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Pour les indignés de la Maâlga, l'heure n'est pas à la démission
Enquête : Carthage — Patrimoine (1ère partie)
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 09 - 2011

La Presse a été le premier journal à lever le voile sur cette affaire un mois après la Révolution. Pendant le règne de Ben Ali, Carthage a été au centre d'un obscur complot fomenté par le Président déchu lui-même pour déclasser des terrains archéologiques au profit de la convoitise de son beau-frère Belhassen Trabelsi et de ses associés. Nous avons consacré alors une enquête d'investigation publiée en deux temps intitulée : " Carthage, le dossier secret d'un déclassement " (voir La Presse du 20 et du 21 février 2011).
Or malgré la publication de trois textes officiels, dont un décret-loi, reclassant ce qui a été déclassé sous Ben Ali, les travaux du lotissement de la Maâlga, par lequel le scandale a éclaté, n'ont véritablement jamais cessé. Dimanche dernier une altercation a même opposé des propriétaires accompagnés du promoteur et de ses ouvriers-hommes de main à des citoyens indignés par l'impunité dont jouit ce chantier devenu illégal après le 14 janvier.
Voici donc la première partie de la saison II de notre enquête. Demain la suite. Mais qui sait quand sera clos le dossier Carthage ?
"En trente ans de métier, je n'ai jamais assisté à un tel rythme de travail sur un chantier : rapide, efficace, silencieux. Les trax sillonnaient le terrain, les pelleteuses creusaient dans les fondations, les camions de gros calibre ramassaient les remblais, d'autres arrivaient vides. Et ça tournait, tournait, tournait…", raconte, une pointe d'émotion dans la voix, l'architecte, spécialiste du patrimoine, Inchirah Hababou. C'est en catimini qu'elle a pris des photos du flux incessant des engins quadrillant ce lotissement situé face à la Cité des Pins dans la commune de Carthage dimanche après-midi dernier. Des camions sur lesquels apparaissaient bien en évidence des initiales, BK, dont on devine l'appartenance. Probablement évoquent-elles le nom du groupe Ben Kemla. L'entreprise immobilière, qui a largement profité du déclassement par l'ex-président Ben Ali d'un site programmé pour faire partie du Parc archéologique de Carthage-Sidi Bou Saïd, gère, à travers ses diverses sociétés, la commercialisation des terrains de la Maâlga (l'endroit, à l'origine agricole, est également appelé Bir Ftouha) pour l'habitat individuel, la construction des résidences de Carthage, des immeubles de "haut standing" et leur vente à des prix astronomiques. Rien que 2. 650 DT le m2 construit et 1.200 DT le m2 pour les lots de villas !
Un chantier coup de poing
La question continue à obséder l'architecte, qui a essayé de pister les engins : "Ont-ils trouvé des vestiges dans les décombres de cette zone limitrophe d'une importante basilique chrétienne du VIe siècle? Où ont-ils jeté les remblais ?". La même interrogation a dû tarauder tous ceux qu'Inchirah Hababou a rencontrés sur le chantier. Un groupe de personnes, essentiellement des habitants de la banlieue nord, qui, alertés par les réseaux sociaux, se sont rassemblés ici dimanche à partir de 16 h pour s'opposer à la reprise, depuis le début du wee-kend, (le soir pour ne pas interrompre le creusage, des projecteurs ont été installés sur les lieux) de travaux pourtant interdits par trois décisions officielles (voir encadré). Ils s'étaient tout de suite heurtés à l'arrogance et à l'agressivité de quelques propriétaires, du promoteur et de ses ouvriers.
"Leurs méthodes m'ont rappelé celles de la police politique sous le régime de Ben Ali : langage ordurier, attaque en groupe et intimidation", témoigne Hisham Ben Khamsa, organisateur à Tunis d'un festival de films américains indépendants et un des "indignés" de la Maâlga. Après que les autorités eurent interpellé et arrêté un des propriétaires, des rondes de surveillance ont été assurées jusqu'aux premières lueurs de l'aube par les citoyens dans une ambiance qui rappelle celle des comités de quartier de l'après-14 janvier 2011. "Des gens sont même passés nous ramener des boissons", affirme Hisham Ben Khamsa.
La colère et la vigilance se sont poursuivies le lendemain après-midi dans la salle des fêtes de la municipalité de Carthage "squattée" pour l'occasion par des citoyens partagés entre des sentiments de désarroi et de suspicion. Au moins 700 personnes se sont réunies spontanément à l'intérieur et sur la terrasse à l'extérieur de la petite municipalité remplaçant les youyous habituels des cérémonies de mariage organisées régulièrement ici par des revendications culturelles et politiques.
Ce si "cher" patrimoine
Entre septembre 2006 et avril 2007, Ben Ali a fait déclasser trois terrains de 12,5 ha en tout afin de créer ce lotissement de toutes les polémiques. Les bénéfices de l'opération immobilière, l'une des plus juteuses de ces dernières années en Tunisie, sont allés renflouer les caisses de Belhassen Trabelsi et de son homme d'affaires fétiche Abdelhakim Hmila, selon le témoignage d'Abdellatif Mokhtar, un des propriétaires d'origine du terrain de Bir Ftouha recueilli dans l'enquête que nous avons publiée en février.
Vivant sous un régime dictatorial, les amoureux de Carthage, une majorité silencieuse, avaient pris le parti de la résignation à ce moment là. Désormais, ils ne se laisseront plus déposséder d'un si "cher" patrimoine. Dans le débat passionné, qui s'est déroulé en présence du vice-président de la municipalité, Mohamed Ali Hammami, la contestation s'est focalisée sur le refus des habitants de la banlieue nord de voir Carthage livré à des opérations de bétonnage anarchique et à l'appétit des spéculateurs immobiliers.
Sur les banderoles brandies dans la salle on lit : "Carthage appartient à l'humanité, pas aux pourris de Ben Ali", "M. le ministre de la Culture, quelle différence y a-t-il entre Carthage et le Cambodge ?". Ce dernier slogan fait référence à la grande mobilisation internationale dont Ezzedine Bach Chaouch, le ministre de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine actuel, a fait preuve pour défendre le site d'Angkor au Cambodge lorsqu'il travaillait en tant qu'expert à l'Unesco jusqu'avant sa nomination en tant que membre du gouvernement de l'après Révolution tunisienne. Mais pourquoi Ezzedine Bach Chaouch n'a-t-il rien fait pour arrêter un chantier illégal sous toutes ses coutures alors que l'homme est également le …maire de Carthage ?
Pourquoi l'Armée n'interviendrait-elle pas ?
A voix haute, Leïla Ladjimi Sebaï, historienne, à qui l'on doit l'exposition sur le jeune homme de Carthage, lit la nouvelle pétition pour le sauvetage de la zone de Bir Ftouha. Elle conclut sur ces mots : "Nous protestons énergiquement devant l'absence de réaction des autorités — ministère de la Culture, ministère de l'Intérieur et tout spécialement la municipalité de Carthage —et de l'impunité totale dont jouissent les contrevenants. Nous appelons les autorités à arrêter immédiatement tous les projets de construction sur le site de Carthage, faute de quoi les citoyens que nous sommes seront amenés à les assigner devant la justice". Applaudissements en trombe. Son discours est suivi par un flot de prises de paroles enflammées :
"En 20 mn, les trax balayent 2.000 ans d'histoire", se plaint un intervenant. "Donnez-nous un numéro de téléphone à contacter en cas d'urgence", réclame un autre intervenant.
Sami Ben Sassi, de l'Instance Ben Achour, venu soutenir les protestataires suggère : "Pourquoi ne pas recourir à l'aide de l'armée si la municipalité n'a pas les moyens de faire cesser les travaux ?".
Fériel Chammari, qui habite aux alentours du projet immobilier, a surveillé de près l'évolution des travaux : "En fait, le chantier n'a jamais vraiment connu de répit. On a continué à peindre ici une clôture, à planter là un jardin". Et s'adressant au vice-président de la municipalité : "Comment se fait-il que lorsque vous voulez suspendre les travaux d'un chantier illégal appartenant à un modeste citoyen vous arrivez à lui confisquer même sa pelle et qu'ici vous êtes dans l'impuissance d'arrêter un massacre ?".
Un Etat à bout de souffle
Le sit-in des indignés de la Maâlga au siège de la municipalité va probablement au-delà de l'affaire de Carthage. Il dénote une crise de confiance envers un Etat à bout de souffle et un gouvernement provisoire, dont la voix ne semble plus porter. Une brèche dans laquelle a voulu s'engouffrer le promoteur Ben Kemla en accélérant la cadence des travaux afin de mettre les autorités devant le fait accompli. Pis encore, un peu plus loin, des constructions anarchiques poussent au cœur de la forêt et sur les sites archéologiques, dont la colline de Byrsa, à l'endroit emblématique de la ville phénicienne antique !
Conformément au décret-loi du 10 mars 2011, prévoyant l'annulation de tous les décrets de déclassement promulgués sous Ben Ali, une commission interministérielle, présidée par le ministre de la Culture, a bien été installée pour examiner au cas par cas les dossiers litigieux. En attendant le 23 octobre, ses délibérations quant au lotissement de la Maâlga se font toujours désirer.
Maître Sami Mahbouli, représentant du promoteur Ben Kemla, (impossible aujourd'hui à joindre) et lui-même propriétaire d'un terrain (plus juge — plutôt plus avocat — et partie que ça tu meurs!) nous fait le récit des événements du dimanche après-midi : "Effectivement un certain nombre de propriétaires excédés par les délais déraisonnables de la prise de décision de la commission ont voulu marquer leur protestation en creusant une vingtaine de trous dans leurs terrains. Depuis huit mois que nous sommes accablés de prêts bancaires, nos intérêts sont gelés et l'administration ne semble pas être sensible à notre détresse".
Pour Abdelmajid Ennabli, éminent archéologue, spécialiste de Carthage et le seul expert à siéger dans la commission, le double statut d'Ezzedine Bach Chaouch ne simplifie pas cette affaire ni ne résout ses complications : "En tant que maire, il est obligé d'être conciliant avec ses administrés et en tant que personnalité gouvernementale, il est supposé prendre des décisions fermes. Comment joindre ces deux positions qui s'opposent et s'annulent l'une l'autre ?".
En attendant, un groupe a été formé sur Facebook (Action citoyenne Maâlga) et la pétition, qui a recueilli plus de 2.000 signatures a été déposée à la municipalité et au ministère de la Culture. Ce qui n'empêche pas Hichem Ben Khamsa et ses amis de pointer chaque jour à 12h30 et à 17h00 sur le site par lequel le scandale est arrivé pour poursuivre leurs rondes de surveillance. Pour les indignés de la Maâlga, l'heure n'est pas à la démission…


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