"II n'y a pas de situations désespérées, il y a seulement des hommes qui désespèrent des situations." Inspiré par Lotfi Ben Chrouda, aidé dans sa rédaction par Isabelle Saares Boumalala. Incrédulité, effroi, stupeur, incompréhension.C'est très sommairement résumé, mais c'est bien ce que l'on ressent à la lecture de ce livre. On peut se poser la question de savoir s'il était judicieux, vu le contexte, de faire paraître ce livre maintenant. Ce qui pour moi est le plus surprenant, voire le plus choquant, c'est le silence qui recouvre du début à la fin les agissements des Trabelsi. Je ne peux pas croire que personne ne savait, ou plutôt, puisque tout le monde le savait,comment se fait-il qu'il a fallu attendre la révolte du peuple pour que l'on sache. C'est un profond sentiment de dégoût qui m'anime.IIs disent aujourd'hui qu'ils avaient peur: peur du raïs et surtout de la raïssa. Et les jeunes Tunisiens de la révolte n'avaient-ils pas peur, eux.Bien sûr, peut-être même plus.Mais il y a une grande différence entre la peur des braves et la peur des lâches. II y a aussi quelque chose de paradoxalement surprenant pour un pays comme la Tunisie, c'est l'importance prise par les femmes au niveau du pouvoir et de la politique. Ce pays, dont le statut de la femme est un des plus élaborés du monde musulman, perd tout à coup les droits et les acquis de la femme au profit de la clique Trabelsi. Le diabolisme de Leïla Trabelsi c'est bien d'avoir écarté les hommes du pouvoir, à commencer par son mari dont elle a progressivement limité le pouvoir. J'ai l'impression que Ben Ali ne s'est jamais vraiment rendu compte de l'emprise que sa femme exerçait sur lui ! De plus, l'état de santé catastrophique du raïs devait, me semble-t-il, lui enlever une grande partie de sa lucidité. Cela n'excuse absolument rien naturellement. La monstruosité de la famille Trabelsi n'a vraiment aucune limite. De tous les despotes féminins du monde moderne, elle est la pire. La Ceausescu, Evita Peron sont de gentilles tourterelles à côté d'elle. Je crains que toutes les exactions commises par le clan Trabelsi ne laissent de profondes traces dans le patrimoine tunisien.A preuve, le pillage systématique des biens publics et des trésors archéologiques du pays, l'annexion, à son profit, de certaines entreprises, sans oublier non plus les "expropriations arbitraires " dont elle s'était faite une spécialité. Quand je pense à la réaction du couple Ben Ali, depuis leur exil doré en Arabie Saoudite, quand on a trouvé des richesses incroyables dans un de leur palais, dont des dizaines de millions en billets de banque, je suis écœuré. Et puis, moi, une chose me dérange beaucoup. La Tunisie est un pays musulman normal, sans prosélytisme exagéré. On pourrait, on devrait même attendre de ses dirigeants qu'ils respectent les valeurs traditionnelles de l'Islam.Or, on en est bien loin avec les agissements du couple présidentiel. A cet égard, le livre de Lofi Ben Chrouda est avare de détails. Quelles étaient les pratiques religieuses du président et de sa femme ? Leur manque de foi et de rigueur face au Coran aurait dû alerter les chefs religieux. Je trouve impensable que jamais personne ne se soit inquiété. Et cela pendant plus de 20 ans. II est à souhaiter que ce livre se répande au sein de la population et qu'il ne reste pas confiné au profit d'une intelligentsia douteuse ou de quelques privilégiés de l'ancien pouvoir.