C'est sous un ciel constellé d'étoiles et au-dessous d'une pleine lune rougeâtre que le violoniste tunisien Rami, dont le répertoire touche au classique occidental et tunisien, et puis le groupe de Pédro Wognin (chanteur franco-ghanéen) formé par Ellen Nash (voix) et Justin (Cynthétiseur) ont joué et chanté au Centre d'art et de culture de Sidi Jmour (Djerba) le vendredi et samedi derniers. Les deux soirées, organisées par Hamadi Chérif, le maître des lieux, en collaboration avec Riadh Ménif (Musique du silence) et Nour Eddine Gasmi (Serviced) ainsi que d'autres professionnels de l'événementiel, se sont déroulées dans les vastes jardins du Dar Chérif, en présence d'un public très cosmopolite de mélomanes. Rami, jeune violoniste, rappelle par son jeu à la fois élégant et enfiévré, le grand artiste disparu Ridha Kalaï. Avec son instrument, le musicien semblait en osmose totale. En première partie de soirée du vendredi, il a réussi à emporter le public vers des horizons romantiques et langoureux. Son interprétation de quelques morceaux choisis des chansons de Hédi Jouini et de Saliha a fait particulièrement vibrer les étoiles. Cette proximité avec le ciel dans un espace sauvage et pur, parcouru par le murmure des vagues de la Méditerranée toute proche et piqueté de palmiers et d'oliviers centenaires semble avoir inspiré Pédro et Elenn, tous les deux auteurs-compositeurs, d'autant plus qu'ils ont réservé une bonne partie de leurs deux concerts à ces musiques de l'âme, ces mélodies spirituelles noires, à la fois expression de la souffrance et hymne à la liberté, que sont le gospel et le saoul. Entre le rythme and blues, le jazz, la salsa et la variété française et américaine, le voyage en musique du trio venu de Paris a embarqué le public vers diverses destinations. Si Pédro a su garder par ses racines ghanéennes, la polyphonie des sons africains, étonnante apparaît la voix d'Ellen. Puissante, émouvante, pleine de nuances. Une voix tel un chœur, notamment lorsqu'elle interprète a capella This is my saoul ou Ave Maria. Ellen se présente d'ailleurs ainsi : "Je suis extérieurement blanche et intérieurement noire". Thérapeute par la voix, Ellen a développé ses vocalises par un travail proche de la musicothérapie. La voix pour elle porte une mémoire, il s'agit d'un outil pour se libérer des traumas et pour accéder à une réharmonisation de l'être. Depuis qu'elle pratique cette méthode de développement personnel, Ellen est passée comme elle dit "d'une chanteuse à une femme, qui chante avec son être intégral". Deux soirées à la saveur inoubliable. A défaut des festivals d'été cette année, pour leur plupart annulés, des privés comme Hamadi Chérif ont décidé de prendre la relève et d'assurer, malgré vents et marées, une part d'art et de culture au public tunisien et étranger. Une initiative à soutenir.