• La baisse des investissements n'est que conjoncturelle et justifiée Cinq mois après la révolution, les indicateurs et les bilans sont encore en deçà des attentes de tous les acteurs. Mais c'est loin d'être inquiétant. Tous les changements structurels de taille s'accompagnent d'une évolution de l'économie conformément à une courbe en J, un fléchissement de l'activité, puis une relance. En effet, au premier trimestre, on a affiché une croissance économique négative et quasi nulle au deuxième. Les prévisions tablent sur un taux légèrement positif au troisième et une réelle relance au dernier trimestre. Ainsi, on pourra espérer une forte croissance dès l'année 2012. Cette croissance trouvera ses origines dans l'affluence prévue des investissements étrangers, la dynamique des promoteurs nationaux et une forte hausse de la demande intérieure. Mais pour préparer un terrain propice aux promoteurs, motivés par une nouvelle Tunisie, les actions doivent se multiplier et surtout commencer au plus tôt. C'est dans ce cadre que s'est tenu récemment le Forum tunisien de l'investissement. A court terme, les résultats sont parfois contradictoires. Et l'incertitude monte d'un cran. En effet, après la chute d'un régime mafieux, on s'attendait à une amélioration notable du climat d'affaires. Mais, l'environnement économique a subi une détérioration douloureuse. D'une part, la persistance des mouvements sociaux a alimenté les incertitudes sociales. Désormais, on résout les conflits par la force et la pression et non par les négociations. Et même si les demandes s'avèrent légitimes, les investisseurs n'accepteront pas de rester à la merci des employés. Certains ont tout simplement fermé leurs usines. D'autre part, l'incertitude politique est de nature à dissuader les promoteurs qui préfèrent attendre les élections de l'Assemblée constituante pour avoir une vision claire des orientations de gouvernement et adapter, ensuite, les décisions d'investissements et de désinvestissements. Donc la régression des investissements enregistrée dans ces premiers mois est justifiée, mais elle n'est pas préoccupante. En résumé, tout ceci ne doit pas décourager les investisseurs avertis. Car, les retombées des investissements s'évaluent à long terme. Une logique soutenue par un bon nombre d'investisseurs. Témoignages. Mohamed Ali Kilani (dirigeant de Zynga, développeur de jeux et applications sur Facebook): «Une nouvelle destination pour les investisseurs nord-américains» Le forum est une initiative intéressante. Jusque-là les orientations et les tendances annoncées sont très ambitieuses. Comme à l'accoutumée, le partenariat avec l'Europe a eu une place de choix. D'ailleurs, les échanges avec le Vieux continent sont très prometteurs. D'autre part, lors de ce forum, j'ai remarqué la volonté et la détermination des partenaires de la Tunisie à soutenir la transition démocratique. Toutefois, la mise en application de ces stratégies est une rude mission qui nécessite l'implication de toutes les parties prenantes. A mon avis, il est opportun de fonder une économie de marché et d'ériger un Etat de droit. Pour ce faire, il convient d'alléger la réglementation et de simplifier les procédures administratives. Aussi, il incombe à l'Etat d'instaurer et de garder un climat favorable à une concurrence loyale. Et que le meilleur gagne ! Lors de cette édition , on a remarqué une participation de plusieurs nationalités. Donc, c'est une occasion pour les promoteurs tunisiens de rencontrer des partenaires potentiels des quatre coins du globe. Pour favoriser l'interaction directe entre les promoteurs tunisiens et étrangers, on espère que les prochaines éditions seront de moins en moins gouvernées par les autorités publiques. On reconnaît par ailleurs que de l'autre côté de l'Atlantique, le site tunisien est peu connu … Logique, puisque durant les dix dernières années, je n'ai jamais vu de missions économiques tunisiennes à la ‘Sillicon Valley'. Maintenant, la révolution tunisienne a suscité l'intérêt de tout un chacun. Désormais, la Tunisie est connue pour ses jeunes compétences, l'importance de la place de la femme, et les avancées remarquables au niveau des droits de l'homme… Tous ces atouts feront de la Tunisie une nouvelle destination des investisseurs. En effet, l'outsourcing des activités dans les pays asiatiques, notamment en Chine et en Inde, n'est plus profitable. Certaines entreprises américaines recherchent des partenaires européens, mais la réglementation et les coûts découragent un bon nombre de promoteurs. Ce qui fait que la Tunisie pourrait figurer comme un point de chute de ces activités. Nobomitsu Kawakami ( general manager de YKK Trading Tunisia) : «Les compétences tunisiennes, pilier de compétitivité de toute entreprise» Nous avons installé notre première usine en 1997. On a toujours misé sur la valeur des ressources humaines. D'ailleurs, notre compétitivité est basée sur les compétences tunisiennes. En effet, elles assurent le gros lot du travail, de la conception à l'exécution. Déjà, je me déplace beaucoup et je délègue beaucoup de mes responsabilités à mes collègues tunisiens. En janvier dernier, pour assurer la sécurité du personnel de la société, on a décidé de fermer temporairement nos ateliers. Mais la réaction était étonnante. Les cadres et ouvriers tunisiens ont décidé de continuer à travailler. Dès lundi, 17 janvier, près de 80% du personnel étaient présents. Notre fermeture a été de seulement de deux demi-journées. On a beaucoup apprécié le dévouement de notre personnel. Ce comportement a conforté notre capital confiance. Déjà, on est en train d'étudier l'extension de notre activité dans la zone de Monastir, près du technopôle. Maintenant, l'amélioration des conditions sécuritaires est une priorité. On appelle le gouvernement provisoire à renforcer la présence des forces de l'ordre pour protéger les sites de production et les travailleurs. Cependant, le report des élections est une mauvaise décision. Maria Pia Canino (directeur technique d'une agence de voyages): «Redonner des couleurs au marché italien» Le marché italien était parmi les marchés européens les plus pourvoyeurs de touristes sur la destination tunisienne. Toutefois, le bilan n'a pas cessé de régresser au fil des années. Pis encore, ces derniers temps, la mauvaise communication de la situation en Tunisie et les événements de Lampedusa, ont touché de plein fouet l'image de la Tunisie. Désormais, les italiens pensent que le pays est en guerre, que les gens sont armés et que les conditions sécuritaires sont très critiques. On doit l'avouer, les Italiens ont cru à une telle image. Déjà, je trouve beaucoup de difficultés pour convaincre les clients d'opter pour un séjour en Tunisie. Aujourd'hui, plus que jamais, il faut relancer le marché italien. L'un des objectifs de ma visite ici est de montrer aux gens que le pays est stable. J'ai amené des compatriotes dans les alentours de la banlieue nord et on a veillé jusqu'au matin. De retour en Italie, à la Sicile, mes invités parleront de leur séjour et contribueront à changer, un tant soit peu, la fausse image qu'on cherche à associer à la Tunisie. D'ailleurs, l'offre touristique tunisienne est bien importante. Le touriste a le choix entre les produits balnéaires, archéologiques, culturels… Consciente des atouts de la destination tunisienne et ce qu'elle offre au touriste italien, je reste très confiante en l'avenir du tourisme tunisien. Déjà, je suis à la recherche d'éventuels partenaires pour relancer le marché italien. Les autres marchés européens ont commencé à croire encore une fois en la destination tunisienne. Prochainement les Italiens. Jovani Casamento (entrepreneur ‘Impresa Edile'): «Tous les préalables sont réunis pour mieux faire» Notre délégation compte plusieurs hommes d'affaire de tous les secteurs: l'immobilier, le tourisme, les banques… Ainsi, on donnera toutes les chances pour la concrétisation des éventuelles négociations et opportunités. A vrai dire, les derniers changements offrent de belles alternatives pour la réalisation de projets mixtes tuniso-italiens et de relancer certains gelés. Ce qui est remarquable, c'est que tous les Tunisiens, gouvernement et citoyens sont déterminés à donner une belle image de la Tunisie, démocrate, dynamique, accueillante, offrant une qualité de vie à l'européenne. Naturellement, c'est très accrocheur pour les investisseurs étrangers. Mais il ne faut pas perdre du temps. Il faut agir rapidement. A mon avis, le dynamisme des jeunes diplômés tunisiens est de nature à offrir de belles opportunités aux entreprises italiennes en quête de renforcer leurs compétitivités. En somme, la nouvelle Tunisie offrira aux investisseurs de larges opportunités.