Si la fête de l'Aïd Esseghir a toujours revêtu un sens religieux, en ce qu'elle intervient après un mois de jeûne, de piété et de ferveur, elle n'en demeure pas moins un moment fort et privilégié pour les retrouvailles familiales, le pardon et le partage du bonheur. Au Kef, cette année, l'Aïd a été fêté différemment même si le rituel du gâteau n'a pas beaucoup changé. C'est qu'un fait la fête intervient à un moment où les Tunisiens savourent, non sans bonheur, la joie de la libération de l'être de l'emprise de l'ancien système, favorisés en cela par un air de démocratie et de reconquête de la dignité citoyenne, tant convoitée sous l'ancien régime. D'ailleurs, la veille de l'Aïd fut une véritable nuit blanche pour tous les Keffois qui se sont rués sur les vendeurs ambulants de sandwiches aux merguez, notamment après minuit où les odeurs de grillades envahissaient les artères de l'ancienne Sicca Veneria transformée à l'occasion en un véritable lieu de carnaval. Tout se vendait ce soir-là et les enfants étaient les premiers à rafler les derniers jouets exposés souvent sur des étalages de fortune alors que les pétards se faisaient entendre même dans les derniers recoins de la ville, d'autant plus que les produits mis sur le marché cette année sont plus sophistiqués et d'une puissance explosive très significative, ce qui fait souvent peur aux uns et autres, surtout que l'on entendait parfois des rafales violentes, comme si c'était de vrais tirs de mitrailleuse. Cela dit, les étalages étaient bien apprivisionnés et tout un chacun pouvait acheter en fonction de sa bourse le jour de la fête, les retrouvailles familiales sont le trait dominant du rituel. Les uns se réunissent qui chez un père, qui chez une mère esseulée ou encore chez un frère aîné représentant de surcroît les symboles de l'unité familiale. Les enfants, les petits surtout, sont bien vêtus et arborent leurs jouet ostentatoirement en signe de joie longuement attendue et vivement savourée. Dans la pratique, certains continuent de leur donner de l'argent, alors que pour d'autres on leur sert seulement des gâteaux. Et justement, en parlant de gâteaux, c'est vraiment la déferlante, car il y en a pour tous les goûts, des petites préparations légères jusqu'aux sucreries relevées et soigneusement préparées par des cordons- bleus ou des maîtres pâtissiers. Ce qui est certain, c'est que la fête n'a été émaillée d'aucun incident et les gens se disent heureux et fermement convaincus que les valeurs de piété, d'entraide et de ferveur de notre auguste religion ne sauront que raffermir les liens familiaux et de bon voisinage, partout dans le pays.