Le droit de grève existe certes dans toute démocratie, mais une certaine confusion semble régner quant à sa nature exacte dans la société moderne. Par définition, une grève consiste en une «cessation volontaire et collective du travail décidée par des salariés ou par des personnes ayant des intérêts communs, pour des raisons économiques ou politiques». La grève n'est en principe qu'une interruption temporaire du contrat de travail, où l'employé s'abstient de toute production personnelle. A l'origine, la grève était donc plus une omission qu'une action: elle correspondait à la définition donnée par le philosophe Alain: «L'acte de grève n'est nullement violent; il n'est que refus, il n'est qu'absence». Un employé de bureau, un cadre, un ingénieur ou un simple manœuvre qui s'abstient de travailler ne gêne directement que son employeur afin de faire aboutir des revendications précises. Le reste de la population, non concerné directement par le problème catégoriel des grévistes, reste spectateur du conflit et n'est pas pris en otage. Mais, au fur et à mesure de la mécanisation et de l'informatisation de la société, la grève a pris, pour certaines catégories de travailleurs, les dimensions des machines qu'ils ont pour travail de piloter: camions, autobus, locomotives de train, etc. La grève de ces catégories de personnel devient automatiquement plus active que passive, l'outil de production collectif devenant l'arme personnelle de son conducteur. Il conviendrait donc d'examiner la nature exacte des actes de «grève» commis par ceux qui utilisent leur outil de travail pour faire aboutir leurs revendications. Tout se passe comme si les employés qui ont à leur disposition une «arme» de travail avaient une supériorité naturelle sur les employés ne disposant pas d'un matériel équivalent et qu'ils bénéficiaient ainsi d'un régime de faveur, ce qui est fondamentalement antidémocratique et répressif! Une action «musclée» se mesure aujourd'hui en chevaux-vapeur et en tonnes de métal capables de bloquer toute activité et de prendre en otage la population. Je crois qu'on dépasse les bornes, où serait alors la démocratie et le patriotisme? La grève par omission (non-livraison de produits stratégiques comme le carburant ou la nourriture) est déjà, à elle seule, à la limite de ce qu'un pays peut supporter en état d'urgence absolue. Bloquer une voie ou une prestation publique correspond à un crime contre l'économie et non à un acte d'une simple grève, surtout quand le pays est en crise nationale socioéconomique aiguë. Seulement, une minorité de Tunisiens se déclare d'accord avec les grévistes, c'est normal, il y a de tout dans une population, autrement dit, une minorité des activistes du pays sont prêts à imposer leurs propres exigences à la majorité silencieuse en court-circuitant les institutions politiques comme le vote ou le référendum. Pour la minorité hurlante qui se déclare forcément en colère, la rue est devenue un moyen de gouvernement direct sans qu'il y ait la moindre consultation de la majorité silencieuse, réduite au rôle de pourvoyeuse d'otages. La liberté est limitée par celle des autres : ce principe fondamental est-il respecté dans les textes régissant le droit de grève? Les sit-in et les occupations d'autoroute, d'espace public et les grèves de transport ou de ramassage des poubelles sont-ils moins violents qu'un petit casseur de vitrine? Où finit la démocratie et où commence la délinquance? Chacun se permet maintenant de prendre la rue à témoin et à contribution pour faire valoir son point de vue. Il suffit à un groupe de réunir assez de monde, de faire assez de bruit et surtout de prendre assez d'otages pour qu'un semblant de légitimité, évidemment qualifiée de «démocratique», puisse être revendiqué, soyons sérieux messieurs! Faire la grève pour des problèmes dépourvus de toute urgence, tels que pour le départ d'un responsable ou les augmentations salariales alors qu'il y a 700.000 chômeurs qui n'ont ni retraite ni salaire à défendre, cela est vraiment indécent, ne soyons pas égoïstes! Ayons plutôt une petite pensée à nos compatriotes nécessiteux en chômage. Il suffit de se référer aux grèves des employés de Tunisie Télécom ou du catering (Tunisair) qui a eu un impact sur le tourisme Aujourd'hui, les employés se trouvent à cours d'argent suite au départ de leur PDG étranger, est-ce que ceux qui les ont incités à la grève les ont aidés? Non et certains risquent même de perdre leur emploi, le travail c'est comme la santé, c'est un trône sur la tête dont on s'aperçoit que lorsqu'on le perd. A part cela, vous avez certainement remarqué à chaque fois qu'il y a un sit-in, les médias étrangers tels que France 24, Euronews et autres montrent des séquences du 14 janvier ou ceux de post-déclaration Rajhi (le jeune ou la fille piétinés par les policiers), il ne faut pas offrir l'occasion à ceux qui ne cherchent que leur intérêt au détriment de l'image de notre chère Tunisie. Je salue la réaffirmation du bureau exécutif de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) pour sa disposition à contribuer à la garantie de la sécurité des travailleurs et de l'ensemble du peuple et son souci de préserver l'invulnérabilité et la stabilité de la Tunisie en vue de réaliser les objectifs de la révolution. Comme il est du devoir de tout syndicaliste aujourd'hui, en tant que citoyen tunisien, de bien sensibiliser ses compatriotes sur l'illégalité des grèves dans la situation de crise nationale que nous vivons, ainsi la suspension des salaires pour absence non justifiée devient légale afin d'arrêter l'hémorragie. Ci-après deux paragraphes extraits des principes fondamentaux du droit de grève, d'après l'Organisation internationale du travail (OIT) à laquelle la Tunisie est membre à part entière à travers l' Ugtt : - Situation de crise nationale aiguë : Le Comité de la liberté syndicale admet l'interdiction générale de la grève «dans une situation de crise nationale aiguë» (Recueil, paragr. 527). Sont, à l'évidence, visées en l'occurrence des circonstances exceptionnelles, par exemple un coup d'Etat contre un gouvernement constitutionnel donnant lieu à la proclamation de l'état d'urgence (Ibid., paragr. 528-530). - Recrutement de travailleurs pour remplacer les grévistes : Pour le Comité de la liberté syndicale, il n'est admissible de recruter des travailleurs pour remplacer les grévistes que dans les services essentiels au sens strict du terme, où la grève pourrait être interdite, ou si la grève devait créer une situation de crise nationale aiguë (Recueil, paragr. 570 et 574). Compte tenu de ce qui précède, les grèves et les sit-in en cette période de crise sont assimilés comme actes de sabotage à notre économie. Les syndicalistes sont sollicités de sensibiliser ouvertement, en toute transparence et responsabilité, de l'illégitimité des grèves en situation de crise d'un pays en état d'urgence et la possibilité donnée à l'employeur de remplacer les grévistes, c'est la seule solution pour faire sortir le pays du marasme et d'améliorer la situation des travailleurs sérieux. Comme il est très déplacé et incohérent qu'on parle ces temps-ci d'augmentation de salaire, alors que le pays est en récession, cela n'a pas de sens! Sincèrement, c'est le top de l'irresponsabilité quand on parle d'augmentation de salaire dans le secteur du tourisme, par exemple, alors que la quasi-totalité des employés sont au chômage technique suite à une mauvaise saison touristique! Il est plutôt judicieux de négocier la diminution des salaires afin de maintenir le maximum d'emplois, les Tunisiens ont toujours fait preuve de solidarité dans les moments cruciaux.