Par Abdelhamid Gmati Les spécialistes, les juristes, les constitutionnalistes, les historiens, les sociologues et autres politiques vont plonger dans des études, des analyses et des débats pour définir ce qui s'est passé dans notre pays depuis décembre dernier. Est-ce une révolution ? Une révolte ? Un soulèvement ? Certains, en Tunisie et à l'étranger, s'y emploient déjà et donnent leurs conclusions, leurs estimations ou leurs interrogations. A-t-on éliminé un système pour le remplacer par un autre, comme l'ont fait les révolutions française de 1789 ou russe de 1917 qui ont remplacé une royauté et un régime similaire de tsar par un pouvoir supposé populaire ? Ne s'est-on seulement contenté de chasser un dictateur pour garder le même système de gouvernement ? Peu importe, nos puristes vont nous éclairer sur cette question, ou peut-être la compliquer. Quoiqu'il en soit nous vivons en hors-la-loi. Qu'on en juge : - La Haute Instance de réalisation des objectifs de la révolution, etc. dont la composition avait fait consensus et qui a adopté un tas de projets de lois et recommandations, se trouve boycottée et décriée par certains de ses plus tenaces adhérents dès lors qu'elle adopte une loi sur les partis réglementant surtout leur financement. Hors la loi. - L'Instance supérieure indépendante pour les élections, également unanimement acceptée dans toutes ses décisions et recommandations, est aussi décriée lorsqu'elle interdit la publicité politique. Hors la loi. - Des membres de la Garde nationale, chargés de défendre l'Etat et d'appliquer la loi, s'insurgent, commettent ce qu'on peut appeler un «putsch», remplacent leur chef, font du sit-in, veulent dicter leur volonté. Hors la loi. - Des employés, des salariés, des citoyens font des grèves sauvages, des sit-in, occupent et détruisent des entreprises, bloquent des routes, font du chantage. Hors la loi. - Des voyous, des brigands, des voleurs s'attaquent à des personnes, à des biens privés, à des édifices publics, à des postes de la sécurité nationale et s'approprient des biens. Hors la loi. - Des barbus et des estampillés du front s'érigent en défenseurs de leurs convictions, veulent les imposer par la force, commettent des actes de violence, s'attaquent à nos femmes et jeunes filles, frappent et blessent des innocents. Hors la loi. - Des juges supposés appliquer la loi en toute honnêteté et en toute équité se transforment en censeurs et veulent interdire des sites Internet. Ils ne sont certainement pas défenseurs de la morale, ni du «politiquement correct» et ils outrepassent leurs fonctions. Hors la loi. - Une multitude de nouveaux «parleurs» n'arrêtent pas de délier leurs langues ; il s'avère cependant que ce sont des langues de «vipères» qui ne cessent d'insulter, de diffamer, d'accuser, de dénigrer. Hors la loi. - Une autre multitude (souvent les mêmes), qu'on trouve parmi les avocats, les journalistes et autres chefs de petits partis nouvellement créés, crient «au feu», voient des complots partout, mettent en garde et appellent «aux armes citoyens». Hors la loi. Où allons-nous, si tout le monde fait ce qu'il veut ? A la limite, on peut fermer les yeux, provisoirement, sur ceux qui se vengent du code de la route (à leurs risques et périls) et l'ignorent. Mais que dire des partis, censés donner l'exemple et des agents de l'ordre qui bafouent et ignorent la loi ? Il est vrai, que tôt ou tard, l'ordre républicain sera rétabli. Et là, certains, comme ceux de l'ancien régime, qui avaient enfreint la loi, devront rendre des comptes. Les hors-la-loi finissent toujours mal.