Par Taha BELKHODJA* Le conseil de l'Instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique vient de présenter son projet de décret-loi relatif à l'élection de l'Assemblée nationale constituante après un travail, certes colossal à défaut d'une culture de la démocratie, hélas celui-ci annonce d'ores et déjà la couleur de l'Assemblée en favorisant tacitement les partis les plus anciens. Bien entendu, il fallait s'y attendre, il y a eu réaction immédiate des forces vives du pays. Ce projet est une bombe à retardement, si on considère les mouvements de protestation des partis qui seront exclus et les polémiques qui vont surgir, et l'on risque fort de le regretter plus tard. La meilleure façon de répondre aux attentes de nos concitoyens c'est de laisser de côté les symboles et nos appartenances partisanes et agir en bons citoyens préservant seul l'intérêt supérieur de notre pays. Nous avons tous un défi à relever et nous avons besoin de beaucoup de bon sens, d'un esprit cartésien et d'objectivité en rejetant toute forme d'égoïsme et de malversation. Certes, nous avons besoin de juristes pour l'établissement des décrets et des lois mais nous avons besoin surtout de beaucoup de logique dans le raisonnement, donc d'ingénieurs aussi. Ce n'est pas si difficile que ça, pour répondre à tous les appels et éviter les soulèvements potentiels, il faut être objectif, il suffit d'abord de : 1) Définir l'objet et la mission de l'Assemblée nationale constituante – Nommer un président et un gouvernement de transition – Etablir la Constitution qui va servir pendant des générations – Elaborer le Code électoral – Etablir la loi organisant les partis politiques et d'autres lois. 2) Déterminer l'éligibilité et les critères de choix des membres pour la réalisation de cet objectif. Donc, soyons honnêtes avec nous-mêmes, du fait que la tenue de la campagne électorale des partis ne concerne pas leur programme politique propre, quel est alors l'apport spécifique des partis à cette Assemblée ? Aucun, comme l'a si bien dit le doyen Mustapha Filali, une référence qui a vécu en tant que membre du Conseil constitutionnel de 1959, dans son interview sur les colonnes de la presse du 23 mars : «La préparation d'une Constitution en six mois sera possible si les représentants des partis auprès de la chambre oublient leur appartenance partisane et tablent surtout sur le fait qu'ils sont citoyens….», toute campagne électorale des partis est ainsi complètement inutile et sans aucun intérêt, c'est une grande erreur, une perte d'argent et de temps. Le cas échéant, il est plus judicieux d'opter pour un référendum en bonne et due forme et c'est à l'Instance, elle-même, de faire sa propre campagne sur les régimes potentiels (présidentiel, parlementaire ou mixte), elle n'a besoin ni d'intermédiaires ni de publicistes (les partis). Notre révolution est un appel à la liberté et à la justice et il faut que nous commencions par appliquer ce que nous réclamons, ainsi nous ne pouvons nous permettre d'exclure quiconque que par la loi. Tout individu est présumé innocent jusqu'à preuve du contraire et donc doit pouvoir bénéficier de tous ses droits civiques et politiques, oublions le symbolisme. Les populations de toutes les régions doivent être représentées à l'Assemblée nationale constituante en préservant l'égalité des chances. Ainsi il faut éviter qu'un parti soit majoritaire, pour la simple raison qu'il est plus connu, de crainte qu'il soit influent dans la prise des décisions futures. Cette première expérience électorale doit se dérouler en toute transparence, équité et liberté aussi bien côté candidats que côté électeurs par respect pour la loi, rien que la loi, indépendamment des individus et de leurs tendances politiques. Soyons tous d'accord qu'on ne peut pas avancer sans une réconciliation entre tous les Tunisiens toutes tendances confondues en rejetant l'arbitraire et toute forme de règlement de comptes. Entre nous, personne n'est sans savoir que la politique de Ben Ali c'était : «si tu n'es pas avec nous, tu es contre nous» et gare à celui qui ne soutient pas ses campagnes électorales ou son 26-26, bonjour les dégâts (redressement fiscal, Cnss, etc…). Il reste le mode de scrutin à choisir, le vote par e-mail est possible moyennant un logiciel qui prendra juste un mois de travail, ceci est faisable si le ministère de l'Intérieur dispose de certaines données (CIN-passeport). Ainsi la solution adéquate et la plus efficace découle des idées les plus simples et les plus évidentes. Compte tenu de tout ce qui précède, cette Assemblée aura pratiquement le statut d'un sénat soit, en se référant au Larousse de poche : «Une assemblée politique composée de personnes désignées ou élues en fonction de leur âge ou de leur notabilité», en se référant à cela et suivant le principe des commissions où tous les organismes sont représentés par un seul membre. Je voudrais apporter une petite précision sur la liberté dont jouissent les femmes tunisiennes, c'est qu'elles ont fait leur choix en s'occupant plutôt de la vie associative, d'associations caritatives (une dizaine au moins), des villages SOS et autres, comme elles sont plus présentes que les hommes dans les activités professionnelles intermédiaires, administratives et intellectuelles telles que l'enseignement, de la crèche jusqu'à la faculté. Par contre elles sont totalement absentes dans les services de l'industrie extractive et autres, il ne faut pas déséquilibrer la nature, la politique est une passion que les femmes n'y adhèrent pas comme on l'imagine. Je pense que tout Tunisien doit respecter son choix et la féliciter pour son apport à la sauvegarde de la famille pour ne pas tomber dans le piège de l'Occident où l'esprit de famille est malheureusement en voie de disparition. La femme tunisienne, qui a beaucoup de mérite, a accédé à tous les niveaux, elle est même pilote d'avion, alors qu'ailleurs d'autres pauvres femmes n'ont pas le droit de conduire même un vélo ! Tous les candidats à désigner ou à élire doivent jouir d'un certain niveau de compétence, être connus pour leur citoyenneté et surtout ils doivent être constructifs. Afin de faire abstenir les candidats opportunistes, il faut signaler les règles du jeu concernant le calendrier de travail et dire qu'il n'y aura pas de salaire mais une prime de couverture des frais. Par ailleurs dans le cas où il n'y aurait pas campagne électorale, il serait plus judicieux de faire avancer les élections au 26 juin, juste après les examens scolaires et avant la séance unique et les départs en vacances, aussi bien de ceux qui résident en Tunisie qu'à l'étranger.