• La Bibliothèque nationale entame un cycle de rencontres-débats autour de livres, récemment parus, relatifs à la révolution. La Bibliothèque nationale est à l'heure de la révolution. En effet, elle a entamé, jeudi dernier, un cycle de conférences et de rencontres prévues avec des philosophes, des écrivains, des intellectuels, des juristes et certains de ceux qui ont «pensé» la révolution avec, leurs visions et leurs écrits. Le démarrage de cette manifestation culturelle a été assuré par le professeur d'épistémologie et d'histoire de la philosophie Amor Cherni qui a présenté son nouveau livre La Révolution tunisienne, s'emparer de l'histoire…. Pour ce qui suivra, comme l'a annoncé le Pr Kamel Gaha, récemment nommé à la tête de la Bibliothèque nationale, figurent les professeurs Iyadh Ben Achour et Abdelwahab Meddeb, entre autres. En présence du ministre de la Culture et celle essentiellement d'universitaires, cette séance-présentation de la dernière œuvre du professeur Cherni a permis de revenir sur les abysses de la révolution tunisienne. Des abysses dans lesquelles l'auteur a fouillé, en s'interrogeant sur la nature de cette révolution. «Est-elle un saut dans le temps, qui, d'un coup, transporte le présent dans le futur ou fait-elle surgir celui-ci dans celui-là?», se demande-t-il. Au fond de ces mêmes abysses, l'écrivain se pose la question si le réel précédant cette révolution est «celui de la servitude qui tient les hommes enchaînés à leur peur et à leurs illusions, ou celui de la liberté qui, lentement, se réveille, s'étire et se dresse à l'aube d'un nouveau jour, proclamant que, désormais, rien ne sera plus comme avant». Sur ces interrogations s'ouvre le livre, donnant à lire que la révolution tunisienne est «un fait inattendu qui a surpris tout le monde». Et les trois lettres envoyées à une amie par un Tunisien résidant en France, servent comme témoignage historique sur l'état d'esprit des Tunisiens avant le 14 janvier 2011 et juste après. Ces lettres, publiées dans le préambule du livre, laissent entendre que l'événement est venu réveiller les Tunisiens d'un profond sommeil qui s'est étalé sur de longues années. D'ailleurs, présentant son œuvre, l'auteur s'est montré profondément marqué, voire fasciné, par ce qu'on appelle «la rupture dans l'histoire d'un pays ou d'une nation». Une rupture qui se produit, a-t-il observé, «d'une façon brusque et fulgurante». Et comme le conçoit l'écrivain, l'événement tunisien est venu rappeler que ce n'est pas le roi qui fait son peuple, mais que c'est le peuple qui fait son roi. Dans la lignée des grands En multipliant les repères et les références, l'écrivain opère un certain rapprochement avec les pensées de Hobbes et de Marx, pour finalement affirmer que l'avantage de l'événement est de s'inscrire dans la continuité de l'histoire de l'humanité rebelle. L'exemple tunisien a bel et bien montré, selon l'auteur, que les excès de la tyrannie ne mènent qu'à la tyrannie. De ce fait, l'ancien régime n'a chuté que parce qu'il s'est dégradé en cherchant toujours à être initiateur du mouvement et le promoteur du progrès. Ce qui l'a érigé, selon le Pr Cherni, en «un obstacle historique que les masses doivent dépasser, en marchant sur son cadavre». Dans la même optique, l'auteur s'est attardé sur l'aspect répétitif de l'histoire, en abordant un slogan inscrit sur une banderole par des manifestants venus de Sidi Bouzid : «Voici venus les enfants de Ben Ghdhahom et de Daghbaji». Des mots qui rappellent, a-t-il relevé, un moment crucial de l'histoire tunisienne, celui où, il y a à peu près un siècle et demi, des habitants de La Tunisie profonde, étaient venus sous la conduite du dirigeant Ali Ben Ghdahom, faire tomber le régime du Bey. Tout autant qu'une autre épopée qui ne peut que solliciter notre mémoire, celle de Hamma Jridi, autrefois venu protester contre «les agissements insensés d'un certain bey». Tout cela pour dire que les Tunisiens s'étaient, très tôt, inscrits dans la lignée des grands peuples qui refusent de courber l'échine devant leur oppresseur et dénoncent toutes les formes d'exploitation des hommes par les décideurs. C'est ce même rapport de causalité qui régit l'ensemble des questions posées par le livre. D'un chapitre à l'autre, la minutie de l'analyse, le soin de l'argumentation et le cheminement progressif de l'écriture attestent d'un sens aigu de l'observation et d'une volonté d'éterniser l'événement dans le cours de l'histoire, en tant que tournant capital dans l'histoire de l'humanité dans une région du monde. L'homme doit primer sur tout, comme l'avance l'auteur. Une idée très bien formulée dans le quatrième chapitre du livre, réservé à l'aspect économique, où l'analyste a recours à une multitude de chiffres et de statistiques, conférant à son travail une dimension scientifique, servant d'éclairage important sur le rapport causal entre l'économique et la politique. De ce point de vue, l'écrivain note que l'économie nationale aurait risqué la banqueroute n'eût été l'argent épargné par les Tunisiens. Ce faisant, force est de constater que l'écrivain n'a rien laissé au hasard, dès lors qu'il a décidé de penser la révolution tunisienne. Ce qui lui a valu subtilité des mots, beauté des passages et perspicacité de l'analyse.