«La souveraineté du peuple», «L'indépendance de la justice» et «La liberté d'expression», tels sont les slogans scandés par bon nombre de protestataires réunis, hier matin, sur l'esplanade du Théâtre municipal de Tunis. Ces jeunes contestataires considèrent, chacun à sa manière, que la révolution n'a pas encore honoré toutes ses promesses. Tout autant que le sang des martyrs n'a pas encore donné lieu à des tulipes rouges, en signe d'une nouvelle écriture de l'histoire tunisienne. Jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, toutes catégories confondues, parlent, gesticulent et s'agitent tout en se rappelant un passé proche où le sang a coulé à flots, irriguant les terres de la première flamme révolutionnaire dans le monde arabe. «Qui sème les épines récolte les blessures», «RCD dégage», «Game over, not try again», «Condamner les coupables, poursuivre les assassins des martyrs et les exécuteurs de la torture», «Dissoudre la police politique» et «libérer la place de la Kasbah», voilà les principales revendications figurant sur des pancartes éparpillées çà et là sur le macadam de l'avenue Habib-Bourguiba, le temps d'un mouvement dominical. «Apparemment, rien n'a changé. Que des promesses verbales, toujours sans concrétisation. On a l'impression, plutôt la certitude que Zine est parti, et qu' El Abidine demeure. On est là aujourd'hui pour manifester notre colère et notre insatisfaction à l'égard de ce qui se passe», relève Mohamed Baghti, tout en traversant la foule. Voix fortes et aiguës, vrombissement de moteurs, klaxons de voitures, le brouhaha de l'Avenue est de plus en plus assourdissant et l'ambiance monte d'un cran entre partisans d'un sit-in devant le Théâtre municipal et d'autres appelant à une marche de contestation devant le ministère de l'Intérieur. «Il ne faut pas les provoquer pour entrer en confrontation directe avec eux», lancent les uns. «Ce n'est pas devant le Théâtre municipal que l'on peut mettre de la pression», rebondissent les autres. Mais l'objectif est le même : servir la cause des martyrs, comme le note Melle Dridi Imen, avant d'ajouter que l'ancien régime persiste encore : «On est là pour défendre les acquis de la révolution qui sont en danger et exiger l'exclusion définitive du RCD de la vie politique dans notre pays. C'est aussi pour dénoncer les méthodes répressives encore pratiquées. Nous serons toujours là, tant que le gouvernement n'ira pas dans le sens des objectifs de la révolution et de la volonté du peuple tunisien. Nos martyrs ont combattu pour la démocratie et la dignité du peuple, à nous de servir leur cause et la nôtre. Une cause sine qua non pour le mérite de leurs sacrifices», observe notre interlocutrice.