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Les tentations du diable
Foyers universitaires
Publié dans Le Temps le 14 - 01 - 2010

Nous sommes à la fois victimes et condamnables ! Victimes les unes des autres… ».
« Il y a eu une urbanisation des milieux ruraux et une ruralisation des milieux urbains aussi, cela mélange les valeurs »
Elles ont eu leur bac et toute une page de leur vie est à jamais tournée. Une autre s'ouvre : la vie estudiantine !
A mi-chemin entre la vie professionnelle et les études, entre l'adolescence et l'âge adulte et entre la stricte discipline du lycée et la souplesse de l'université, cette transition est importante.
L'université représente, en effet, le vaste espace où se rencontrent les jeunes de plusieurs endroits, où on assume ses responsabilités, et où se fait le bel apprentissage de la vie.
Ces changements deviennent carrément métamorphose pour les étudiantes obligées de quitter le cocon familial pour vivre dans un foyer universitaire, situés pour certaines, à des centaines de kilomètres de chez elles.
C'est alors l'indépendance au plein sens du terme, pratiquement le saut dans l'inconnu que chacune gère comme elle veut et comme elle peut.
Ce n'est pas facile à vivre, d'autant plus que souvent la société porte un regard inquisiteur sur ces « filles de foyers ».
On les soupçonne de dénaturer la liberté et de la détourner en libertinage et qu'au lieu de s'assumer, elles cherchent souvent quelqu'un qui les assume financièrement.
Beaucoup de personnes sont persuadées que ce n'est pas sur les bancs de l'université que ces filles passent leur temps, mais dans les boîtes et les salons de thé, pis encore dans l'appartement de quelque riche « copain », ou « ami » venant d'un pays voisin.
Quelle est la part de vérité dans tout ça ? Est-ce que la société est trop dure envers elles ou bien ces filles sont-elles effectivement portées sur le libertinage et qu'elles veulent rattraper le temps perdu dans leur patelin ?
Nous avons rencontré, à cet effet, quelques étudiantes qui résident dans des cités universitaires et contacté aussi un sociologue pour qu'il nous explique « le phénomène ».
Hajer AJROUDI
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Témoignages :
Inès, 22 ans, étudiante logeant dans un foyer à Tunis : « Des étudiantes débauchées existent, mais il y a de la bonté au fond d'elles-mêmes »
C'est dans la salle de révision que nous l'avons rencontrée, c'était pourtant la veille d'un week-end. Enfilée dans une épaisse robe de chambre, visage nu et mal coiffée, elle sortait directement de sa chambre, pour y revenir après sa séance de révision.
A notre question concernant sa vie au foyer elle nous répondit « Je passe l'essentiel de mon temps entre la faculté et le foyer. Quand je sors c'est pour des courses nécessaires ou pour voir de la famille, sinon je suis souvent dans ma chambre.
Ici, on trouve de tout, des filles bien et des filles profiteuses, mais on s'amuse et on créé une belle ambiance. Même ma vie sentimentale est vide. Cela fait trois ans que je suis ici et je n'ai jamais voulu fréquenter un jeune homme à Tunis que ce soit à la faculté ou ailleurs. »
« Et pourquoi donc ? » lui avons-nous demandé, elle reprend :« Je n'ai pas confiance en eux. J'ai la nette impression que les étudiants et les étudiantes à la faculté se fréquentent uniquement pour passer des bons moments durant les années estudiantines. La relation s'achève juste après. Les garçons rencontrés ailleurs, sont encore pires. Ils ont des préjugés par rapport à nous et n'essayent que de profiter. Franchement, je les comprends. Quand je vois les filles qui se laissent facilement avoir par ce qu'ils leur offrent : voitures, maquillages, sorties, cigarettes. C'est du donnant-donnant entre ces garçons et ces filles. J'ai vu celles qui rentraient tôt le matin à l'ouverture de la porte du foyer, on voit qu'elles étaient dans une soirée, et il y a pire, celles qui rentrent au bout d'une semaine, un peu moins, un peu plus. Le concierge est parfois complice, les fait sortir après l'heure de la fermeture ou avant l'heure d'ouverture, en échange de cigarettes ou même de l'argent. Dans un précédent foyer, j'ai entendu dire que des filles introduisaient de l'alcool et s'offraient des soirées arrosées dans l'enceinte mêmes du foyer. »
Nous lui demandons ce qui les pousse à vivre. Inès répond que : « Certaines veulent vivre comme les filles de Tunis, d'autres vivent dans un rêve mensonger et y croit, elles s'approprient les moyens que leurs copains leur offrent pour donner l'impression que ce sont elles « les filles riches de familles aisées ». Néanmoins, il y a beaucoup de filles bien parmi elles. Je connais une fille qui, ayant perdu sa maman, et dont le père s'est pris une maîtresse à qui il donnait son argent, elle s'est mise à fréquenter des garçons pour s'assurer son argent de poche. Malgré cela, elle me conseille de ne pas fréquenter ce genre d'homme, me guide presque dans la vie pour m'éloigner de tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à la vie qu'elle mène. J'ai même connu beaucoup de filles qui se permettaient d'être très libertines, mais qui me conseillent moi et mes semblables, d'être sages et de nous concentrer sur nos études. »
Pincements de conscience, regrets ou alors ces filles ont-elles pris conscience qu'elles sont dans un abîme et ne veulent point y voir d'autres chuter ? Il est fort probable qu'elles savent qu'elles ont poussé de l'intérieur les limites un peu trop loin. Mais Inès, si timide, qui venait du centre du pays et qui regardait les choses autour d'elle avec le même regard que celui de la société, refuse de condamner ces filles, même si leur comportement la choque.
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Wafa, 20 ans, étudiante logeant dans un foyer à Tunis : « D'aucuns salissent notre réputation »
Wafa est tout le contraire de Ines. Elle est coquette : maquillage lourd, habits sexy, et cheveux bien coiffés. Mais les apparences sont souvent trompeuses !
Wafa se préparait à sortir, elle attendait son copain qui allait venir la chercher. Tout laisse croire qu'elle programme un weekend joyeux, peut être bien le passer tout entier dehors et pourtant elle s'exclame, choquée même : « Dormir dehors !? Non je n'aime pas le faire, je sors et je reviens toujours avant la fermeture des portes. Mon copain est d'ailleurs venu de ma ville natale au sud pour me voir, nous nous aimons depuis quatre ans, il veut m'épouser, mais nous vivons dans des villes différentes et donc on se voit seulement le weekend. »
Et si Wafa décrit sa relation comme une grande histoire d'amour, elle porte le même jugement qu'Inès sur les relations de certaines étudiantes « Il y a rarement de l'amour, plutôt une quête d'amusement ou alors un profit financier. D'ailleurs une réputation colle aux filles des foyers et on nous court derrière à cause de cette réputation qui n'est pas totalement usurpée malheureusement. Il y a des filles très correctes, comme il y a des filles qui nous ont condamnées à un regard sévère à cause de leur libertinage. Des hommes se rassemblent en groupes devant notre foyer pour nous aborder. En conclusion on est victimes et condamnables ! Victimes les unes des autres… ».
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Amel 29 ans ancienne étudiante : « Des années perdues à cause d'un professeur »
« Quand je suis arrivée au foyer, je n'étais nullement une fille renfermée, mais pas non plus libertine. Je venais d'un milieu ouvert, mais qui a ses valeurs. De ce fait j'étais spontanée, sociable, mais aussi sérieuse dans les études. J'aimais sortir comme lorsque je vivais chez ma famille, seulement je choisissais mes amis du même milieu que moi, avec la même mentalité, et du même âge. Je cherchais une ambiance saine. Je ne savais pas que la réputation des filles de foyers allait me persécuter. D'abord je me suis trouvée face à des jeunes qui ne cherchaient qu'à tirer du plaisir, cela m'a causé quelques déceptions affectives. Je surpassais cela grâce au groupe d'amis que j'avais. On était soudé, joyeux, on révisait, sortait, mangeait ensemble.
Néanmoins, j'ai découvert que le regard condamnable ne venait pas que du dehors de l'université.
Un jour je fus convoquée par un professeur à son bureau. Je m'y suis rendue et il m'a franchement et directement demandé de sortir avec lui en boîte. J'ai refusé, il a alors répliqué ironiquement que je n'avais aucune raison de le faire puisque je fréquentais déjà les boites de temps à autres. « Oui, mais avec mes amis, sans arrière pensée ». Il m'a aussi laissé entendre qu'il comptait bien finir la soirée avec moi dans quelque appartement. J'ai compris que peu de gens comprenait la différence entre émancipation et libertinage. Face à mon refus, il est passé au chantage. Ou je sors avec lui, ou je n'aurai jamais la moyenne du moins dans la matière qu'il enseignait.
Notre conversation a pris fin, mais nullement sa persécution. Dans la salle, il me grondait et me changeait de place dès qu'il me voyait parler avec l'un de mes amis, je ne fus épargnée ni de ses sarcasmes ni de ses remarques désagréables.
J'ai évidemment eu une très mauvaise note dans sa matière. L'année d'après j'avais validé tout ce qu'on appelait mes crédits et j'étais théoriquement admise à passer, sauf que je n'ai toujours pas eu la moyenne dans sa matière et j'ai du refaire toute une année simplement pour une seule matière. Il se montrait toujours inflexible. Finalement j'ai du changer d'établissement et j'ai pu accéder enfin au deuxième cycle. Je sais, depuis, qu'il fait ça avec beaucoup d'étudiantes. Les unes se prêtent au jeu, d'autres le provoquent pour obtenir ses privilèges et certaines refusent.
A titre d'anecdote, je me souviens d'une fille qui m'a sermonné car j'étais une fumeuse, elle ne cessait de dire à tout le monde que j'étais une libertine qui se permettait tout, simplement car elle m'avait vu fumer. Un soir j'ai invité une amie à dîner. A un moment, mes regards se sont portés sur deux jeunes filles qui étaient avec deux vieillards et l'une d'elle était celle qui me sermonnait. Nos regards se sont croisés, elle a vite baissé le sien. Depuis, elle n'a plus jamais rien dit sur mon compte. »
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L »angle sociologue
« Mélange des valeurs »
Khalil ZAMITI
Le Pr. Zamiti explique le phénomène du libertinage que vivent beaucoup de jeunes étudiantes au foyer par le fait qu'elles arrivent en grande majorité d'un milieu rural et pauvre. Néanmoins elles sont avant tout des femmes qui ont des besoins comme s'habiller, sortir, se maquiller et cela s'accentue en côtoyant les citadines d'un milieu plutôt occidentalisé. De plus, elles sont embrigadées et ont intériorisé les valeurs de la société ancienne d'où elles viennent (la société ancienne selon la définition anglo-saxonne est celle où la reproduction se passe dans les relations de la parenté, le père, la mère, les enfants, travaillent et vivent tous dans le même milieu bien souvent agricole). La valeur primordiale de cette société est la notion d'honneur, qui est le code qui régit les relations hommes – femmes, et qui se résume dans le fait que la sexualité féminine est contrôlée par l'homme. Quand elles arrivent au foyer, il n'y a plus cette surveillance masculine et ce fait combiné au retour du refoulement et des ressources limitées les poussent petit à petit à avoir des relations de profit. Cela condamne aussi les étudiantes vivant dans les foyers à une réputation dont souffrent également les filles restées fidèles à leurs valeurs et les filles simplement émancipées.
Le regard qui pèse sur elles vient d'une société qui, tout citadine et occidentalisée qu'elle soit, reste attachée à l'ancienne société et qui a tout aussi le refus de l'émancipation féminine. Il ne faut pas oublier qu'il y a eu une urbanisation des milieux ruraux et une ruralisation des milieux urbains aussi, cela mélange les valeurs, tout y est des plus tolérantes au plus strictes. Les filles de foyers, de leur côté, sont porteuses des règles de leur milieu et donc ressentent le regard et la condamnation peser sur elles et il ne leur est pas indifférent, il est même douloureux. Malheureusement des filles entraînent d'autres. Le Professeur Zamiti cite à titre d'exemple l'histoire d'une fille âgée de 29 ans et qui ne pouvait plus payer le foyer. Elle empruntait de l'argent aux autres filles. L'une d'entre elles l'a un soir invité à passer une soirée entre amis. Les trois garçons les ayant accompagnées l'ont un à un violée. Ce fut le premier traumatisme, le second est qu'elle était tombée enceinte et a dû avorter. Cette fille a complètement changé. Elle passe son temps à boire et à fumer…


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