La Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique, réunie hier, au Bardo, a été vivement critiquée pour son rendement insuffisant et son indifférence à l'égard des derniers développements survenus sur la scène nationale au plan économique, social et sécuritaire. Les participants à cette réunion, notamment les représentants des partis et des régions, ont été unanimes à affirmer l'insensibilité de l'Instance face aux préoccupations de l'opinion publique et aux grands dossiers nationaux et sa focalisation sur l'élaboration des projets de décrets-lois en prévision des élections du 23 octobre prochain. La majorité des membres ont regretté de voir la Haute Instance se transformer en un mini-parlement dédié à l'élaboration des projets de décrets-lois sans se soucier de remplir la mission pour laquelle elle a été créée : réaliser les objectifs de la révolution et veiller à la réussite du processus de réforme politique et de transition démocratique. D'autres intervenants ont estimé inutile que la Haute Instance poursuive l'accomplissement de sa mission, compte tenu de la faiblesse de son rendement et de son insouciance face aux préoccupations sécuritaires, sociales et économiques des Tunisiens. Responsabilité du gouvernement Ils ont, également, imputé au gouvernement la responsabilité de la défaillance de l'appareil judiciaire illustrée par la fuite de quelques symboles de l'ancien régime et les atermoiements dans le jugement de ceux qui ont commis des crimes contre la Tunisie et son peuple. Le membre du Parti démocrate progressiste (PDP) Maher H'nin a critiqué le rendement de l'Instance et dénoncé l'absence continue de plusieurs membres des travaux de cette structure. Il a, également, appelé à fixer les priorités de la Haute Instance pour la période à venir, dont l'enquête sur les raisons du retard constaté dans la poursuite des symboles de l'ancien régime et des malfaiteurs et l'examen du bilan des travaux de la commission d'enquête sur les affaires de corruption et de malversation et de la commission d'établissement des faits sur les abus commis lors de la révolution. Le représentant du mouvement « Ettajdid » Samir Bettaieb a indiqué que le gouvernement de transition n'a cessé d'entraver le bon fonctionnement de l'Instance, ce qui a affecté son rendement et limité son rôle à l'élaboration des textes législatifs plutôt que de veiller sur le déroulement du processus de transition démocratique en Tunisie. M. Abdelmajid Charfi a estimé indispensable pour la Haute Instance de changer ses méthodes de travail afin d'éviter la rupture entre l'Instance et les Tunisiens. Barrer la route à la contre-révolution La Haute Instance, a-t-il ajouté, ne doit pas se limiter uniquement à l'élaboration des projets de décrets-lois, mais elle doit s'occuper, également, des affaires du pays et proposer des solutions aux problèmes rencontrés, notamment «face au sentiment de déception qui a envahi toutes les catégories de la société et au mouvement contre-révolutionnaire qui repousse le pays vers l'arrière», selon M. Mohamed Hédi Khouli. MM Mohamed Attia, Houcine Dimassi, Salem Haddad ont plaidé en faveur de la protection des acquis de la révolution et du report de l'adoption du reste des projets de décrets-lois en prévision de l'amélioration de la situation sociale, économique et sécuritaire dans les différentes régions du pays. Les circonstances de la libération de l'ancien ministre de la Justice Béchir Tekkari et de l'ancien ministre du Transport Abderrahim Zouari, la fuite à l'étranger de l'ancienne présidente de l'Organisation tunisienne des mères (OTM) Saïda Agrebi ainsi que l'évolution de la situation à Jebeniana ont occupé une grande partie des débats lors de cette séance du mercredi. Pour M. Ali Mahjoubi, «le pays dérive vers l'inconnu, face à l'émergence de bandes organisées qui veulent mettre à genoux le pays sous couvert du tribalisme et du régionalisme et semer la discorde entre les membres du peuple». L'un des membres a proposé de mettre en place une commission au sein de l'Instance qui aura pour mission d'assurer le suivi des événements à l'échelle nationale et de garantir la célérité du traitement des problèmes survenus et de soumettre des rapports à ce sujet au Conseil de l'Instance pour en approfondir l'examen et contribuer à leur règlement. Il est à rappeler qu'un sit-in a été observé au hall de la Chambre des conseillers pour protester contre la défaillance de l'appareil judiciaire et a appelé à la réforme du dispositif judiciaire et à la consécration de l'indépendance de la justice.