L'Aïd el fitr est toujours bien accueilli avec autant de joie que Sidi Romdhane, sans les petites craintes ressenties avec l'arrivée du mois du jeûne; bien au contraire, avec l'Aïd tout se libère : les esprits, les ventres et les désirs. Toutefois, la «petite fête» est moins importante pour le croyant que la «grande fête» celle qui va suivre dans soixante-dix jours exactement. L'Aïd es-sghir, étant sans sacrifice rituel, est logiquement moins dépensier en argent et surtout en énergie. C'est la fête de la douceur quoique célébrée avec flonflons et tambourins. La tradition veut qu'on la fête dans une immense joie; elle prescrit de grandes agapes et proscrit les pleurs sur les tombes des aïeuls et des aïeules. Mais pourquoi recommander l'allégresse pour la fin d'une trentaine de jours de fête continue? Vraisemblablement pour la prolonger. Car pour toute chose, n'est-il pas préférable de la terminer dans la joie plutôt que dans la tristesse? Pratiquer un rite, surtout quand il est bien accepté, ne peut se faire que dans un sentiment exaltant et une sérénité profonde. En tout cas, loin de tout prosélytisme désuet qui, malheureusement, refait surface dans notre pays en ces temps d'incertitudes, et l'incertitude nourrit tous les excès et tous les dérapages, ce qui paraissait insensé, semble de nos jours raisonnable. Nous ne parlons pas de ces tenues vestimentaires d'un autre temps, qui ont fait leur apparition ces derniers temps et qui ne sont pas des vestiges de notre passé. Loin de là, leurs reliques ne figurent pas dans les collections de nos musées des arts populaires. Mais c'est après tout un choix personnel indiscutable, me diriez-vous ? Soit ! Mais dans la confusion qui y règne ça peut paraître logique. Les religieuses chrétiennes qui portaient des tenues semblables ont pratiquement disparu de nos rues. Le plus affligeant encore, c'est quand on vous accoste dans la rue pour mesurer votre degré de religiosité, avec des sous-entendus, des non-dits qui arrivent à vous exaspérer parfois. Alors, la tradition recommande autre chose, vraisemblablement différente de certaines pratiques actuelles. La tradition, me semble-t-il, nous invite à accomplir les devoirs religieux avec dévouement, certes, mais certainement sans négliger notre vie ni non plus les petits plaisir sains qu'elle procure. Prendre plaisir à bien se vêtir,à bien manger, à vivre des moments de plaisir partagé, dans une joie collective, n'est nullement contradictoire avec l'accomplissement des rites religieux. Alors, festoyons bien et Aïd mabrouk à toutes et à tous.