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Un pays au point mort
Reportage - Situation en Libye
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 08 - 2011

De notre envoyé spécial à Tripoli Slaheddine GRICHI
La prise par les rebelles du point de passage frontalier de Ras Jedir, vendredi soir dernier, semble avoir décidé définitivement les Libyens qui ont fui les affrontements et trouvé refuge en Tunisie. La nuit même, encore plus les jours suivants, les files s'allongeaient à vue d'œil : voitures et estafettes bondées, camions et camionnettes surchargés, des hommes, des femmes et des enfants contenaient mal leur impatience devant le guichet de police de la frontière de Dhehiba, où un seul (?!) agent se chargeait des formalités. Augmenter le personnel et donner un coup de peinture ne seraient pas de trop. Il est vrai que de l'autre côté, c'est pire. Le poste frontalier libyen, tenu par des «thouar» sans uniforme, assis sur des chaises ou à même le sol, ressemble davantage à un garage ou à un petit hangar très mal entretenu. Et cela ne paraît pas dater d'hier. En plus, aucune formalité n'est accomplie, sauf le contrôle de quelques véhicules qu'ils jugent suspects et l'inscription sur un registre des passagers libyens. Les étrangers en sont dispensés. Il est vrai qu'ils sortent d'une vraie guerre.
Flambée des prix et profiteurs
Et comme dans toute guerre, il y a ceux qui la subissent (l'écrasante majorité) et il y a ceux qui en profitent. Face à l'affluence des journalistes qui se ruent vers Tripoli, les taximen de Ben Guerdane ont triplé, sinon quadruplé, leurs prix. Aussi, parvenir de Djerba à la frontière coûte-t-il l'équivalent d'un salaire d'un petit fonctionnaire. Sur place, vous vous faîtes saigner à blanc par des Libyens privés convertis en transporteurs. La destination Tripoli peut revenir au prix d'un aller-retour en avion Tunis-Paris-Tunis… en première classe !
Les raisons de cette montée en flèche sont multiples : la guerre, bien sûr, l'absence quasi totale de taxis en Libye due à l'engagement des nombreux chauffeurs du côté des «thouar» et la montée vertigineuse du prix du carburant, passé de 3 dinars les 20 litres à 45 à Nalout (relativement proche de la frontière tunisienne) pour grimper jusqu'à 150 d à Tripoli. Et ce sont les «commerçants» de Ben Guerdane qui le fournissent, inversant ainsi le sens de la contrebande de l'essence. Comme quoi rien ne peut être éternel. L'infortune de nos voisins est due à la rancune de Gueddati dont les «katayeb» ont reçu l'ordre de saboter la grande raffinerie de Zaouia et les grandes installations pétrolières. Ce n'est pas là son seul forfait, puisque, détenant les codes de la chambre de contrôle du «grand fleuve» artificiel, il en a bloqué le système et il faudra encore quelques jours pour le remettre en fonction. Aussi Tripoli a-t-elle soif, manque-t-elle de carburant (hier seulement, quelques kiosques en fournissaient, mais les files s'étendait sur plus d'un kilomètre) et a-t-elle faim, le kilo de viande, quand disponible, coûte 50 dinars (pratiquement autant qu'en dinars tunisiens).
Le directeur du plus grand et luxueux hôtel de la capitale nous confiait que seuls son établissement avec un autre 5 étoiles fournissaient un buffet (franchement c'était maigrichon, malgré les 230 euros la nuit), le reste n'offrant que le gîte. Et quand on sait qu'aucun restaurant n'est ouvert en ville, on réalise pourquoi plusieurs collègues se contentent de conserves, d'olives, de biscuits et pas toujours de pain, lui aussi rare. «C'est un problème de manque de denrées et de défection d'une grande partie du personnel ayant pris les armes ou ayant fui le pays. Aussi ai-je peur qu'il m'arrive de ne pas pouvoir nourrir tout le monde», nous révèle-t-il.
Tripoli, une ville fantasmagorique
Il n'avait pas besoin d'évoquer l'Internet récalcitrant qui «apparaît» et «disparaît» à sa guise, la quasi- impossibilité d'obtenir l'étranger, parfois ni même le local, par téléphone, fixe et mobile confondus. Ce sont les aléas de la guerre, mais ajoutés à la coupure quotidienne de l'électricité entre 21h30-22 h jusqu'à 2h00 du matin, on se sent réellement coupé du monde. Une sensation désagréable qui s'accentue quand on sort dans la nuit noire et qu'on entend, sans les voir, les «thouar» s'interpeller à partir des points de contrôle à droite et à gauche de notre hôtel, ou tirer en l'air d'innombrables rafales jubilatoires. Là on réalise qu'ils sont les maîtres absolus d'une ville fantasmagorique. A Tripoli, comme ailleurs, ces jeunes tirent en l'air le jour et la nuit, pour des raisons qu'eux seuls connaissent, puisque excepté Sabha et Syrte où il y a encore des poches de résistance, il n'y a plus de combats en vue. Mais samedi soir dernier, c'était l'enfer. Les tirs assourdissants n'en finissaient pas, après la fausse annonce d'Al Jazira de la fuite de Gueddafi vers l'Algérie.
En tout cas, ce sentiment de malaise semble être partagé par beaucoup de Tripolitains qui refusent d'ouvrir leurs commerces, et ce, depuis que la bataille entre «thouar» et «katayeb» a commencé. Et bien que les premiers aient désormais le contrôle total de la ville, y compris le quartier de Sidi Slim, les stores demeurent baissés, à l'exception de quelques petits commerces de produits alimentaires, de kiosques de tabac ou de marchands de légumes et de fruits. Le semblant de reprise, constaté hier et beaucoup moins avant- hier, samedi, était très timide et les quelques magasins ayant ouvert vers 11 heures ont baissé leur rideau à 15 heures. Il est vrai qu'il n'est pas encourageant de voir des artères commerçantes, comme l'interminable avenue Guergarech ou Omar Mokhtar, aboutissant sur la place verte (baptisée désormais place des Martyrs), des points de contrôle, tous les 15-20 mètres, avec d'énormes pierres et des amas de sable disposés de telle sorte à obliger les automobilistes à zigzaguer à 5 à l'heure. Les «thouar» qui les tiennent sont pour la plupart des jeunes qui nous rappellent les membres des comités de protection des quartiers après le 14 janvier… en plus irréel. Vêtus en jogging, shorts, t-shirts ou «souriya» (jallabia blanche), ils ont en plus à bout de bras, en bandoulière ou en position de tir, des armes allant du revolver au fusil léger, à la kalachnikov et même au lance-missiles (excusez du peu). Sans compter ceux qui sillonnent les artères à bord de 4x4 ou de camionnettes avec des mitrailleuses 14.5 et un tireur à l'arrière. Ils ne sont ni agressifs ni impolis, mais à leur air décidé et sérieux, on sent qu'ils prennent leur mission au sérieux et surtout qu'ils ont le sentiment d'être l'autorité. La manière froide et faussement détachée de vous demander immanquablement «win terbah ?» (où allez-vous ?) et «d'où êtes-vous ?», donne parfois froid dans le dos parce qu'elle nous rappelle les exactions et les horreurs qu'ils ont commises dans certains coins qu'ils ont «libérés», comme ils disent. Il ne faut surtout pas répondre : «De Sidi Slim» et encore moins «De Syrte», deux noms bannis. Une scène particulière à laquelle nous avons assisté avant-hier, en plein centre de Tripoli, montre à quel point ils se sentent maîtres de la ville et du pays (ne sont-ils pas la police, l'armée, la douane et les libérateurs ?).
Dans la remorque d'un grand camion, ils disposent, comme du bétail, une quarantaine de jeunes de l'Afrique noire et à qui ils intimaient l'ordre de s'asseoir genoux relevés contre la poitrine et de ne pas rouspéter. Un gosse d'à peine 18 ans, peut-être, les tenait en joue. A l'un des «thouar» qui supervisaient l'opération nous avons demandé, après nous être présenté en précisant notre nationalité (les Tunisiens sont drôlement montés en prestige et en respect chez nos voisins, contrairement aux Algériens, depuis leur extraordinaire mouvement de soutien aux réfugiés libyens), le sort qu'ils leur réservaient. «Nous allons les livrer au Conseil militaire», nous a-t-on répondu. Nous n'y avons pas trop cru sur le moment, mais après vérification, nous avons découvert qu'ils disaient vrai.
Et de nous poser la question quand et comment on convaincra ces «thouar» de reprendre leurs activités civiles et de déposer des armes qu'ils ont conquises par des assauts contre des postes de police, des casernes, ou qu'ils se sont vu «offrir» par les «katayeb» de Gueddafi qui croyait qu'armer le peuple allait le défendre face à quelques «rats insurgés». Il a drôlement désenchanté. En tout cas, plus que jamais, le pays, aujourd'hui au point mort, a besoin de retrouver sa sérénité et le peuple sa confiance. La reconstruction pourra alors être entamée.
(Demain : un Conseil de transition sous pression)


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