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Déclarez sans délai inexistantes en droit la Constitution Ben Ali et les prétendues Chambres des députés et des conseillers Lettre à Monsieur le Président de la République par intérim
Monsieur le Président, C'est à la fonction que je m'adresse, non à l'homme. Toutes les forces politiques tunisiennes ont fait preuve d'un grand sens de la responsabilité d'Etat en acceptant que la fonction de Chef de l'Etat continue d'être assumée par une personne qui s'est trouvée, de fait, là. C'est que la Tunisie, l'Etat et leur continuité sont au-dessus de toute Constitution. Nous le savons tous : le pays vit dans un état de confusion et de désordre constitutionnels qui s'aggrave. Et, d'abord, la question première et fondamentale : oui ou non la Tunisie a-t-elle une Constitution ? La vérité est que le régime Ben Ali avait choisi de continuer de confisquer et d'usurper les pouvoirs en fabriquant encore une pseudo Constitution pour se donner les apparences trompeuses de la légitimité et de la légalité. C'est grâce à la Révolution du peuple tunisien que vous en êtes venus à assurer cette haute charge et vous avez donc des devoirs envers ce peuple et cette Révolution. Vous ne tenez donc pas cette fonction d'une prétendue Constitution et ainsi pas d'un prétendu article 57. Le peuple tunisien a chassé le despote mafieux, déguisé en président de la République, par un acte révolutionnaire, par la force populaire, c'est-à-dire par une voie extraconstitutionnelle. Cet acte a démasqué et balayé la Constitution Ben Ali, cette pseudo Constitution, ce faux, cette contrefaçon, qui a légitimé un usurpateur, un pillard, un comploteur contre la sureté intérieure et extérieure de l'Etat et qui aurait déjà dû être mis en accusation pour haute trahison, ce que les deux gouvernements Ghannouchi n'ont pas fait. Car ils continuent de respecter et d'appliquer cette Constitution alibi qui a organisé l'immunité de Ben Ali. En outre, le Chef d'état-major des Armées a dû lui-même violer cette Constitution Ben Ali pour être dans le Droit et du coté du peuple. Refusant, en effet, de tirer sur les citoyens, il avait délibérément manqué à son devoir constitutionnel d'obéissance au (prétendu) commandant en chef des Armées, le soi-disant président de la République, Ben Ali. Ce faisant, il a obéi à sa conscience qui lui disait qu'une vraie Constitution ne pouvait permettre à un tel homme de donner de tels ordres. Enfin, le peuple tunisien a exigé une rupture totale avec l'ancien régime, rupture qui ne peut être seulement politique mais doit d'abord être constitutionnelle. *** Le pouvoir constituant, originaire ou dérivé, appartient au peuple, qui l'exerce, directement ou indirectement, par référendum ou par une Assemblée à laquelle il délègue ce pouvoir par des votes ou des élections, vrais, libres et sincères. Or, ce pouvoir constituant a été confisqué au peuple tunisien et usurpé par le despotisme et le système du parti unique. Les Assemblées ou Chambres des députés qui se sont succédées depuis des décennies n'ont jamais fait l'objet que de prétendues élections qui se sont toujours déroulées dans un climat de peur politique et policière et ont été falsifiées. Ces Chambres ont toujours été des émanations du Destour puis du Rassemblement Constitutionnel Démocratique, dont elles ont constamment reproduit le système par les mêmes fausses élections. Depuis 23 ans, c'est le pouvoir benaliste qui nomme leurs membres y compris, depuis 2002, ceux de la Chambre des conseillers. Aucune de ces Chambres n'a donc été régulièrement mandatée par le peuple pour exercer quelque pouvoir que ce soit, et surtout pas le pouvoir constituant en procédant à des révisions. Et sans vraies élections il n'y a eu aucune légitimité. Le référendum de 2002 a lui aussi été un faux référendum par lequel le pouvoir benaliste a été jusqu'à falsifier et usurper la volonté du peuple même, pour opérer une autre «révision » elle aussi nulle et non avenue en droit. Mais le pouvoir constituant ne peut être exercé que par le peuple souverain lui-même. Usurpé, il n'est plus pouvoir constituant. *** Le devoir de votre charge d'Etat est donc de constater, déclarer, sans rien décider à proprement parler, que : 1/ La Tunisie n'a pas de Constitution. Celle de 1959 n'a plus aucune existence en droit du fait même des révisions substantielles qui lui ont été apportées, l'ont dénaturée et n'ont jamais été décidées par le pouvoir constituant, le peuple tunisien ; 2/ La Chambre des députés et la Chambre des conseillers n'ont aucune existence en droit, faute d'être établies sur une base constitutionnelle et, corrélativement, d'avoir été vraiment élues. Ces Chambres n'ont donc pu exercer valablement aucun pouvoir. Vous pouvez et vous devez donc les dissoudre d'office. Les indemnités parlementaires ne devaient plus être versées à partir du 14 janvier 2011 et doivent donc être remboursées au Trésor Public à cette date. *** Au-delà, même si l'actuel gouvernement comporte plusieurs bons ministres qui peuvent être reconduits, il s'agit de constituer un vrai gouvernement de transition, gouvernement de fait, fondé sur les circonstances exceptionnelles, ayant une légitimité politique minimale et dont les membres ne pourront se présenter à aucune élection à venir. Ce gouvernement aurait des compétences limitées, dans le temps et dans l'objet : gestion des dossiers courants, maintien de l'ordre, continuité des services publics, urgence sociale et économique. Il n'aurait aucune compétence pour engager aucune politique de réforme à moyen ou long termes, ni pour conclure des traités internationaux, ni pour faire de prétendus projets de loi. En l'absence d'un pouvoir législatif, le président par intérim et le gouvernement peuvent, dans le cadre de leurs compétences exceptionnelles et limitées, décider par voie d'actes exécutifs et administratifs. Ils peuvent et doivent ainsi libérer immédiatement tous les détenus politiques, sans besoin d'une prétendue « loi » d'amnistie générale. Toutes les forces vives, démocratiques, du pays devraient se regrouper dans une instance représentative et appropriée chargée de veiller à la protection de la Révolution. Enfin, la priorité est à l'élection d'une Assemblée Constituante souveraine qui mettra elle-même en place une organisation provisoire des pouvoirs publics, en attendant qu'elle mène à bonne fin l'élaboration d'une nouvelle Constitution. Avec mes salutations et mes respects. Hichem MOUSSA