Le progrès scientifique et le développement accéléré de la recherche, touchant à tous les domaines sans exception, a représenté, durant les quatre dernières décennies, le pivot de la dynamique socioéconomique dans le monde. En Tunisie, la reconnaissance de l'importance de la recherche scientifique ne date pas d'hier, déjà, en 1980, une convention tuniso-européenne a engendré la création du plus ancien pôle technologique dans notre pays, celui de Borj Cédria. Mais le parcours de la recherche scientifique n'a pas connu, depuis, de véritable envol, se limitant à des travaux isolés, cantonnés dans les laboratoires de recherche. Ce n'est qu'en 1991 que le domaine de la recherche scientifique et des technologies sera solennellement reconnu par les pouvoirs publics comme un domaine prioritaire, notamment par le biais de la création d'un secrétariat d'Etat, chargé de l'instauration et du suivi d'un système global réglementant le domaine. Qu'en est-il aujourd'hui de l'évolution de ce système, et quelle est sa contribution dans le processus de développement de notre pays ? Telles sont les interrogations emblématiques qui percent à l'issue de l'organisation, par la Chambre des Députés, de la journée d'études, tenue mercredi dernier et portant sur le thème: «La recherche scientifique en Tunisie, entre moyens et aspirations». Le système de la recherche scientifique et des technologies a connu, depuis son instauration, une croissance significative, palpable dans une infrastructure de recherche en évolution mais aussi par l'augmentation du nombre des chercheurs. En effet, selon les données avancées par le Pr. Rachid Gherir, directeur général de la recherche scientifique au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, nous comptons actuellement 34 centres de recherche (contre 15 seulement en 1987) ; 140 laboratoires de recherche et 640 unités de recherche. Ces lieux de travail scientifique sont fréquentés par 19.086 chercheurs dont 11.450 étudiants en mastère ou en doctorat. Le budget dédié à la recherche scientifique a lui aussi évolué au fil des ans, traduisant l'intérêt croissant accordé à ce domaine. Dans son intervention, M. Mohamed Maâlej, membre du Conseil national de la recherche scientifique et technologique, a rappelé qu'en 1992, le domaine de la recherche avait droit à 0,2% du PIB. En 2009, ce taux a atteint les 1,25% ; un pourcentage qui continuera à augmenter pour atteindre, à l'horizon 2014, les 1,5%. D'autant plus que la création du Comité de déontologie scientifique et d'innovation, ainsi que l'Agence nationale pour la promotion de la recherche et de l'innovation, ne peut que renforcer la dynamique de ce créneau de pointe, valoriser le travail de recherche et consolider les piliers de ce secteur. L'évolution des indicateurs reflète, sans aucun doute, le progrès de ce domaine de pointe. Ouverture de l'université sur son environnement socioéconomique Cependant, nous nous trouvons, à l'heure actuelle, dans un contexte hautement marqué par la concurrence internationale et ce qui en résulte comme urgence de s'imposer sur le marché et de se distinguer par une production qui doit être au diapason des technologies et des résultats scientifiques. Or, et malgré la volonté confirmée d'exploiter les résultats de la recherche scientifique et technologique au service de l'œuvre du développement, ces deux domaines demeurent hélas séparés par un écart causé par diverses lacunes. «Il existe une crise proprement dite de non exploitation des résultats obtenus lors des travaux de recherche mais, aussi de non investissement desdits résultats sur le site de production», indique M. Hamed Ben Dhia, président de l'université de Sfax. Il ajoute : «D'autant plus que le secteur industriel souffre d'un déficit important de la valeur ajoutée dans le domaine technologique et de l'absence de promotion des compétences estudiantines». Pour fructifier les résultats des projets de recherche et obtenir une valeur ajoutée renforçant l'immunité économique et sociale, et implanter les mécanismes et techniques d'innovation dans les institutions économiques, il est indispensable de veiller avant toute chose à la mise en place d'une approche appropriée et de compter sur des compétences spécialisées. «L'université n'a, en plus, pas misé sur les spécialités susceptibles de favoriser cette approche», note le Pr. Bahri Rezig, directeur général de l'Anpri. Pour remédier à ces lacunes et reprendre du bon pied, il est indispensable d'entamer la stratégie à partir du contexte socioéconomique, plus précisément des priorités de notre pays. M. Ben Dhia parle de l'urgence de repositionner le système universitaire et de recherche au cœur de la dynamique développementale. Il faut dire que l'université de Sfax a réalisé un parcours non négligeable dans l'optique de s'ouvrir sur son environnement socioéconomique et s'y impliquer d'une manière pertinente. «Je pense que nous devons mettre en place une stratégie cernant les points forts et les points faibles du système de la recherche scientifique. Nous avons besoin, en outre, de mécanismes de valorisation ainsi que d'entreprises innovantes. Nous devons également veiller sur la bonne gestion du budget et recourir aux moyens reconnus à l'échelle internationale comme efficaces, tels que le capital risque, le consulting et le financement de démarrage», souligne M. Ben Dhia. La coordination entre les équipes de recherche, d'une part, entre les chercheurs et les institutions industrielles, de l'autre, sans oublier la précieuse collaboration entre les équipes de recherche nationales et internationales, favorisée par un climat positif et renforcée par la volonté de préserver notre identité culturelle et sociale, contribue forcément aux progrès scientifiques et à l'essor économique. M. Maâlej insiste sur l'amélioration du niveau de la formation et sur l'incontournable diffusion de la culture scientifique auprès des jeunes générations. Il appelle l'administration à faire preuve de plus de souplesse au niveau de la gestion du budget propre à la recherche. Les perspectives de la recherche scientifique peuvent être des plus prometteuses. L'essentiel, selon M. Gherir, c'est de focaliser la recherche sur des domaines prioritaires, d'améliorer les indicateurs relatifs aux publications scientifiques, d'enregistrer les brevets d'invention et de valoriser les résultats de recherche. «Il est important par ailleurs de consolider la participation du privé dans l'élaboration et le financement des programmes de recherche scientifiques», indique-t-il.