Nous l'avons déjà dit, l'opération des inscriptions sur les listes électorales s'est avérée plus compliquée que prévu. Rendue encore plus difficile par cette canicule qui sévit depuis le début du mois. Inutile de s'attarder sur les raisons qui sont à chercher surtout du côté des acteurs de la vie politique nationale, partis en tête, beaucoup plus préoccupés par le résultat du scrutin que par son déroulement. Dix jours après le début de l'opération et le compteur n'a enregistré que quelque trois cent mille inscriptions sur un potentiel d'électeurs estimé à huit millions de personnes. Très peu si l'on sait que l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) a réussi à aplanir les difficultés logistiques survenues au cours des premiers jours. Cette démission, par ailleurs inexcusable, des citoyens n'augure rien de bon pour la suite de l'opération et l'on craint fort que le jour du scrutin, promu pour être un jour de fête, ne soit une grande déception. Soyons clairs, l'Isie à elle seule et quoiqu'elle fasse ne pourra pas mobiliser l'ensemble des citoyens. Son plan média n'est pas percutant et les slogans choisis n'accrochent pas encore. Il faut réfléchir à d'autres scénarios et trouver d'autres solutions de rechange avant qu'il ne soit trop tard. Certes, l'inscription sur les listes électorales est une démarche à la fois personnelle et volontaire. Le vote, en tant que tel, est un droit susceptible d'être ou de ne pas être exercé. Mais il est moralement un devoir, surtout en cette période de transition. Il est aussi un acte de responsabilité. D'abord et contrairement à ce qui se passe dans toutes les démocraties, pourquoi ne pas avoir pensé à l'inscription d'office des personnes ayant atteint l'âge de vote, c'est-à-dire18 ans, et dont le nombre est estimé à 200 mille personnes. Mieux vaut tard que jamais car, sauf motif irréfragable, ceci pourrait se faire encore par les mairies et les délégations qui devraient transmettre les listes actualisées à l'Isie. D'autant plus que ces jeunes-là ne risquent pas de se trouver frappés par un quelconque interdit prévu par la loi électorale, comme la condamnation ou l'appartenance à un corps constitué tel que la police, l'armée, la justice ou autre, lequel corps n'ayant pas le droit de voter. En plus de cela, il faut intensifier la campagne de sensibilisation en utilisant tous les supports médiatiques et autres comme les messageries téléphoniques en coordination avec les trois fournisseurs de téléphonie mobile lesquels supports sont susceptibles de toucher un plus grand nombre de citoyens. On doit, également, multiplier les centres et les bureaux d'inscription en les installant dans les grandes surfaces, par exemple, comme c'est le cas pour les bureaux de l'état civil, et les rapprocher davantage des citoyens, ou encore exploiter les maisons des jeunes et de la culture ainsi que les centres d'hébergement pour jeunes en cette période estivale. L'Instance a déjà formé près de 4.000 jeunes dont 2100 sont actuellement «réquisitionnés» pour cette opération. Aucun souci sur ce plan-là, ni sur le plan matériel non plus, puisque le budget prévu est assez consistant et en aucun cas on ne doit lésiner sur les moyens. Et même si l'inscription en ligne n'a pas été prévue par la loi, il aurait fallu y penser. On devrait réfléchir comment la rendre possible et ne pas s'en tenir uniquement au texte de loi, si rigide soit-il. Ce sera plus simple et plus rapide car le citoyen n'aura plus à se déplacer et en quelques clics et à tout moment, il pourra se faire inscrire à distance. Un gain de temps et d'argent. Cette opération pourrait profiter notamment aux jeunes, gros consommateurs d'Internet, et aux Tunisiens à l'étranger qui se trouvent en vacances parmi nous. Quant aux citoyens habitant dans les zones rurales, des efforts supplémentaires doivent être fournis pour faciliter leur transfert vers les centres d'inscription. Toutefois, et pour ce point précis, il faut absolument éviter que les partis politiques ne s'en mêlent, leur rôle devra se limiter à la sensibilisation. Pour qu'ils ne se disputent pas la paternité de la question et n'influent pas sur le choix des électeurs. On doit aussi penser à exploiter les bus itinérants du ministère de la Jeunesse et des Sports et qui sont équipés de matériel informatique et d'Internet pour aller jusqu'aux confins les plus reculés du pays. Les idées ne manquent pas qui pourraient accélérer l'opération des inscriptions et mobiliser les citoyens pour que la journée du 23 octobre marque un tournant dans l'histoire de la jeune République tunisienne. Et soit une journée de fête. Il faudra donner un sens à la participation aux prochaines élections, expliquer les véritables enjeux et surtout éviter l'amalgame entre l'engagement citoyen et l'engagement politique. Le vote qui est «une forme dite institutionnelle de la participation, par opposition aux formes dites non conventionnelles, protestataires» ou encore l'adhésion à un parti politique, est un moyen d'expression et un élément fondamental constituant de la citoyenneté. Il faudra enfin se creuser les méninges pour trouver un slogan mobilisateur et qui, sans paraphraser Socrate, serait proche de «Je vote donc je suis».