Il y a des signes qui ne trompent pas : entre la quintessence des valeurs révolutionnaires et leur déliquescence, il n'y a qu'un pas hâtivement franchi et sans la moindre lucidité par des groupuscules qui se disent les artisans ou les adeptes de ce nouveau-né, la Révolution du 14 janvier 2011, et qui s'autoproclament comme étant ses fervents défenseurs, contrairement à la majorité silencieuse qui, elle, observe en toute quiétude le bon (et le mauvais) déroulement des événements et demeure presque sans réaction vis-à-vis des fanatismes et des débordements de tous genres. En effet, secouées de leur torpeur par le vent salvateur de la Révolution, des franges de la population tunisienne appartenant à différents métiers, fonctions et corporations ou souffrant d'un chômage endémique se sont subitement découvert des dons de protestataires, contestataires, grévistes ou frondeurs, selon les exigences du moment, et se sont manifestés par des actions cliniques, ciblées et en grand apparat — médias obligent pour faire de la frime ou au contraire de la sublimation. Et pour cause ! Sous couvert de la liberté d'expression, de manifestation, de rassemblement, de sit-in…, certaines gens, sans souci des règles de la bienséance, n'hésitent pas à paralyser les secteurs vitaux de notre pays, n'ont aucun égard pour le transport et les études de nos jeunes élèves et étudiants (grève des transports en commun, écoles et collèges pillés et incendiés), empêchent ceux qui empruntent les autoroutes et les routes nationales (même le bac reliant Sfax à Kerkennah) de vaquer à leurs propres occupations et entravent le fonctionnement normal de nombreuses usines, sociétés et administration publique. Certains n'ont pas manqué de se distinguer ostensiblement en priant dans la rue (quitte à paralyser la libre circulation des véhicules et des personnes), les autres en pillant et en saccageant des unités sanitaires, en braquant des agences bancaires et des points de commerce ou encore en incendiant des usines, des dépôts de marchandises ou des locaux administratifs. Déviations injustifiées Un mouvement de masse, qu'il soit de motivation revendicative ou vindicative, perd toute sa légitimité et sa raison d'être quand il dérape, qu'il viole la liberté d'autrui ou qu'il spolie un terrain (privé ou propriété de l'Etat) alors qu'il pourra tout obtenir et négocier dans la légalité et le respect de la loi et de l'ordre établi. Et pour ne pas verser dans un pessimisme excessif, il y a lieu de saluer le comportement civique des actions de certains citoyens (la manifestation organisée à la coupole d'El Menzah) entre autres, des organisateurs de certaines marches pacifiques, des grévistes au travail mais arborant des brassards distinctifs à la japonaise. Mais de grâce, trêve de manigances et de faux-fuyants. La plupart des citoyens en ont assez de ceux qui continuent de pêcher dans les eaux troubles et de semer la zizanie, qui cherchent à escamoter ou à éclabousser les vrais acquis de la Révolution et qui ne se trouvent à l'aise qu'en vivant et en opérant dans le chaos et la promiscuité. Les actions et les agissements incongrus ne peuvent que porter préjudice à la bonne marche de notre sacro-sainte révolution et jeter le discrédit sur les initiatives et les démarches citoyennes prises en faveur de la suprématie de la volonté populaire, de l'instauration de la vraie démocratie, de l'intronisation de l'indépendance de la justice et du respect des libertés et des lois. Dans cette conjoncture périlleuse et à haut risque même pour la survie d'un Etat de droit, crédible, imbu de valeurs démocratiques et adepte des lois régies sous le sceau de l'équité et de la transparence, tous les citoyens, quelles que soient leur allégeance, leur appartenance, leurs convictions, doivent fédérer leurs efforts en vue de faire front commun aux séditieux surexcités, aux pyromanes invétérés et aux semeurs de troubles assoiffés. C'est seulement à ce prix que l'on pourra préserver les acquis de la Révolution, réaliser ses objectifs escomptés et parvenir à bon port. Après tout, ne dit-on pas que les actions et réactions en tous sens conduisent forcément à une parfaite symbiose de la nation et révèlent éminemment la bonne santé de la démocratie.