Par Nesrine BEN AISSA* L'université est un lieu de savoir et de formation qui favorise le développement de l'intelligence humaine et l'imagination pour faire face à la concurrence internationale, surtout avec la mondialisation. Mais, malheureusement, l'université tunisienne a dévié de sa noble vocation. Elle vit depuis des années un grand malaise. En effet, elle souffre de plusieurs lacunes sur tous les plans et nous pouvons affirmer qu'elle traverse une crise qui risque de durer longtemps. Cette crise recouvre tous les aspects de la vie tunisienne et influe négativement sur l'épanouissement des étudiants et le développement de tout le pays. Il est à signaler que l'étudiant rencontre tous les jours des difficultés dues aux mauvaises conditions de vie, ce qui l'empêche de bien travailler. Sur le plan scientifique et pédagogique, nous constatons que la majorité des instituts et des facultés ont été créés à la hâte, sans étude approfondie de la réalité du pays et des perspectives de son développement. La Tunisie souffre de l'éparpillement des instituts et du manque d'infrastructure et de bibliothèques. Cela démotive la lecture pour les étudiants comme pour les enseignants-chercheurs. Il rend l'accès aux références bibliographiques difficile puisque certains livres sont inaccessibles ou très chers et donc cela affecte les recherches et les rend longues et ennuyeuses. En outre, il y a un manque d'accès à Internet et au matériel informatique. La majorité des ordinateurs sont obsolètes. Les laboratoires manquent de matériel ou sont équipés de matériel vétuste. Si nous prenons l'exemple de l'ISG de Tunis, il est inadmissible de voir le premier institut de gestion en Tunisie et qui a obtenu trois palmes dernièrement avec une telle architecture mal conçue. A ce problème, s'ajoute le problème de l'exiguïté des salles. Instaurer un climat favorable permet à l'étudiant de se sentir à l'aise, ce qui rafraîchit son esprit et le motive énormément. L'université tunisienne est appelée alors à créer des conditions favorables pour les étudiants, qui sont la richesse du pays. Nous devons alors instaurer tout un campus pour que l'étudiant se trouve entouré de tout ce dont il aura besoin: bibliothèque, restaurants, infirmerie, clubs, organiser des séminaires pour voir de près le domaine et le marché du travail. Par exemple, dans les instituts de gestion, essayer de s'ouvrir sur l'entreprise tout en organisant des visites pour les chefs d'entreprise sur les lieux. L'université ne doit pas se contenter uniquement de dispenser des cours mais elle doit aussi être un lieu de culture et de loisirs. C'est pourquoi il faut activer la vie culturelle et sportive au sein des universités, dans les foyers universitaires. Car les manifestations culturelles sont souvent épisodiques. Nous devons permettre aux étudiants et aux enseignants d'accéder au savoir et à la culture aisément, même à l'extérieur de l'université (Bibliothèque nationale, maisons de la culture, clubs…). Un autre point fondamental, c'est l'obtention d'une bourse. Les étudiants, surtout les étudiants-chercheurs, ont besoin d'une telle bourse pour assurer les différentes dépenses : le transport, l'achat de fournitures scolaires, les photocopies, le foyer universitaire, l'inscription… Mais le problème c'est que cette bourse n'est destinée qu'aux plus démunis. Même faisant partie de la classe moyenne, l'étudiant aura besoin d'une telle bourse car les charges augmentent tous les jours et deviennent de plus en plus insupportables. Donc, il est impératif qu'elle soit octroyée à tous les étudiants car le côté matériel a une grande importance dans les études supérieures. En outre, aujourd'hui, l'université tunisienne «forme mal, parfois très mal, ses étudiants…Elle est aujourd'hui mal aimée.» Souvent, on remarque que les enseignants sont non spécialisés, mal formés et manquant de pédagogie. Non seulement cela affecte la formation, mais aussi les programmes inappropriés qui sont tout le temps modifiés. Notons surtout le fameux système «LMD» qui a réellement bouleversé l'université tunisienne et a amplifié sa crise. Il a été instauré sans une réflexion préalable et sans anticiper ses répercussions. Les étudiants sont orientés après le bac sans même savoir, par exemple, la différence entre ce que ce système appelle «licence appliquée» et «licence fondamentale». Au début de l'année universitaire, les enseignants et l'administration ne savent pas les matières à enseigner ou le devenir des étudiants. Il y a souvent une redondance dans les matières ou bien un manque d'enchaînement. Ce système a augmenté le problème de salles avec un semestre chargé de matières et ne laisse pas à l'étudiant le temps de faire autre chose qu'étudier. Ce système a aussi ouvert des filières dont le marché n'aura pas besoin, c'est-à-dire «dont le marché de l'emploi ne veut plus». Soucieux de son avenir, l'étudiant se trouve démotivé, inquiet et pourrait même haïr son université. En outre, ces programmes mal pensés ne développent que des standards chez les étudiants et non des savoir-faire qui sont l'enjeu suite à l'hégémonie de la concurrence et de la mondialisation car «pour produire intelligent et beau, il faut disposer d'acteurs compétents, imaginatifs, capables de faire autrement». On a besoin aujourd'hui de technicité, de savoir-faire, d'innover, de prendre l'initiative et d'avoir un esprit critique et c'est à l'université de préparer le bain pour tout cela. L'université tunisienne doit en outre mettre tous les moyens nécessaires à la disposition des étudiants-chercheurs puisque «la recherche scientifique est maintenant utilisée en tant que critère d'excellence et vecteur de développement», selon Samir Hamza, enseignant à l'Insat, Tunis. Remédier aux problèmes et à la crise nécessite toute une réforme radicale et beaucoup d'efforts et de ressources humaines et matérielles. L'université doit s'ouvrir sur son environnement et sur le monde pour être au diapason du progrès technique, culturel et social. Il faut qu'elle améliore son rendement et adopte des normes internationales. «Le malaise est là, il faut l'affronter», donc il ne s'agit plus de se plaindre de l'université tunisienne mais il s'agit d'agir et trouver les remèdes nécessaires en assurant toutes les conditions favorables pour les enseignements afin de profiter de la richesse du capital humain et intellectuel pour se hisser au niveau des pays développés.