PORT-AU-PRINCE (AP) — Trois mois après le séisme qui a dévasté Port-au-Prince le 12 janvier, la sécurité reste menacée dans la capitale, alors que des organisations non gouvernementales craignent qu'une grande part de l'aide promise par la communauté internationale ne soit en fait consacrée exclusivement à la lutte anti-criminalité. Et n'aille au bout du compte aux sociétés de sécurité privées. Les craintes de voir la situation dégénérer dans le chaos de l'après-séisme ont conduit le gouvernement américain à investir des millions de dollars dans la stabilisation et la sécurité de la capitale haïtienne, afin de protéger les programmes de développement. Plus de 422 millions de dollars de l'aide américaine proviennent du Pentagone. Le programme anti-criminalité américain existant avant le séisme dans le bidonville le plus dangereux de la ville, Cité Soleil, a été étendu à Martissant, nouveau point chaud en banlieue ouest. Disposant désormais d'un financement d'environ 35 millions de dollars, l'Initiative pour la stabilisation de Haïti avait été lancée pour reconstruire les quartiers dans lesquels les gangs profitent de la pauvreté et du désespoir pour prospérer. A Martissant, sa première phase comprend un projet de contrôle des inondations, qui emploie près de 700 habitants. Le programme anti-violence de l'ONU, lancé après le coup d'Etat ayant chassé le président Jean-Bertrand Aristide en 2004, se concentre également sur Martissant. C'est un secteur «immense», observe le commissaire de Port-au-Prince Michel-Ange Gédéon: «Chaque quartier a son propre gang et ces groupes sont tous lourdement armés». Les habitants des bidonvilles sont reconnaissants des efforts menés pour lutter contre les violences. «S'il y a davantage de policiers ici, peut-être que la nourriture suivra», espère Johnny Saint-Fort, maçon de 41 ans au chômage. Mais ils se plaignent aussi d'une multiplication des fusillades entre bandes rivales depuis le séisme. Et alors que la criminalité augmente, touchant désormais également les plus riches —au moins trois étrangers enlevés ces dernières semaines—, la sécurité prend un rôle de plus en plus central dans la reconstruction. La situation préoccupe des ONG, inquiètes que les fonds promis ne soient utilisés contre le crime, notamment avec le recrutement de sociétés de sécurité privées. Une dizaine d'ONG ont écrit à la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton avant la conférence des donateurs du 31 mars. Elles ont plaidé pour que ces fonds ne soient pas versés à des sociétés comme DynCorp. Cette entreprise de sécurité privée avait construit un commissariat à Cité-Soleil avant le séisme, pour un million de dollars tiré de l'Initiative pour la stabilisation. Au total, 9,9 milliards ont été promis. Le Président américain Barack Obama s'est engagé pour une aide de 1,15 milliard de dollars, mais elle doit encore être approuvée par le Congrès. En attendant, c'est aux forces de sécurité locales de faire respecter la loi. Alors que 20.000 soldats américains avaient été déployés sur place après le séisme, leur présence a été réduite au minimum. Et si la police tente d'améliorer son image avec notamment des patrouilles renforcées et en embauchant dans les quartiers, les soupçons de corruption et de connivence se multiplient. Une enquête est ainsi en cours pour déterminer la raison pour laquelle 4.300 prisonniers, pour certains dangereux, ont réussi à s'évader de prison pendant le séisme. «Je ne veux pas anticiper les résultats de l'enquête, mais cela me semble très suspect», note le chef de la police nationale, Mario Andersol.