Pendant cette période fort délicate de transition politique post-révolutionnaire, marquée particulièrement par un double relâchement : sécuritaire, heureusement de moins en moins perceptible, et économique, hélas, de plus en plus grave, je constate que les débats politiques que nous menons ou auxquels nous assistons sont la plupart du temps emprunts de violence, qu'ils manquent quelque peu de sincérité et d'objectivité, et qu'ils se rapportent souvent à des sujets dont le traitement me paraît prématuré et la simple évocation semble nous désunir, nous désolidariser, et surtout nous éloigner de l'essentiel. Nous parlons du port du fameux «hijab», nous en débattons partout, dans les meetings et réunions politiques et même dans la rue, certains y sont pour, d'autres contre, mais tous s'y braquent avec une passion démesurée comme si la question était d'une urgence extrême et que sa résolution allait enfin, telle une arme magique, sauver le pays de la situation difficile dans laquelle il s'enfonce tous les jours. De même, nous parlons de laïcité, sans d'ailleurs toujours en saisir la vraie signification ni la portée profonde… Nous cherchons aujourd'hui notre identité comme si l'on était bâtards et que nous ne savions pas qui nous sommes ! Nous parlons de nationalisation ou de privatisation de l'économie ou des entreprises, alors que celles-ci ferment tous les jours ou risquent de le faire dans un avenir proche ! Rares sont par contre ceux qui, sans calcul politique, proposent ou engagent des actions de vraie solidarité, de secours de l'économie, des actions qui, demain, ne nous laissent pas regretter le temps précieux que nous nous plaisons inconsciemment à perdre ! Devant cette impasse conjoncturelle, pourquoi les partis politiques de tout bord, les syndicats, les ordres professionnels et autres associations n'arrêtent-ils pas pour un moment leurs querelles interminables et ne lancent-ils pas, ensemble, un cri d'alarme aux salariés pour redoubler d'efforts et rattraper quelque peu le temps perdu ? Pourquoi ne leur demandent-ils pas de ne plus arrêter le travail pour un oui ou un non et ne les appellent-ils pas, par contre, à des journées de travail bénévole pour venir en aide aux citoyens et régions défavorisés ? Pourquoi n'appellent-ils pas aussi les dirigeants et propriétaires des entreprises qui s'engagent dans ce mouvement de reprise solidaire, à prélever une part du profit qu'ils auront tiré, pour l'utiliser aux mêmes fins ? Pourquoi n'initient-ils pas des programmes bénévoles d'intérêt général au niveau local ou régional afin de sauver certaines activités économiques ou pour venir en aide aux citoyens en naufrage ? En lisant ce papier, certains, j'en suis persuadé, me traiteront de naïf…Je le suis peut-être, mais je reste quand même convaincu que ce que je suggère est plus profitable pour les citoyens et plus valorisant pour la société. *(Ancien directeur de l'ENA)