L'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap) a exprimé, vendredi dernier, des réserves sur les chiffres officiels publiés sur la récolte céréalière de 2011 par le ministère. Dans un communiqué, l'organisation agricole estime que les chiffres avancés dans ce domaine «sont fondés sur des estimations erronées». La veille, le ministère de l'Agriculture et de l'Environnement avait annoncé que 9 millions de quintaux de céréales ont été collectés, alors que la récolte est estimée à 20 millions de quintaux. Le département agricole impute la faible quantité de céréales collectée par rapport au volume global de la récolte, au fait que les agriculteurs préfèrent garder leurs récoltes (11 millions de quintaux) pour leur propre consommation, l'alimentation de leur bétail ou l'écoulement d'une partie de cette récolte sur le marché parallèle. Pour l'Utap, ces explications sont «inacceptables et illogiques» car, fait-on valoir, l'agriculteur n'a ni les moyens ni les capacités d'assurer le stockage d'une quantité aussi importante de céréales. Par conséquent‑: «l'évaluation faite de la récolte est inexacte». L'organisation explique la réticence des agriculteurs à livrer leurs récoltes aux centres de collecte par les faibles prix à la production appliqués dans ce domaine en dépit de l'augmentation de 2 dinars/quintal décidée auparavant. Ces prix, indique-t-elle, ne reflètent point les coûts de production réels qui se sont inscrits en hausse de 14% durant cette saison. L'Utap exprime ainsi son soutien aux agriculteurs qui protestent contre la baisse des prix de vente de leurs récoltes. Mais le ministère de l'Agriculture et de l'Environnement a confirmé, le lendemain, samedi 23 juillet, que les estimations qu'il venait d'avancer concernant l'actuelle récolte céréalière étaient «fiables». Il estime que les réserves de l'Utap sur les chiffres de la récolte «sont dénuées de tout fondement». Selon le ministère de l'Agriculture, les services techniques effectuent, annuellement, une enquête spécifique conforme aux normes statistiques scientifiques pour évaluer la récolte céréalière. Cette année, rappelle le communiqué du ministère, les résultats de l'enquête ont fait état d'une amélioration de la moyenne du rendement des cultures céréalières par hectare. Celui-ci a augmenté à 18,6% avec une progression des superficies moissonnées par rapport à celles emblavées, soit 92% contre 51% par rapport à la campagne de 2010. L'enquête prévoit, scientifiquement, la possibilité pour l'actuelle récolte céréalière de dépasser 23 millions de quintaux, dont environ 6 millions collectés au Centre et au Sud. Il semble difficile de trancher le différend entre l'Utap et le ministère sur les chiffres de la récolte céréalière. Mais les deux se rejoignent sur cette idée qu'une quantité considérable de cette récolte n'est pas acheminée vers les centres de collecte. Et cela témoigne d'un problème réel sur lequel il faudra réfléchir car, quels que soient les besoins des agriculteurs en termes de semences et de consommation privée, cela ne saurait atteindre le niveau en question : soit plus de la moitié de la récolte, si on s'en tient malgré tout aux indications du ministère. Il est clair qu'il y a un problème de réticence de l'agriculteur à livrer sa production aux centres de collecte. La question du prix se pose, bien sûr, mais on peut évoquer aussi le flou dans la détermination de la qualité par les laboratoires de ces centres, à partir d'un barème qui est lui-même très décrié, ce qui les autorise à opérer des «réfactions» excessives...