C'est une légumineuse de la même famille que les pois, les fèves et les haricots. Chanceuse, ses fruits, ressemblant aux noix, l'ont fait admettre dans le cercle pourtant très fermé des fruits secs. Ainsi, nous ne la rencontrons que rarement sur les étals des grainetiers, sans atteindre pour autant, les souks de la fékia, où trônent noix, noisettes et pignons. Humble, la cacawiya se contente d'être présente dans les minuscules échoppes des hammassa côtoyant les pois-chiches torréfiés et les grains de tournesol grillés. Son nom français est “arachide”, bien que beaucoup utilisent par dérision son appellation aztèque «cacahuète». L'arachide est une plante du Nouveau Monde; elle a étendu, au cours des derniers siècles, son implantation dans de nombreuses régions d'Asie et d'Afrique au point qu'actuellement l'Inde et la Chine comptent avec les USA et le Nigeria parmi les plus grands producteurs de cette légumineuse. Introduite dans le bassin méditerranéen par les Espagnols, la cacawiya nous est parvenue via les Andalous qui l'ont plantée dans la région du Cap Bon. Sa culture chez nous doit être bien ancienne, puisque nous continuons à l'appeller par son nom initial, nom qui s'est perdu dans certains pays voisins. Si l'arachide est certainement assez ancienne chez nous, elle est peu utilisée dans notre cuisine, laissant la place à des ingrédients jugés plus raffinés ou plus «modernes». La cacahuète est pour nous une friandise modeste qui n'a jamais pu arracher le statut d'aliment à part entière. Sa consommation est perçue comme un passe-temps. Elle est débitée généralement par les marchands spécialisés dans ce genre de denrées. Quittant souvent les petites boutiques, elle se fait offrir dans la rue à l'entrée des établissements scolaires ou sur les gradins des stades et des lieux de spectacles de plein air. A la saison de la villégiature, elle égaye les estivants sur les plages. Le marchand portant un knastrou (panier) sur la tête ou suspendu au cou sa poitrine vend aux clients pour des sommes modestes les fourtouna (cornets) de la précieuse graine bien protégée dans son écorce, car rôtie à l'intérieur de celle-ci par un procédé ingénieux. L'écorce ne se carbonise jamais à la cuisson. Ainsi, elle a un goût particulier répondant surtout à la nouvelle tendance du peu salé. La graine, dépouillée de son écorce et débarrassée de la pellicule qui l'enveloppe, sert d'amuse-gueule pour accompagner les boissons alcoolisées. Elle donne au thé un petit air de noblesse. Pour le reste, très peu de douceurs sont préparées à la cacawiya. Elle paraît trop rustique pour servir de farce à des tortillons. Elle ne fait pas le poids face à la flamboyante noisette, importée de l'au-delà des mers. Peut-être que son prix à la portée de toutes les bourses l'a fait dégringoler dans l'estime des gens. Quant à son utilisation dans les mets salés, il faut attendre des décennies encore, quand la mode proche-orientale, maintenant très en vogue chez nous, cèdera la place à d'autres cuisines du monde, plus saines, plus simples, un peu plus exotiques. Cette plante est restée modeste et sans éclats malgré toutes ses vertus. Elle donne un fruit d'où on tire une bonne huile de friture, peut-être la meilleure au monde, que nous continuons à ignorer, vraisemblablement par un certain mercantilisme désuet de la part de nos conditionneurs. Née pauvre, la cacawiya est restée chez nous un «aliment» des pauvres.