. Ceci ne veut toutefois pas dire qu'elles n'existeront plus sur le marché. Le problème touche tous les pays du monde et il est difficile à résoudre. Avant, la contrebande était organisée. Aujourd'hui on va l'arrêter. S'agissant des marchandises acheminées avant le 14 janvier, on doit les traiter de manière particulière dans la mesure où les propriétaires de ces marchandises ont payé les droits de douane selon les règles de l'ancien régime. Une fois que cette marchandise est rentrée, il y a tout le circuit de commercialisation qui est à revoir et à organiser, c'est là le vrai problème, c'est les 15.000 ou 20.000 familles qui vivent de ce genre de commerce. Elles vendent une marchandise à des consommateurs qui ont un pouvoir d'achat faible, donc on va continuer de vendre cette marchandise à bas coût aux gens à faible revenu, sauf qu'on va régler trois problèmes. Le premier est celui de l'endroit qui ne devra plus être arbitraire et qui doit être structuré et il y a la loi. Pour quelqu'un qui veut avoir une licence de vendeur ambulant, il doit déposer un dossier auprès du ministère, un dossier qui n'est pas difficile à constituer et que l'on peut administrer en moins d'une semaine. Une fois il a l'accord, le dossier est transmis au gouvernorat qui attribuera les espaces destinés à ce genre d'activités. Ainsi, le vendeur ambulant ne pourra plus s'installer n'importe où devant un magasin qui paye ses taxes et vendre la même marchandise ou une marchandise équivalente, sans payer. Le deuxième point qu'on va régler est celui de la nature de la marchandise, cette dernière doit être une marchandise importée de manière légale et contrôlée. Le troisième point c'est que ce marché doit être en règle avec toute l'administration fiscale. C'est ainsi qu'on compte organiser ce marché qui était parallèle mais qui en réalité n'a rien de parallèle du fait qu'il est adressé à une tranche de la clientèle tunisienne qui ne peut pas acheter dans certains commerces plus chers. Passons, si vous le voulez bien Monsieur le ministre, au secteur du tourisme. Que comptez-vous faire pour relancer le tourisme intérieur ? On a diffusé sur les médias, et notamment dans la presse écrite, une campagne dont le slogan est «C'est bien que nos enfants découvrent leur pays». A l'arrière-plan on peut voir des vestiges romains et des sites touristiques ainsi que des dessins d'enfants. Quand on voit cette image, on risque fort de ne pas comprendre le message. Au fait, on a lancé cette campagne pour le mois de mars, le but était de faire en sorte que les professionnels, hôteliers et agences de voyages, prennent part à cette initiative et proposent, pour compléter la campagne, des tarifs promotionnels. C'est en superposant ces deux messages que la campagne aurait eu un sens, malheureusement, les professionnels ne se sont pas mis d'accord et la campagne s'est retrouvée dépourvue de sens. C'était un petit flash pour tester le marché pour les vacances de mars. Maintenant pour dynamiser la campagne, on a entrepris trois actions. On a, ainsi, ramené une grosse partie du budget de communication qui était normalement alloué pour la promotion à l'étranger en vue de relancer le marché local. D'un autre côté, nous allons contracter avec trois agences de communication pour toucher trois marchés, à savoir l'Europe où il faudra créer une nouvelle image de la Tunisie, l'Algérie qu'on n'a jamais ciblée en matière de communication et la Tunisie où on lancera une campagne à double impact : on essayera, en effet, de sensibiliser le Tunisien à son double rôle, il devra tour à tour jouer le rôle d'accueil et de client. A part le marché algérien, quels sont les marchés étrangers que vous comptez cibler ? Tous les marchés traditionnels. Sauf que ces marchés, on les ciblait avant et on y faisait de la promotion. Les marchés qu'on n'intégrait pas dans le cadre de la communication sont le marché intérieur et celui algérien, considéré comme acquis. Aujourd'hui, on veut dire aux Algériens merci pour ce que vous avez fait avant et merci pour ce que vous allez faire dans le futur. Vous avez annoncé que la campagne promotionnelle sur l'Europe démarrera dès que la situation en Libye se stabilise, avez- vous prévu une alternative au cas où la situation ne s'améliorerait pas ? L'idéal est d'attendre que ça se stabilise. Le cas échéant, on devra communiquer de manière différente. On a prévu des plans B où on insistera, notamment, sur la situation géographique des villes touristiques tunisiennes et qui sont à des centaines de kilomètres des frontières libyennes. On ne va, naturellement, pas utiliser les mêmes moyens qu'on utilisait avant. Je vais, à cet effet, consacrer toute une semaine de passages nombreux sur des télévisions françaises, allemandes et italiennes pour dire que tout va bien et qu'il n'y a aucun risque à venir en Tunisie. On va également organiser des éductours et on invitera des journalistes à visiter la Tunisie. On proposera, en outre, aux revendeurs des agences de voyages de vendre à partir de la Tunisie. On compte, à cet effet, mettre à leur disposition une plateforme de télé performance où ils travailleront trois heures par jour. Le reste du temps, ils le consacreront à visiter la ville. On est, également, en train de préparer des opérations pour faire venir des leaders d'opinion. La première opération du genre aura lieu du 7 au 10 mai. Le maire de Paris, M. Bertrand Delanoë, nous a offert la possibilité de bénéficier, pendant deux jours, de l'espace de sa mairie, une campagne spéciale adressée aux Tunisiens résidents à l'étranger sera organisée dans cet espace. Pour terminer, comptez-vous rester après le 24 juillet ? Ce serait insulter les compétences et les talents dont regorge la Tunisie. Je pense qu'aujourd'hui, j'ai un vrai rôle à jouer. Par la suite, il y a des compétences et je peux vous donner cent noms valables pour ces postes. La diaspora tunisienne n'est pas connue parce qu'elle ne voulait pas se mettre en avant afin de ne pas être récupérée. L'ancien régime était, en effet, connu pour être un régime qui excellait à ce propos.