La question du jugement et de l'évaluation de l'art d'aujourd'hui est devenue cruciale. Elle fut à l'origine d'une des plus vives controverses artistiques de la fin du XXe siècle. Mais cette crise de l'esthétique révèle surtout l'incapacité des théories actuelles à prendre en charge les formes diversifiées de la création artistique contemporaine. Concilier une pratique artistique à l'œuvre et à une philosophie du labeur du concept, telle est l'une des tâches qui attendent ceux qui réfléchissent sur l'art, afin que la profusion des œuvres d'aujourd'hui ne se déploie pas sur un fond de désertification conceptuelle. Telles sont les principales idées évoquées lors des tribunes du festival, tenues les 17, 18 et 19 juillet et présidées par Mohamed B. Hamouda, coordinateur des tribunes, enseignant à l'Institut supérieur des arts et métiers de Sfax. La 1ère journée a été consacrée aux interventions-débats d'Ismaïl Rifaï, éminent artiste plasticien, écrivain et poète syrien et Yahia Chikh Kedhr d'Irak, docteur en sciences de l'art, diplômé de l'Institut des théories de l'art à Moscou (1984). Tous deux ont présenté un aperçu sur la progression des arts plastiques, respectivement en Syrie et en Irak et ont souligné l'importance de la révolution du printemps arabe contre toute forme de dictature en entravant l'évolution normale de l'art en général dans les pays arabes. Ils ont, par la suite, présenté leurs propres expériences artistiques. Hybridation et forme d'uniformisation esthétique Il ressort des interventions et des débats que le jugement du goût international se montre toujours plus sensible à l'hybridation et au métissage des genres et styles, quelle que soit l'expression artistique choisie. Peinture, photographie, architecture, musique, etc., brassent des réflexions qui traversent dans tous les sens, de la Méditerranée, l'Atlantique et même l'Oural. Ainsi et au-delà d'un mélange des genres et de styles, ce sont des cultures qui s'interpénètrent, empruntant des signes et des matériaux des uns et des autres. Au regard de ces multiples hybridations, il semble bien que les notions de porosité et d'obsolescence des frontières artistiques accompagnent ces mutations des arts. Toutefois, le principe d'hybridation contribue-t-il à construire une valeur esthétique internationale incontournable? Ce principe ne contient-il pas le paradoxe de participer à une certaine forme d'uniformisation esthétique contrebalancée par un foisonnement d'esthétiques régionales? D'où une perspective qui ne peut laisser indifférent l'artiste créateur, car le choix auquel il se confronte décide de sa posture artistique et politique. Aucune posture, à notre avis, ne saurait être qu'artistique. Il est à noter que les tribunes du festival ont connu aussi des interventions-débats présentées par d'éminents artistes-penseurs et intellectuels arabes dont on cite : Saïd Houidi (Egypte) et Mahmoud Chamseddine (Syrie). Rappelons également la projection du film El Mezoued de Sonia Chamkhi, qui a soulevé des questionnements et des discussions intéressantes. Des soirées musicales et poétiques ont accompagné ces tribunes, dont celles animées par le groupe Lamjed Jbir et le poète Mohamed Sghaïer Ouled Ahmed (17 juillet) et par la troupe «Les colombes blanches» (18 juillet). Enfin, une soirée de la musique mondiale a été assurée hier, mercredi, par le groupe George Boukoff, et ce, en clôture du Fiap de Maharès, version 2011.