Par Kilani BENNASR* En Tunisie, nombreux sont ceux qui s'inquiètent pour leur avenir, car depuis le 14 janvier 2011 la situation n'est plus la même. Cependant la révolution tunisienne a démontré qu'un Etat, possédant des institutions et une société civile active, est à l'abri de l'anarchie et peut continuer son chemin, malgré une conjoncture spéciale, une guerre civile à ses portes et un gouvernement provisoire formé de technocrates. La classe moyenne, les pauvres, la société civile, les intellectuels engagés, ce sont eux qui ont fait partir l'ex-président et c'est à eux de réagir et de rester vigilants. Aujourd'hui, une bonne partie des tunisiens se rend compte que la Tunisie, comparée à des pays comme l'Algérie ou le Maroc, n'est plus stable. Même avec un peuple optimiste et volontaire ; le vide est partout, et après huit mois de la chute de Ben Ali, un mystérieux «virus» paralyse encore la vie politique et économique. Sans taxer quiconque de mauvaise volonté, mis à part les mécontents de l'après-révolution, toutes les catégories du peuple sont en train de mettre de plus en plus la main à la pâte pour faire sortir la Tunisie de sa crise. Le gouvernement provisoire, les partis politiques, la classe intellectuelle indépendante, la société civile et une bonne partie du peuple, acquièrent un savoir-faire «démocratique» progressif et s'autocorrigent dans une stabilité relative. Néanmoins, dans cet amalgame révolutionnaire tunisien, on s'aperçoit du manque de prise de conscience populaire concernant le futur proche du pays, à savoir : la période d'avant et d'après l'élection de l'Assemblée constituante du 23 octobre 2011. D'ici cette date, il y a lieu d'entamer, avant la campagne électorale, un effort d'information ciblée et destinée à la base électorale pour dégager les prérogatives de la future Assemblée constituante, sa mission ainsi que les délais de sa composition, ses moyens, ses limites juridiques et le mode de scrutin choisi. Jusque-là le travail de la commission électorale, quoique bien fait, n'a pas dépassé la vulgarisation et la sensibilisation des tunisiens pour qu'un plus grand nombre d'électeurs aille aux urnes. Il ne suffit pas d'inciter le citoyen à voter mais à comprendre pourquoi il vote, l'étape suivante devrait porter sur des explications claires, simples et non pas, terre à terre, du genre des clips vidéo (maladroits) inspirés du foot tunisien sur le site Isie. L'accent est mis sur des formules intelligentes patriotiques de communication médiatisée, expliquant aux citoyens tous les points importants relatifs aux élections. Elles lui rappellent que la finalité de cette révolution et de tout le projet, c'est la prospérité et l'union des tunisiens et non pas l'élection de X ou Y, encore moins le parti politique Z. A un niveau plus élevé, le peu de temps qui reste sera consacré à la multiplication des débats, animés par des spécialistes en droit constitutionnel et en science politique, avec la participation de tunisiens de tout âge et tendance. Le travail de ces ateliers sera diffusé après la mise en train de plusieurs moyens de communication. En ce moment et à ce sujet, parmi les écrits réalisés connus, seulement quelques uns sont simplifiés pour le lecteur non juriste, ils sont tous intéressants et lancent un appel pour que le citoyen tunisien soit informé et averti avant de partir aux urnes. Dans certains passages de ces études, on regrette la passivité de l'Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique. On lui reproche de s'éclipser chaque fois que la révolution est en danger et s'esquiver devant son rôle de protectrice de la révolution des tunisiens. Certes, elle est en train de réaliser un travail important mais selon des observateurs tunisiens et étrangers, elle manque de réalisme, et est réticente à affronter la foule et à se déplacer à l'intérieur du pays. Le déplacement à l'intérieur des régions éloignées et la découverte de leurs particularités, par les membres de la structure centrale de cette haute instance est un moyen pour parfaire leur connaissance du milieu, certains connaîtraient Paris et n'ont jamais visité Metlaoui ou Dhiba. La connaissance de l'intérieur servirait aussi d'exemple aux futurs membres de la Constituante et préparerait les bases de la prochaine Constitution. Tout projet qui ne prend pas en considération «l'étude du milieu» et s'élabore sur des bases purement théoriques «universitaires», ne devrait pas être soumis au vote de la collectivité parce qu'il ne la concerne qu'en partie. Parmi les informations destinées aux citoyens et les sujets qui devraient être, d'ores et déjà, proposés au débat public, on peut citer : - Le droit de vote, l'égalité des citoyens, les avantages de la démocratie, mise en garde des tunisiens pour ne pas gâcher cet acquis précieux et cette occasion exceptionnelle de vote du 23 octobre. - L'engagement des partis politiques et indépendants à respecter des règles spécifiques, durant la campagne électorale, le 23 octobre et après. - Quand et comment sera remplacé l'actuel gouvernement provisoire ? - Quand et qui sera désigné dans le prochain gouvernement provisoire, après l'élection de l'Assemblée constituante et comment ? - Qui contrôlera cette dernière ? - Qui restera le garant de la révolution, le gardien du temple? Ainsi, le but des élections du 23 octobre 2011 n'est pas uniquement de faire participer un plus grand effectif de tunisiens, mais aussi de responsabiliser le citoyen, de l'impliquer dans la vie politique, et de l'initier à la démocratie.