Par Abou EL ALA Nous assistons depuis quelque temps à une multiplication des accusations envers d'anciens responsables politiques ayant exercé de hautes fonctions sous le régime du président déchu. Des déclarations fracassantes sont ainsi apparues, dénonçant de prétendues malversations commises par ces responsables au profit du clan Trabelsi ou du président lui-même. A la base de cela, l'on retrouve des plaintes déposées par des citoyens lésés, souvent à juste titre, et qui désirent récupérer leurs biens et être rétablis dans leurs droits. De là à accuser les responsables politiques de tous les maux, sans en fournir la preuve, il n'y a qu'un pas que plusieurs médias ont franchi, alimentés, il faut le reconnaître, par l'attitude de certains juges chargés des affaires en question. Il faut reconnaître que ces juges ont été mis à rude épreuve ces derniers temps, et se sont vu coller une étiquette de laxisme, voire de comportement irresponsable. C'est le cas, par exemple, lors de la fuite de l'ex-responsable de l'Organisation tunisiennes des mères. Mais ceci ne peut expliquer une telle attitude. Sans vouloir défendre ni trouver des excuses à ces responsables politiques, il faudrait néanmoins éviter de tomber dans des lynchages médiatiques et sombrer dans les articles à scandale, aux fins de satisfaire un appétit de vengeance du peuple. Il faut surtout veiller à garantir l'indépendance de la justice et s'assurer qu'elle puisse agir en son âme et conscience en dehors de toute influence des médias ou autres groupes de pression. Certes, plusieurs responsables sous l'ancien régime n'ont pas hésité à profiter de leur situation. Qu'ils se soient servis eux-mêmes ou qu'ils aient permis à d'autres de le faire, ils se sont ainsi, le plus souvent, accommodés de la situation et n'ont pas œuvré à y mettre fin. Cependant, l'enjeu aujourd'hui est de ne pas mettre tout le monde dans le même sac. Il faut admettre, en effet, que plusieurs responsables ont servi le pays avec abnégation, patriotisme et professionnalisme. Les réussites qu'a connues la Tunisie, il ne faut pas le nier, leur sont en partie imputables. La plupart n'ont pas couru derrière les postes mais ont été désignés sans qu'ils n'aient eu à émettre le moindre avis. Ils ont alors assumé leurs fonctions et ont tenté, au mieux, de "limiter les dégâts" en anticipant les situations critiques afin de les bloquer et ne pas permettre la multiplication des abus. Il est facile, avec le recul, de leur reprocher de s'être accommodés de leur situation et de ne pas avoir présenté leur démission devant les abus constatés. C'est là un reproche facile à faire, aujourd'hui, mais difficilement imaginable à l'époque, compte tenu des retombées imprévisibles qu'auraient provoqué une telle décision. En tout état de cause, ce qui importe à présent, c'est de cibler et de condamner les véritables coupables qui ont profité directement, pour eux-mêmes, de la situation. Ceux-là n'ont aucune circonstance atténuante et doivent rendre des comptes. Pour le reste, il est grand temps de s'atteler à la reconstruction de notre pays et d'y mettre toute notre énergie. Nous avons besoin pour cela de tous les citoyens, à la seule condition qu'ils soient des patriotes et qu'ils se mettent au service du pays. Une révolution comporte toujours des excès. Mais une révolution réussie est celle qui arrive à les maîtriser et à dépasser la phase de l'euphorie pour aller vers la phase de la construction. Il en va du devenir de la Tunisie, qui se trouve à la veille d'une échéance électorale unique dans son histoire. Un signal fort devra être donné à cette occasion pour aller vers une réconciliation nationale et une mobilisation de tous pour bâtir la Tunisie de demain.