«Parler à l'autre, c'est chercher sur soi». C'est par cette phrase que Hassane Kassi Kouyaté, fils du célèbre comédien burkinabé Sotigui Kouyaté, a entamé sa rencontre avec les festivaliers, rencontre organisée dans le cadre de la 26e édition du festival international du film amateur de Kélibia. Né dans une famille de griots qui compte dix enfants, Hassane a reçu une formation générale, mais s'est spécialisé dans les arts du récit et travaille actuellement pour le compte des pays francophones à la sauvegarde du patrimoine immatériel, en association avec un organisme belge qui finance le projet. Il dirige dans ce sens «la Maison de la parole» et organise 14 festivals autour de l'oralité. Le rapport au père Concernant son père Sotigui Kouyaté, il dit l'avoir connu quatre fois. La première en tant que père. Il l'a initié à devenir griot. Une initiation assez rigide qui passe par un rituel précis. «Il nous apprenait, mes frères et moi, la patience, à travers l'apprentissage de la pêche et, puis à l'adolescence, il nous a fait vivre pendant six mois dans la brousse, de telle sorte que nous avons appris les noms de tous les animaux et des plantes. Un griot est aussi un guérisseur qui utilise les plantes pour soigner certaines maladies». La deuxième fois, en tant que maître. «Il était droit comme un i». La troisième fois comme collègue. «On se retrouvait chez Peter Brook. Il était un comédien exigeant avec lui-même. Il disait souvent qu'il n'y a pas de place pour les médiocres». La quatrième fois en tant que directeur d'acteurs et ami. «Il m'a accompagné durant 40 ans. Je peux affirmer que je sais d'où je viens». De nos jours, la question de la transmission se pose avec beaucoup d'acuité. Comment transmettre les valeurs ancestrales à une génération dominée par les nouvelles technologies et par une culture standardisée ? En multipliant les activités artistiques qu'elles soient autour du conte, du théâtre, du cinéma et de la musique. Il crée quatre spectacles par an qu'il joue en moyenne 150 fois dans le monde entier. Ils sont surtitrés en 12 langues. Hassane Kassi Kouyaté privilégie l'apprentissage par «osmose» où tous les arts et les cultures s'interfèrent. Parlant de la révolution tunisienne, il a affirmé avec fierté : «Le peuple tunisien m'a permis de bomber la poitrine». Toutefois, depuis trois jours qu'il est à Kélibia, il a constaté une autosatisfaction qu'il trouve «dangereuse». «Attention au triomphalisme ! Ce qui reste à faire est plus important. Le peuple doit créer sa révolution. Le plus dur est à venir», a-t-il ajouté. S'agissant des films amateurs tunisiens au programme de cette 26e session du FIFAK, Kouyaté, membre du jury international, a enfreint le droit de réserve, pour donner un avis sévère sur cette production filmique qui, dit-il, ne manque pas d'émotion mais, dont la narration, le rythme, l'univers sonore hollywoodien, sont identiques. «C'est un cinéma qui doit éviter d'être sous tutelle esthétique et mentale. Il ne questionne pas le patrimoine et ne sait pas où il veut aller. Il faut essayer de ne pas être une galette mal cuite».