Par Abdelhamid Gmati Les apparences sont souvent trompeuses, dit le proverbe. Surtout de nos jours, où l'image est primordiale et est plus importante que le message, que la réalité. A bon ou mauvais escient, on la soigne. Ne dit-on pas aussi, avec Jean Dion (écrivain canadien), que «les apparences, on ne le sait que trop, ont cette faculté d'être aussi trompeuses qu'un politicien en campagne électorale»? En cela et à y bien regarder, les apparences sont aussi révélatrices. On compte plus de 100 partis politiques. Certains s'en sont réjouis, voyant là une richesse d'opinions et de propositions, voire d'orientations sociopolitiques. Une belle apparence de démocratie. D'autres, plus sceptiques, y voient l'expression d'une course au pouvoir. Avec le dépôt des listes de candidatures à la Constituante, on relève l'absence d'une multitude de ces partis, incapables, semble-t-il, d'avoir des adhérents. Par contre, il y a une éclosion de listes de candidats indépendants. Apparemment, on peut y voir la faillite des partis politiques, n'ayant pas su séduire, ou la volonté de personnalités de défendre elles-mêmes leurs opinions, libres des carcans et des lignes partisanes. Mais c'est aussi révélateur de tactiques de certains partis, désireux d'augmenter leurs chances d'obtenir un maximum de sièges à la prochaine Assemblée. C'est révélateur aussi du fait que ces «nouvelles forces politiques» ne représentent pas beaucoup de monde et que leurs programmes et orientations ne sont pas attrayants. Ennahdha a, enfin, révélé son programme, en 365 points (un pour chaque jour de l'année). Grosso modo, il pourrait être celui de n'importe quel autre parti. Au point que l'un des dirigeants de ce parti s'est exclamé: «où est l'islamique dans ce programme ?». Alors pourquoi Ennahdha se proclame-t-elle «islamiste» et se réfère-t-elle à l'Islam ? Son dirigeant Rached Ghannouchi, champion incontesté du double langage, estime que «le califat est notre objectif ultime !», et que «Ennahdha est la colonne vertébrale de la société tunisienne». C'est-à-dire que son parti représente l'Islam en Tunisie. Lui et son alter ego Abdelfattah Mourou se disent démocrates et prônent la démocratie. En apparence. Mais ils se présentent comme cheikhs, c'est-à-dire des chefs spirituels, politiques et autres guides. A une question «pourquoi vous déplacez-vous avec une armada de gardes du corps et autres agents de sécurité?», il répond : «Ce ne sont pas des gardes du corps mais des disciples, des compagnons». Même un discours et un programme, en apparence démocrates, sont révélateurs d'une dictature à venir. Onze partis ont discuté et adopté ce qu'on a appelé «la déclaration du processus de transition», une sorte de feuille de route pour l'après-élection. On propose entre autres que le mandat de la Constituante ne doive pas dépasser une année. Certains proposent, après l'élection de la Constituante, la désignation d'un gouvernement «d'union nationale» pour une durée de 4 à 5 ans. Idée récurrente, martelée par des petits partis qui espèrent ainsi accéder au pouvoir par la «petite porte», sachant pertinemment qu'ils n'y parviendront jamais démocratiquement par les urnes. Un douzième parti le CPR, devenu célèbre par sa propension à dire «non», qui avait participé aux discussions, s'est retiré, préférant accorder un mandat prolongé. Le désistement semble devenir une mode : des partis «démocrates» se retirent des instances et des consensus dès que les choses ne leur plaisent pas. Et ils n'hésitent pas à transgresser l'interdiction de la publicité politique. En toute démocratie.