• Le coût et la non-disponibilité des vols entravent les efforts d'exportation «La Tunisie a été parmi les pionniers de l'aquaculture» a avancé M.Foued Nakbi, aquaculteur. Mais à l'heure actuelle, elle ne figure plus au premier rang des fournisseurs internationaux. Pis, le marché domestique est inondé de poissons importés. En effet, l'évolution des techniques et la monopolisation de l'activité par le secteur public ont contribué largement à l'aggravation de ce retard. De nos jours, les nouvelles techniques de cages flottantes assurent un développement exponentiel des firmes maritimes. «L'expérience a montré que dans deux ans on peut porter le nombre des cages de 12 à une centaine» a relevé M. Nakbi. D'où un fort potentiel de développement. En pratique, le professionnel a remarqué que les aquaculteurs ont opté principalement à l'engraissement de deux variétés, à savoir loup et daurade. Il s'ensuit que l'offre demeure très limitée par rapport aux demandes grandissantes sur les marchés national et international. Il va sans dire que l'intensification de la concurrence mènera au bradage des prix, néfaste pour tout le secteur. D'où, pour préserver l'activité, il faut diversifier. Force est de constater que le secteur est très dépendant des fournisseurs étrangers, notamment pour l'importation des alevins et des aliments. Le recours à ces marchés extérieurs n'est pas sans risques. «Malgré toutes les précautions et tous les contrats, on n'est jamais à l'abri d'une mauvaise surprise en termes de coût ou de qualité», a-t-il ajouté. En effet, l'engraissement d'alevins, queue du lot, de basse qualité, ne génère pas une croissance significative et suffisante du poids. D'où les ventes prévisionnelles risquent de ne pas couvrir les dépenses en alimentation. Ainsi, la rentabilité de la ferme marine, voire sa pérennité, est en jeu. Pis encore, sur le plan macroéconomique, ces importations sont tout simplement une importante fuite de devises. La situation sur les marchés internationaux, notamment européens, est particulièrement complexe. Les pays qui ont fait leurs débuts par des stages en Tunisie se placent au premier rang des fournisseurs du vieux continent. Les aquaculteurs, dans ces pays, ont atteint une taille favorisant une importante capacité de production, d'où des économies d'échelle non négligeables. En plus, ces pays méditerranéens déploient des efforts concrets pour soutenir leurs opérateurs. «Les concurrents turcs bénéficient d'une subvention de 1 euro/ kilogramme produit», a précisé le professionnel. Ce dumping nuit à la compétitivité des opérateurs nationaux. Ces derniers, malgré les avantages accordés, déplorent le poids de la fiscalité locale qui alourdit les charges des entreprises. «Avec une exonération de la TVA et quelques subventions d'exploitation, nous sommes capables de conquérir tous les marchés, notamment ceux de proximité», a insisté le promoteur. Ces efforts gagneront en efficacité avec la simplification des procédures d'importation. M.Ameur Ben Amor, exportateur de produits de la mer, a expliqué que les efforts d'exportation sont souvent limités par le facteur transport. Le fret aérien, l'emballage et la glace coûtent jusqu'à 2 dinars par kilogramme exporté. Soit une hausse de 25% du coût de revient. Sans parler de la non-disponibilité des vols. En contrepartie, les concurrents du Nord optent pour un transport terrestre, largement moins coûteux et plus flexible, pour servir le marché européen. Selon l'expert, dans une première étape, on doit focaliser les efforts pour remplacer les importations et garantir l'approvisionnement du marché national. Au niveau des ports, la spécificité du matériel utilisé par l'aquaculture nécessite l'aménagement d'espaces dédiés aux aquaculteurs pour les mener à bien: l'embarquement, l'emmagasinage et le transport de leur production. Mais, il est très difficile aux aquaculteurs d'apporter les adéquations nécessaires. M. Nakbi a avancé : «Notre demande de réservation et de réhabilitation d'une zone au port est toujours sans réponse. Certains qualifient les aquaculteurs d'intrus.» Les Trabelsi, maîtres de la concurrence déloyale Le marché national a été longtemps inondé par les importateurs de poissons. Les prix artificiellement bas, sous-entendent des manœuvres et des pratiques douteuses. En effet, certains importateurs étrangers s'arrangent avec le clan des Trabelsi pour contourner le paiement des droits de douane, impôts et taxes, ainsi que tous les contrôles inhérents à l'importation des produits frais, notamment des poissons. Résultat : des poissons à des prix défiant toute concurrence. Toutefois, avec des bas prix, on ne peut que remettre en cause la qualité des poissons importés, et s'inquiéter de la santé des consommateurs. Pis encore, comme étant un produit périssable, les risques sont imminents. Par ailleurs, le clan utilise des factures bidon dont le bas prix est utilisé comme base de calcul des droits de douane. C'est simple : plus le prix est bas, moins on paye de droits de douane. D'où une fuite des recettes de l'Etat. «C'est étrange, dans certaines factures, le kilo de daurade ne dépasse pas 2 euros» a relevé M.Nakbi. Et d'ajouter «pourquoi ne pas adopter les prix journaliers comme base d'imposition ?» Outre le prix, ces opérateurs jonglent avec les classes tarifaires et procèdent à de fausses déclarations de la marchandise importée. Une partie du jeu se fait entre les classes «poisson congelés» et «poisson frais». Importer du congelé, de loin moins cher, le déclarer comme frais, moins taxé, pour gagner doublement dans les droits de douane à payer. Ensuite, sur le marché, il suffit de décongeler la marchandise pour la vendre sous le label «poisson frais», avec le prix coûtant. A cet égard, M.Nakbi a remis en cause le rôle des services de contrôle douanier et des vétérinaires.