Par Rejeb HAJI* «L'homme peut choisir entre trois voies pour agir de façon intelligente : d'abord en réfléchissant : ce qui est la voie la plus noble, ensuite en imitant : ce qui est la voie la plus simple, et enfin en faisant des expériences propres : ce qui est la voie la plus douloureuse». Confucius (philosophe chinois) A l'heure des choix, le devoir d'avoir milité pour mon pays depuis mon plus jeune âge au sein de l'Uget et d'avoir assumé des responsabilités dans différents ministères, je n'ai pu résister à l'envie de m'adresser à vous Monsieur le Président en vous assurant de mon plus profond respect. La situation actuelle du monde menace chaque individu et chaque pays. La situation économique se dégrade de plus en plus, un vent de panique souffle partout sur le monde. Si on peut se réjouir, aujourd'hui de notre révolution, qui nous offre le droit de nous organiser, de contester, d'écrire et de rêver pour militer autrement. Mais également, on peut s'inquiéter du manque de projets et de programmes des postulants aux commandes du pays. Aucune discussion sur la pertinence d'un futur proposé. Aucune imagination des nouveaux pouvoirs attribués au peuple. Seuls, ici et là, des candidatures, à la conquête du pouvoir suprême, d'âmes candides promettant le meilleur des mondes possibles, certaines oubliant parfois qu'elles étaient des émissaires du président déchu. Les informations économiques sont peu relayées par nos médias et les discours politiques les ignorent à ce jour. Avec le vent de liberté qui souffle, le droit d'inventaire est plus qu'une exigence. Evaluer deux décennies d'amalgame d'idées où se côtoyaient «copains et coquins» et mesurer une politique de courte vue, basée sur des chiffres peu orthodoxes contestés par leurs vrais producteurs (voir l'article du collectif d'ingénieurs de l'INS), mais trouvant appui auprès d'organismes internationaux, au demeurant les véritables acteurs. Au final de ces choix, un mélange explosif reconnu par tous : chômage endémique, corruption généralisée, intérêts particuliers faisant main basse sur l'Etat puisque, outre les cinq milliards de dollars du président en fuite (Forbes), 40% du produit intérieur brut sont détenus par 180 entreprises appartenant à sa famille et à ses acolytes. Mesurer l'ampleur des dégâts causés par ces prédateurs avec lucidité et responsabilité puis proposer des remèdes devient l'affaire des élites. Pour engager ces derniers dans ce travail exaltant, à l'instar d'autres pays, il faut s'organiser et pourquoi ne pas rêver d'une commission d'évaluation et de perspective de sauvetage de l'économie tunisienne. Imaginons une mission paraphée à la fois par vous-même Monsieur le Président et par le Premier ministre chargeant une personnalité tunisienne reconnue et confirmée pour sa probité et l'excellence de son œuvre, lui fixant à titre indicatif deux domaines de réflexion: une évaluation de la situation économique et des propositions concrètes de réforme. Imaginons que l'heureux élu s'entoure d'une cinquantaine d'élites tous volontaires, à titre individuel, ne percevant aucune rémunération de quelque nature que ce soit et provenant de toutes les composantes de la société civile (universitaires, avocats, médecins, ingénieurs, cabinets d'études, de conseils, administration, journalistes..). Faisant confiance à l'esprit et à l'intelligence, cherchant, dans le dialogue et la confrontation des idées, les moyens pratiques pour sauver l'économie et dessiner une société de participation, tel sera le cadre de son travail. Imaginons que la commission puisse s'appuyer sur les services du Premier ministre, siéger dans l'une des salles des chambres actuellement inoccupées et auditionner toute personne jugée utile pour la réalisation de sa mission : ministres, responsables politiques, dirigeants d'entreprise, universitaires, hauts responsables de l'administration... Imaginons qu'elle tienne des réunions deux fois par semaine, édite des bulletins d'information sur le déroulement de ses travaux et remette son rapport à vous Monsieur le Président, dans un délai de trois mois. Imaginons tout cela dans le cadre d'une concertation élargie et appropriée. De ces travaux naîtra un guide capable de faire un état des lieux de l'existant et de présenter quelques axes susceptibles d'être médités par les hommes politiques pour la définition de leur projet pour une relance du développement durable. Car après la faillite des idéologies qui avaient réussi par le passé à soulever les masses, il s'agit aujourd'hui d'affronter un ordre nouveau aux contours imprécis et imprévisibles, de se référer à des principes et à des idéaux susceptibles d'être inscrits dans les faits. C'est là Monsieur le Président, à notre sens, un moyen d'engager nos élites à se libérer des carcans idéologiques. Elles répondraient sûrement en masse à cette offre de participation et accepteraient de mettre leurs potentialités au service de notre Tunisie unie et solidaire. Du don de soi et du dépassement guidant cette réflexion, de la diversité et de son apport, peuvent émerger, dans la transparence, les étapes nécessaires en vue d'offrir un projet garantissant surtout sécurité, emploi, santé et épanouissement pour tous. Nous aurons, une fois de plus, administré la preuve que nos élites savent honorer la mémoire des martyrs en étant à l'écoute des citoyens et à la hauteur des nouvelles exigences. Aujourd'hui plus que jamais, cette élite est capable d'imaginer la bataille de l'espoir dans un climat de compréhension et de tolérance. La tâche est passionnante Monsieur le Président. Peut-on l'entamer d'urgence, car au nom de quoi contesterait-on de créer une commission consultative ? Par cette approche une nouvelle page s'écrira dans l'histoire de notre pays : un changement de style et une offre réelle de participation.