Depuis le 14 janvier, les messages réconfortants et rassurants sont venus de partout‑: partenaires, pays amis, institutions internationales. Il est clair, «les amis ne laisseront pas la Tunisie tomber». La Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont exprimé leur volonté de soutenir la Tunisie aussi bien sur le plan technique que financier, lors des assemblées du printemps, tenues récemment à Washington. A cet effet, la Banque mondiale lui a accordé une aide budgétaire de 500 millions de dollars (environ 700 MDT), qui devrait générer 700 millions de dollars supplémentaires dans le cadre d'une nouvelle approche proactive. Lors de ces assemblées, le cas tunisien a suscité beaucoup d'intérêt de la part des deux institutions internationales qui ont placé leur réunion printanière sous le thème «Défis globaux, solutions globales». Figurent parmi ces défis, l'équilibre de croissance entre pays développés, émergents et en développement, une meilleure stabilité économique et financière globale, la hausse des prix du pétrole et des matières agricoles, etc. Et il se trouve que la Tunisie est concernée par la plupart de ces défis, sinon par leur totalité. Il ne s'agit plus, du moins au niveau discours, de ce «bon élève», de ce «bon enfant», dont on a fait l'éloge durant de longues années, mais plutôt du cas d'un pays qui ne pouvait plus tenir, face à la crise internationale, «loin d'être surmontée», de l'avis de plusieurs experts. Autrement dit, l'explosion sociale qui a eu lieu en Tunisie et qui a fini par la chute de Ben Ali et de son système, comprend une certaine dimension internationale, celle d'un petit pays aux ambitions supérieures à ses moyens, mais aussi à la gestion opaque et aux libertés opprimées. La Banque mondiale et le FMI ont tiré des leçons du cas tunisien, typique, pour tous les autres pays en situation comparable. Outre cela, il se trouve également que la Tunisie est à l'origine, avec l'Egypte, la Libye et l'effet d'entraînement qui en découle, d'un nouveau cycle de hausse des prix des produits pétroliers et alimentaires, «objet de spéculation» également, selon la présidence française du G20. La situation de l'économie mondiale est ainsi confrontée à de nouveaux défis qui s'ajoutent à ceux, déjà observés depuis plus de 4 ans, la confiance dans le secteur bancaire et financier, la croissance à plusieurs vitesses, les défis climatiques, etc. Solutions La croissance, pour être durable, doit être forte et équilibrée. Le rapport sur les perspectives économiques globales, rendu public à l'occasion des assemblées du printemps, illustre bien ce déséquilibre : 4.5% de croissance moyenne globale en 2011, 2.5% pour les pays avancés, 6.5% pour les pays émergents et 4.3% pour la région MENA. La Tunisie, compte tenu de sa situation exceptionnelle cette année, ne réalisera que 1.3% en 2011, mais, d'après les projections du FMI, elle devrait rebondir en 2012 à 5.6%. «Le rééquilibrage n'est pas en train de se faire aussi rapidement que nous le souhaitons. Et il faut encore plus d'efforts pour soutenir l'exportation, la consommation et l'investissement», a précisé Olivier Blanchard, économiste en chef au FMI, s'adressant aux journalistes au siège du FMI. Là aussi, il s'agit d'un phénomène comparable à celui de la Tunisie de l'intérieur, en ce qui concerne l'équilibre de répartition des fruits de la croissance entre les régions et les ménages. Mais pour la Tunisie, dont l'économie est fortement liée à l'espace européen, aux perspectives de croissance demeurant encore sous l'effet de la crise financière et le ralentissement de la demande, les experts du FMI disent dans ce contexte qu'il est nécessaire d'explorer de nouveaux gisements de la demande pour augmenter les exportations. Autre défi, la hausse des cours. Les chiffres du FMI indiquent que les pays non exportateurs de pétrole de la région MENA accuseront une hausse moyenne de 8% du déficit budgétaire. Ce déficit supplémentaire pourrait être comblé à court terme, d'après Ahmed Masood, directeur du département MENA au FMI, par trois types de ressources : premièrement les ressources fiscales, deuxièmement les flux privés de capitaux et troisièmement des ressources d'institutions internationales. Mais à long terme, il serait nécessaire de développer de nouvelles solutions au niveau de la distribution des subventions. Pour lui, la hausse des salaires ne pourrait pas constituer une solution, en l'absence d'une augmentation encore plus importante de la productivité. Masood explique dans une déclaration à La Presse (voir interview), que l'augmentation de la productivité est d'abord nécessaire pour pouvoir augmenter les salaires, ensuite, il faudra agir sur l'environnement des affaires. L'expert du FMI insiste sur l'importance d'améliorer les qualifications pour faciliter l'emploi des jeunes. Il est vrai que notre pays dispose d'un nombre relativement élevé de diplômés, mais afin d'augmenter leur capacité d'intégrer le marché de l'emploi, c'est leur niveau de qualification qu'il faudra améliorer. Le FMI a tiré des leçons de son partenariat avec la Tunisie et a décidé de la placer sous surveillance tout comme l'Egypte, voire le monde entier, puisque la surveillance était une mesure parmi les solutions globales sur laquelle a insisté Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du FMI. Cela étant, pour des pays comme la Tunisie, la solution n'est pas uniquement économique. Le président de la Banque mondiale a insisté dans ce contexte que l'environnement des affaires implique de conduire des réformes relatives aux libertés d'association, l'accès à l'information, la transparence des transactions publiques, réduire les inégalités économiques entre les régions, booster le contrôle et l'audit interne et créer un programme-pilote pour l'emploi. Dans ce context précis, il a précisé que “nous devons nous rappeler que la révolution tunisienne a commencé avec l'immolation d'un jeune vendeur de fruits, harcelé par les autorités. Il faut donc cesser le harcèlement”.