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Grandeur et décadence de la civilisation arabe (2e partie)
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 06 - 2011


Par Rafik BEN HASSINE *
Dans la culture arabe médiévale, le savant (l'ouléma, le hakim) est le détenteur du savoir; lequel savoir est avant tout religieux mais il s'étend à toutes les disciplines touchant à la connaissance du beau et du bien. Le Coran et la Sunna incitent le musulman à l'étude et à la recherche, étude "où Révélation, Vérité et Histoire doivent être considérées dans leurs rapports dialectiques comme les termes structurants de l'existence humaine" (A. Arkoun). Les traditions du prophète sont pleines de récits favorables à la science. Ainsi "cherchez la science depuis le berceau jusqu'à la tombe, même jusqu'en Chine", ou "Celui qui cheminera à la recherche de la science, Dieu cheminera avec lui sur la voie du Paradis", ou encore "aux yeux de Dieu, le sang du savant est plus précieux que le sang du martyr".
Selon le sociologue français Gustave Le Bon (1841-1931) : "L'idéal créé par [Muhammed] fut exclusivement religieux, et l'empire fondé par les Arabes présente ce phénomène particulier, d'avoir été le seul grand empire uniquement établi au nom d'une religion, et faisant dériver de cette religion même toutes ses institutions politiques et sociales ". " Avec un génie politique bien rare, les premiers califes comprirent que les institutions et les religions ne s'imposent pas par la force…Ils traitèrent les populations avec la plus grande douceur, leur laissant leurs lois, leurs institutions, leurs croyances, et ne leur imposant en échange de la paix qu'ils leur assuraient qu'un modeste tribut, inférieur le plus souvent aux impôts qu'elles payaient auparavant. Jamais les peuples n'avaient connu de conquérants si tolérants, ni de religion si douce". C'est cette tolérance qui explique pour l'essentiel, aux yeux des historiens, la rapidité d'extension des conquêtes arabes et la facilité avec laquelle leur religion fut acceptée et ancrée chez les peuples des territoires conquis.
Après les conquêtes, les Arabes se sont sédentarisés et se sont fondus dans les populations locales en une osmose exceptionnelle, historiquement sans équivalent. Ils ont créé de nouvelles villes qui sont devenues des centres de civilisation: Saragosse, Tolède et Cordoue en Andalousie; Fès et Marrakech au Maroc; Béjaïa et Tlemcen en Algérie ; Kairouan en Tunisie ; Le Caire en Egypte; Damas en Syrie; Bagdad en Irak; Maragha, Rayy (l'actuelle Téhéran), Shiraz et Ispahan en Iran; Samarcande en Ouzbékistan.
Le mérite et l'ingéniosité des premiers docteurs de la loi musulmane ont été incarnés par leur prodigieuse capacité à intégrer le monde qui les entourait aux valeurs de la religion musulmane, pour en faire une force redoutable. Leur mérite a été d'avoir su faire, avec les peuples et les nations qui leur ont préexisté, une nation nouvelle, qui dominera pour de longs siècles d'immenses étendues. S'ils ont réussi, c'est parce qu'ils ont su s'adapter à ce qui leur a préexisté. En un mot, ils ont su faire du neuf avec de l'archaïque. Ils ont su répondre aux besoins de leur temps par les solutions les plus appropriées. C'est là le facteur déterminant à l'origine de l'éclosion de toute grande civilisation.
L'extension du monde arabo-islamique a mis en contact plusieurs civilisations différentes. Pendant le règne du premier abbasside Abû al-Abbâs, la victoire de Talas (751) a été l'occasion d'acquérir un certain nombre de techniques chinoises dont celle de la fabrication du papier. Le papier a rapidement remplacé le parchemin dans le monde musulman: des manufactures furent créées à Samarkand, Bagdad, Damas et Le Caire. Comme Internet aujourd'hui, et comme l'imprimerie lors de la Renaissance européenne, le papier a été un facteur déterminant pour la propagation du savoir. Le papier gagnera l'Europe au 12e siècle.
Les dirigeants musulmans ont encouragé la recherche scientifique et la diffusion du savoir: Harun ar-Rachid (786-809) imposa l'usage du papier dans toutes les administrations de l'empire. Sous l'administration de ses vizirs barmécides (baramika), Bagdad devint la capitale intellectuelle de son époque. Le calife était le protecteur des savants et des poètes, quelle que soit leur croyance. Les censeurs islamistes ne pouvaient pas, comme de nos jours, les condamner pour "apostasie" ou pour déviationnisme. Des écoles et des bibliothèques furent construites. Le calife Al-Maâmun (813-833) avait réuni à Bagdad des savants de tous horizons. En 832 fut fondée la Maison de la sagesse (Beït al-hikma). Al-Biruni y calcule le diamètre de la Terre, et affirme que la Terre tourne sur elle-même, et cela bien avant Galilée.
L'origine bédouine des Arabes a été un autre facteur positif. Comme le démontre Ibn Khaldoun, les bédouins sont des créateurs en puissance et en nombre: plus que les citadins, ils ont aptitude à accéder au changement démultiplicateur et producteur de la culture. Les bédouins sont porteurs de la matrice où débutent tout pouvoir et toute culture, tout renouvellement du cycle historique. La révolution tunisienne du 14 janvier a démarré dans les zones "bédouines", c'est-à-dire là où subsistent encore les vertus de "l'esprit tribal" et la "asabya", qualifiées de tares par nos citadins.
Mais pour assimiler une civilisation avancée, il faut déjà posséder un esprit cultivé. Les vains efforts que firent les barbares pendant des siècles pour s'approprier les débris de la civilisation latine, prouvent la difficulté d'une telle tâche. Les Arabes, heureusement, n'étaient pas des barbares. Nous savons que lorsque parut le Prophète, ils possédaient déjà une culture littéraire élevée, bien qu'orale. Or, si un lettré peut ignorer bien des choses, ses aptitudes intellectuelles lui permettent facilement de les apprendre. Les Arabes apportèrent, dans l'étude d'un monde si nouveau pour eux, la même ardeur qu'ils avaient mise à le conquérir.
La décadence des Arabes
La décadence arabe va commencer puis s'accélérer pour deux raisons essentielles. La première, et la plus importante, est relative aux dissensions internes (entre factions islamiques; entre régions et entre pays, entre ethnies et races: Arabes, Persans, Turcs, Kurdes, Berbères, etc.). C'est donc une raison endogène qui, entraînant l'affaiblissement généralisé de la Umma, a ouvert la voie aux ennemis extérieurs. Cet affaiblissement des royaumes et califats arabes aiguise l'appétit des puissances étrangères (Mongols, Croisés francs et Catholiques espagnols au Moyen Age, puissances coloniales ensuite, Israël et USA aujourd'hui). C'est la seconde raison de notre décadence, qui est donc exogène. Ces deux causes forment une sorte de cercle vicieux, l'une alimentant l'autre. L'affaiblissement entraîne guerres, défaites et occupation étrangère. Les défaites et l'occupation étrangère entraînent plus de raidissement religieux et plus de sclérose intellectuelle, et ainsi de suite. Nous vivons actuellement dans ce cercle vicieux: occupation de territoires arabes et musulmans par des forces judéo-chrétiennes (Israël, les Etats-Unis), ce qui alimente résistance, rancœur, et crée un terrain favorable au terrorisme islamiste (Al-Qaïda, Talibans, etc.). Lequel terrorisme est utilisé comme prétexte à ces occupations. Et ainsi de suite.
Dès que des fondamentalistes musulmans de 11e siècle ont décrété que la chariâ était devenue immuable, ils ont signé l'arrêt de mort de la civilisation arabe. Car dès lors, des désaccords profonds et inconciliables apparurent entre musulmans. Il s'opéra des réactions qui, sous prétexte de régénérer l'Islam, voulurent le ramener strictement à la lettre de la chariaâ des débuts, alors qu'aux époques brillantes des califats de Bagdad et de Cordoue, les musulmans savaient fort bien faire subir à cette chariâ les modifications nécessitées par les besoins du peuple et de la société. Par exemple, l'époque des Almoravides et des Almohades en Espagne a été marquée par la domination des fuqaha (juristes et hommes de religion) dans les palais des émirs. Abu Yûsuf al Mansûr, connu par son alliance avec les religieux, a été l'homme le plus hostile aux savants et aux philosophes. Il en a expulsé un grand nombre d'Andalousie, notamment Ibn Roshd. Certains sont partis en Europe et d'autres vers d'autres pays arabes. L'Andalousie et sa brillante civilisation en mourront.
Ainsi donc, depuis mille ans, le monde arabo-musulman est prisonnier d'un système intellectuel où la religion exerce sur la pensée une tutelle générale et implacable, de sorte que ce qui se pense est toujours redevable de sa conformité ou de sa non-conformité aux canons de la foi et de la loi religieuse. Les Arabes et les musulmans sont donc empêchés de penser la démocratie et la liberté. C'est une véritable révolution intellectuelle que celle qui consiste à poser la possibilité d'une éthique indépendante de la religion. Cette révolution a eu lieu en Turquie en 1920. Depuis cette date, aucun pays arabe, aucun pays musulman, n'a fait cette révolution. En Tunisie, elle a failli réussir avec Bourguiba. Celui-ci disparu, les dirigeants suivants et actuels ont tous voulu démontrer qu'ils sont plus musulmans que les islamistes, de peur d'être taxés de laïques par ces derniers. Pourtant, un laïque n'est autre qu'un citoyen qui, en séparant le politique du religieux, aspire à vivre libre et en démocratie, tout en protégeant la religion de certaines utilisations douteuses.
Depuis mille ans, l'anéantissement du rationalisme islamique encourage la domination des fuqaha réactionnaires sur nos sociétés et entretient notre déclin civilisationnel, tout en nourrissant le terrorisme islamiste, passé, actuel et futur.
De Hassan Sabbah à Oussama Ben Laden
La secte des Assassins est tristement réputée pour être la première organisation terroriste criminelle du monde islamique. Ses membres étaient les premiers kamikazes que le monde islamique ait connus. Leurs victimes ont été, pour la quasi-totalité, musulmanes.
La secte fut créée au XIè siècle par Hassan Sabbah, natif de la ville de Kom (Iran). Originaire d'une famille traditionnelle shiite, il devient très rapidement un érudit et se convertit au Nizârisme, secte shiite ismaélienne. Les Ismaéliens interprétaient l'islam à leur gré. Le calife fatimide Al-Hakem avait fondé au Caire une société, dite de la sagesse, qui condamnait tout ensemble le calife de Bagdad comme usurpateur, la foi et la morale sunnites comme des préjugés et des folies. La secte des Assassins est sortie de cette école.
Hassan installe son centre opérationnel à la forteresse inexpugnable d'Alamout, qui signifie, en dialecte local, "nid de l'aigle". Situé à 2100 m d'altitude, Alamout était au nord de l'Iran.
L'ordre des Assassins était divisé en trois classes, les daïs, les reficks, et les fédaviés (fidayins en arabe). Les daïs étaient les docteurs, les prédicants, chargés de convertir les infidèles. Les reficks étaient les compagnons, les initiés de la doctrine. Les fédaviés étaient les kamikazes, instruments des volontés et des vengeances de leur maître, appelé aussi Cheickh al Jebel, le Seigneur de la Montagne. La puissance des Assassins s'étendit depuis la Méditerranée jusqu'au fond du Turkestan. Pendant 150 années, ils entretinrent une continuelle terreur dans l'âme de tous les souverains de l'Asie musulmane. Ces kamikazes ne craignent pas la mort, et parfois même l'attendent impassibles. Leurs crimes sont souvent commis en public, pour leur effet psychologique sur la population, et le meurtrier se laisse calmement écharper par la foule. Ainsi, par peur ou par admiration, ce sacrifice amènera d'autres personnes à se convertir à la secte ismaélienne. Bien que la propagande des Assassins ait été principalement orientée contre les Croisés (Les croisades ont duré de 1095 à 1291), leurs coups étaient portés essentiellement contre les musulmans. On a même des documents des Templiers (publiés sur Internet), attestant de contacts et d'alliances probables entre Croisés et Assassins, contre des régimes musulmans d'alors, dont celui de Salah Eddine ou Saladin (1138-1193). Les Assassins ne succombèrent que sous les coups des Mongols en 1258. Recherchés dans toute l'Asie musulmane, ils furent impitoyablement massacrés. Habitués à la clandestinité, ils ne furent jamais totalement exterminés. Il en existerait encore aujourd'hui en Iran, en Afghanistan, au Pakistan et au Liban (chez les Druzes). Ils ont perdu leur puissance et leur fureur de meurtre; mais ils ont conservé leur doctrine extrémiste.
Pour certains historiens, le nom d'"Assassins" proviendrait de "hashashine", qui signifie consommateurs de haschich. Cette interprétation me semble erronée. En effet, Hassan aimait appeler ses adeptes "Assassiyine", car les Nizârites se voulaient des fondamentalistes. Les Croisés Francs auraient déformé "Assassiyine" en Assassins.


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