• En Tunisie, le nombre des personnes souffrant d'une insuffisance rénale chronique et nécessitant une greffe de rein s'élève à plus de 3.000 La greffe d'organes et des reins particulièrement, constitue l'unique lueur d'espoir pour les personnes dont la vie est menacée par le non-fonctionnement d'un organe. En Tunisie, la première greffe a été effectuée en 1986, témoignant du courage des spécialistes tunisiens qui se sont hasardés à cette pratique en l'absence, alors, d'une loi légitimant cet acte et croyant fort en la préciosité de la vie et en le progrès scientifique et médical. Dans les années 90, la législation est venue clarifier la situation, légitimer la pratique de la greffe des organes. Le programme national de greffe des organes a permis d'asseoir les bases d'une intervention fondée sur la générosité; la générosité des donneurs et des spécialistes qui assurent cette mission, bénévolement. Aujourd'hui, et malgré les pas enregistrés dans ce domaine, le don et la greffe d'organes continuent à susciter les doutes et la réticence de la société tunisienne. La greffe des reins représente un sérieux problème de santé publique que les urologues tendent à résoudre du mieux qu'ils peuvent. Selon les données fournies par le Dr Amine Derwich, secrétaire général de la Société tunisienne d'urologie, la demande des patients souffrant d'une insuffisance rénale chronique, endurant l'hémodialyse et nécessitant une greffe rénale, s'élève à plus de 3.000. Une demande alarmante surtout que la réponse favorable excède à peine les 100 cas. «L'année précédente, nous avons réussi à greffer 133 patients contre 129 environ en 2009. Certes, nous assistons à une légère progression au niveau du nombre des donneurs. Toutefois, cette augmentation ne concerne que les donneurs vivants. Les prélèvements sur cadavres stagnent au détriment de la santé publique», indique le Dr Derwich. Solution idéale Pourtant, le prélèvement de reins à partir de cadavres s'avère une solution idéale pour sauver des vies. Elle l'est pour diverses raisons. En effet, le prélèvement sur cadavres permet de résoudre le problème, sans pour autant délester un donneur vivant d'un rein. Sur le plan quantitatif, un seul cadavre donne deux reins et donc permet de sauver deux vies et non une seule. D'autant plus que les hommes de religion autorisent cette pratique et trouvent qu'elle est un acte de générosité qui ne peut qu'être bénéfique pour l'humanité. Malgré ces arguments, la société tunisienne affiche une réticence accablante quant aux prélèvements d'organes à partir de corps de défunts. «Les parents ont généralement du mal à permettre le prélèvement à partir du corps d'un proche défunt. Et même l'idée de sauver des vies n'arrive pas forcément à les convaincre», souligne le Dr. Khaled Atallah, président de la Société tunisienne d'urologie. Aussi, et selon les chiffres fournis par le Dr. Derwich, le prélèvement à partir de cadavres a connu de 2007 à 2010 une certaine évolution. Cependant, le nombre des donneurs défunts connaît, les deux dernières années, une certaine stagnation. Ainsi, le nombre des prélèvements sur cadavres enregistrés en 2010 est-il de l'ordre de 16 contre 17 en 2009. Un nombre timide, surtout en comparaison avec celui des demandes en attente. «Le taux de refus des parents à autoriser le prélèvement s'élève à 80%», souligne le Dr. Derwich. Il y a, par ailleurs, lieu de noter que les urologues se trouvent souvent confrontés à des difficultés techniques, compliquant les choses. En effet, la greffe d'un rein n'est pas évidente pour tous les patients. Le Dr Atallah reconnaît que la réceptivité d'un rein dépend d'une panoplie d'examens garantissant au mieux le non-rejet du nouvel organe par le corps du demandeur. «Il s'agit, surtout, du critère de l'hysto-compatibilité ou compatibilité des tissus entre le corps et le nouvel organe. Pour greffer un malade, il est impératif de s'assurer de la compatibilité des tissus et d'un taux de rejet nul», explique le Dr Atallah. Préjugés et accusations Face à la noblesse du geste, l'on constate des complications techniques qui ne sauraient peser lourd sur les spécialistes mais aussi sur les patients en attente s'il n'y avait pas cette réticence quasi paralysante de la part de la société tunisienne. Une réticence aggravée par un déficit de confiance en l'honnêteté du cadre médical et du système sanitaire d'une manière générale. Les préjugés non fondés sur l'éventuel trafic d'organes obsèdent le Tunisien, brouillant ses idées et l'empêchant d'adhérer à la résolution d'un problème de santé publique à la fois pénible à supporter et en même temps fort coûteux. Pourtant, si l'on examine le circuit de l'opération depuis la mort encéphallique du défunt et jusqu'à la transplantation de l'organe, l'on comprendrait l'aspect délicat d'une telle action. En effet, tout commence depuis le service de réanimation où l'on déclare une mort encéphallique. Le Centre national de transplantation d'organes contacte les médecins coordinateurs qui se chargent d'aborder la famille du défunt, quant au sujet du prélèvement. Les neurologues doivent, entre-temps, s'assurer de la mort encéphallique. Le laboratoire d'imminologie procède alors à l'examen des ganglions pour étudier les tissus. «Il faut que le public comprenne que le choix des personnes prioritaires ne revient pas au cadre médical mais à la sélection que fait un logiciel, incluant la liste des demandeurs en attente. En introduisant les données relatives au rein prélevé, le logiciel sélectionne les cinq premières personnes susceptibles de présenter le moins de rejet possible», explique le Dr Derwich. Et d'ajouter que cette pratique, qui implique une équipe regroupant un bon nombre de spécialités, est une activité strictement hospitalière et non pratiquée dans le secteur privé. Ce qui, selon son avis, écarte toute éventualité de trafic. Actuellement, et suite à des propos d'accusation, lancés sur une chaîne de télévision et s'attaquant aux urologues, ces derniers ont interrompu cette pratique en expression d'indignation jusqu'à ce que la poursuite judiciaire rétablisse leur honneur.