Les grèves et les sit-in dans le secteur du transport ont perturbé le déplacement des gens et ont mis l'économie nationale à rude épreuve. En effet, les revendications sociales, si elles constituent un droit indéniable pour tout citoyen, ne doivent en aucun cas porter atteinte à l'intérêt général de la nation. Il semble que les grévistes qui osent bloquer le trafic ferroviaire et empêchent l'utilisation des ports ne sont pas conscients de la gravité de leur acte. Une minute de perdue dans un port peut entraîner la perte de plusieurs milliers de dinars et donc un manque à gagner pour l'Etat, pour la collectivité publique. Certes, les agents des différentes sociétés de transport peuvent avoir des doléances tout à fait légitimes mais il est nécessaire de prendre en compte les impacts qui peuvent être engendrés suite à un arrêt de travail, même de quelques minutes. Un terrain d'entente et un compromis devraient être toujours trouvés entre l'administration et les agents représentés par leur syndicat – sans jamais arrêter le travail – pour résoudre tous les problèmes, aussi cruciaux soient-ils. Dans cette ère de démocratie naissante, les doléances se sont certes multipliées, chacun voulant soit une augmentation salariale, soit une titularisation, soit une révision des indemnités alors que plusieurs sociétés de transport sont en situation financière déficitaire. Pour parler des problèmes d'ordre social et des projets en matière de transport, nous avons contacté M. Salem Miladi, ministre du Transport, qui a bien voulu répondre à nos questions. Les doléances sociales dans certaines sociétés de transport ont été à l'origine de perturbations de la marche de l'économie et des déplacements des citoyens... Nous avons été en mesure de résoudre le cas de plusieurs problèmes sociaux dans certaines sociétés de transport grâce aux négociations. C'est le cas du service de catering du port de Gabès qui a duré un mois et qui a été à l'origine de l'arrêt du Groupe chimique tunisien en plus de la grève du métro et des bus de la Transtu. Il a fallu beaucoup de temps pour résoudre ces problèmes avec tout l'effectif du ministère, temps qui aurait été plus profitable dans l'étude des projets à réaliser et qui vont générer des richesses, de nouveaux postes d'emploi. Après la révolution, nous avons perdu 200.000 postes d'emploi au lieu d'en créer autant pour résorber le chômage. Suite à un sit-in nous avons été obligé de supprimer du trafic 9.000 trains de la Société nationale des chemins de fer (Sncft), à Gafsa, ce sit-in nous a coûté 150.000 dinars par jour alors que le Groupe chimique a perdu 3 milliards. Les grévistes occupent la voie ferrée et ne laissent pas le train passer. Au port de Radès, où d'importantes quantités de marchandises destinées à l'exportation y transitent, l'arrêt de l'activité a causé un manque à gagner important à l'industrie. C'est un fiasco à l'exportation. Certaines personnes semblent oublier que la démocratie est une culture, une obligation de bénéficier de ses droits mais aussi de s'acquitter de ses devoirs. Il faut penser aux impacts que peuvent avoir les grèves à répétition sur l'économie. Après la révolution, on devrait travailler plus, surtout que l'occasion propice s'est présentée. Et qu'en est-il de la Société de transport de Tunis qui a connu une grève au cours des derniers jours ? Une telle situation en période de transition est, en fin de compte, normale et les problèmes ne peuvent pas être résolus en deux secondes. L'essentiel est que désormais on fasse les bons choix à condition que les travailleurs soient disciplinés en respectant leurs droits et devoirs en bénéficiant de leur liberté qui se termine quand celle de l'autre commence. Il n'est pas normal, par exemple, d'immobiliser les moyens de transport et de laisser dans la rue des travailleurs qui ne peuvent pas rentrer chez eux. En plus, le syndicat affirme que le chauffeur est payé 500 dinars alors qu'en réalité le salaire d'un chauffeur débutant est de 700 dinars en prenant en compte les différentes primes. Un chauffeur expérimenté de l'échelon 18 perçoit un salaire de 1.262 dinars, primes comprises. Parmi les doléances des grévistes figure celle qui concerne la priorité de l'emploi aux enfants des agents de la société, ce qui est en contradiction avec l'un des objectifs de la révolution prônant une égalité des chances pour tous les demandeurs d'emploi. D'autres revendications concernent l'indemnité de risque et les places gratuites pour les agents. A noter que la Société de transport de Tunis a des impayés de 498 milliards, une accumulation due à des problèmes d'ordre structurel (comme le prix des abonnements qui ne couvrent pas les frais), les salaires qui ont fait l'objet de conventions signées avec les partenaires sociaux pour ce qui concerne l'augmentation des salaires... Pour ce qui est du conjoncturel et après la révolution, il y a des gens qui veulent voyager gratuitement dans les moyens de transport quitte à utiliser la force pour intimider les contrôleurs. Cela constitue aussi un manque à gagner pour la société. Pourtant des fonds ont été injectés pour satisfaire les demandes dont 6 milliards pour la STT et autant pour les Sociétés régionales alors que la société nationale de transport interurbain a bénéficié de presque 13 milliards. Nous avons également discuté avec les représentants des travailleurs à plusieurs reprises, soit en janvier, en juillet et en août. On a demandé à la centrale syndicale de rationaliser les demandes pour pouvoir passer cette transition de la façon la plus aisée possible. Sous la dictature, on faisait une croissance nationale entre 5 et 6%, mais il y avait la corruption et la malversation. Maintenant que le climat est devenu sain, il est possible de porter cette croissance à 8%, encore faut-il que tout le monde y participe et que la stabilité soit retrouvée. L'état d'avancement du projet du Réseau ferroviaire rapide (RFR) est-il satisfaisant ? Effectivement, ce projet a connu un certain retard. En ce qui concerne le génie civil, on peut dire que les travaux ont commencé. On a constaté plusieurs problèmes après la révolution. Des gens dont les terrains ont été expropriés et qui ont reçu des indemnisations veulent récupérer aujourd'hui leurs terrains. Des dossiers qui ont été réglés sont de nouveau ouverts et remis en question. En fait, le projet est divisé en trois principales composantes, à savoir le génie civil, le matériel et la signalisation. Si tout va bien, le projet sera opérationnel en 2013. Et le projet d'électrification de la ligne ferroviaire Tunis-Borj Cédria a connu, lui aussi, un retard... C'est en septembre prochain que le projet d'électrification de la banlieue sud sera opérationnel. Certaines personnes ont volé les câbles installés ainsi que le cuivre pour le vendre au prix qui leur convient. Ils sont de toute façon toujours gagnants. Ces actes qui ont retardé le projet entrent dans le cadre des actes de sabotage et de pillage qui ont suivi la révolution et qui ont concerné plusieurs unités de production et de commercialisation dont certains ont été obligés de licencier leurs travailleurs. Quelle solution pour améliorer la situation financière de certaines entreprises de transport et résorber le déficit ? Le déficit est conjoncturel pour certaines compagnies de transport aérien comme Tunisair et Nouvelair. La saison touristique étant défavorable, ces compagnies n'ont pas pu transporter le nombre de clients souhaité. La solution consiste à contracter des crédits bancaires et de comprimer autant que possible les charges. Les sociétés de transport urbain sont également déficitaires comme je l'ai dit pour des raisons structurelles et conjoncturelles. Dans ce cas, l'intervention de l'Etat sous forme de compensation demeure encore nécessaire pour soutenir ces sociétés. Certaines sociétés de transport, comme la Compagnie tunisienne de navigation, ont pu, en revanche, préserver leur équilibre financier et cela constitue un résultat positif. Pour ce qui est des accords du ciel ouvert (open sky), comment se sont préparées les compagnies nationales pour faire face à la concurrence ? Compte tenu de la conjoncture actuelle, il n'est pas possible de mettre en application des accords cette année. Pour faire face à la concurrence des autres compagnies, la solution est claire : il s'agit d'améliorer la compétitivité des compagnies nationales qui doivent s'adapter au nouveau cadre et en baissant les charges et elles ont bien la capacité d'adaptation. Des études ont été déjà élaborées par le ministère du Transport et une consultation nationale récente a même concerné, par exemple, la dynamisation des aéroports intérieurs. Cette consultation comporte plusieurs données et propositions pertinentes. Est-ce que vous allez les utiliser dans vos prochains projets ? En effet, plusieurs études ont été élaborées et constituent un acquis et peuvent être utilisées à condition de les vérifier et éventuellement de les mettre à jour. Pour ce qui concerne la consultation que vous citez, il faut la revoir et s'assurer qu'elle obéit vraiment au contexte actuel, sinon il est important de l'actualiser. L'objectif n'est pas l'étude en elle-même, mais l'obligation de résultats. Le climat d'investissement serein pourrait faciliter l'investissement en exploitant au mieux les aéroports qui peuvent être chargés de certaines activités. Plusieurs idées peuvent être développées et concrétisées dans ce domaine. Certains aéroports ont été créés dans les régions pour contribuer à atténuer au déséquilibre régional et sont peu exploités. Le choix de réalisation de l'aéroport d'Enfidha est-il pertinent ? La réalisation de l'aéroport d'Enfidha était nécessaire à mon avis et sa localisation est pertinente. Cet aéroport devrait permettre, en effet, de fournir ses services à des touristes qui ne seront plus obligés de venir à l'aéroport de Tunis-Carthage. Enfidha est proche d'une importante zone touristique. La conjoncture défavorable n'a pas permis à l'aéroport en question d'assurer l'envol escompté, mais l'avenir est prometteur, les chances de réussite sont réelles. Les études effectuées avant la réalisation de l'aéroport tablaient sur une évolution des voyageurs de 3% alors que concrètement, ce taux est de 4% en période normale.