En 1986, avec la Déclaration sur le droit au développement de l'Organisation des Nations unies (ONU), figure la mention des «droits culturels» qui donnent, dans le cadre des droits individuels, ceux de l'identification culturelle, à savoir le choix pour chaque individu de sa culture et de sa langue; et dans le cadre des droits collectifs, ceux qui sont liés au développement des droits culturels des peuples minoritaires. Il s'agit là du droit à la différence pour chaque individu ou communauté de pratiquer sa langue, son culte, ses us et coutumes, autrement dit ses droits culturels, en toute liberté et légalité sans que cela puisse créer des tensions allant jusqu'au conflit entre citoyens du même pays. Pour ce faire, il est nécessaire de développer une éducation des droits de l'Homme dans le respect des règles démocratiques. Aujourd'hui, les Amazigh et autres minorités ethniques ou religieuses ont le droit de pratiquer leur culte et leur culture sans que cela ne déclenche un tollé. La société n'est pas une, elle est plurielle. Il faut l'admettre une bonne fois pour toutes. C'est le sens que veut donner le colloque ayant pour thème «Droits culturels et démocratisation : éducation, développement et politiques culturelles» qui a démarré hier dans un hôtel de la banlieue nord et se termine demain. Le colloque, qui dure donc trois jours, est organisé en partenariat entre le ministère de l'Education et le ministère de la Culture, la commission nationale pour l'Unesco, l'Institut arabe des droits de l'Homme, l'Organisation internationale de la francophonie, le département fédéral des affaires étrangères suisse, l'institut interdisciplinaire d'éthique et des droits de l'homme de l'université de Fribourg et l'Unesco. Présidée par Hassen Annabi, secrétaire d'Etat à l'Education, la séance d'ouverture a été consacrée à des interventions d'ordre général au cours desquels les participants comme Abdelbasset Ben Hassen, président de l'Institut arabe des droits de l'Homme et Souria Saâd Zoy, représentante de l'Unesco à Rabat ont insisté sur le renforcement de la démocratie, de la culture de la paix et des libertés fondamentales en bannissant toute forme d'exclusion dans la perspective d'un meilleur vivre ensemble. Des défis transversaux Pour sa part, Taïeb Baccouche, ministre de l'Education, a indiqué que la solidité des rapports entre droits de l'Homme et droits culturels constitue un tout indivisible. Il ne saurait y avoir l'un sans l'autre. L'enjeu est si important que les Nations unis, à travers le Conseil des droits de l'Homme, ont désigné un expert à plein temps pour suivre cette question. Le ministre, a, en outre, mis en évidence les défis transversaux qui peuvent avoir un impact sur les droits culturels. D'abord, le malentendu autour de la notion d'universalité des droits culturels confondue souvent avec la mondialisation; ensuite, l'incompréhension au niveau de la diversité culturelle et enfin l'incompréhension de l'identité conçue de manière monolithique. Les valeurs communes sont à prendre en compte car l'homme est à la fois un et multiple. A cet égard, il a appelé au changement des mentalités avant même de procéder à la concrétisation de la démocratie. Dans le même ordre d'idée, Patrice Meyer-Bisch, coordinateur de l'Institut interdisciplinaire d'éthique et des droits de l'Homme de l'université de Fribourg, a relevé dans sa communication que le développement des droits culturels est autant de droits à l'identité mais à condition de reconnaître l'identité comme une multiplicité de rapports et non un obstacle. C'est la clé d'une nouvelle approche du sujet dans une culture démocratique. «Le droit de participer à la vie culturelle, avec tous les droits, libertés et responsabilités que cela implique, est une condition essentielle pour la réalisation de démocraties beaucoup plus participatives et respectueuses des valeurs liées à la dignité humaine». La démocratie n'est pas un vain mot. «Elle peut être durable et soutenable lorsqu'un peuple, constitué en communauté politique, trouve les moyens de valoriser de façon permanente toutes les ressources culturelles… qui lui permettent de développer une souveraineté en prise avec son milieu aussi bien qu'avec les valeurs universelles de la raison», affirme l'intervenant. La première séance présidée par Zohra Ben Lakhdar, professeur à l'université de Tunis El Manar, s'est intéressée à «l'éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits culturels». Abdelbasset Belhassen, président de l'Institut arabe des droits de l'Homme (Iadh) a mis l'accent sur l'éducation aux droits de l'Homme, à la citoyenneté et à la démocratisation insistant sur le fait que l'éducation aux droits de l'Homme est un des principes fondamentaux d'une citoyenneté solidaire. Les familles intellectuelles et politiques doivent désormais cohabiter ensemble mais aussi travailler pour progresser ensemble dans un esprit de cohésion et de respect mutuel. Selon Belgacem Hassen, inspecteur général de l'éducation, le système éducatif a un rôle déterminant à jouer dans cette phase de transition démocratique. Il constitue un vivier dans lequel se forment à la multiculturalité, à la démocratie et à la citoyenneté les nouvelles générations. Mohamed Kameleddine Gaha, directeur général de la Bibliothèque nationale, a insisté sur les politiques éducatives et culturelles dans le processus de démocratisation pour prévenir toute forme de marginalisation et toutes les expressions extrémistes susceptibles de tirer le peuple en arrière.