«Lorsque tu n'as rien à dire et que tu dois quand-même écrire sur quelque chose, attaque-toi à l'état des trottoirs. Cela intéressera toujours quelqu'un». C'est le conseil que donnait un vieux collègue à ses jeunes camarades lorsqu'ils étaient en mal d'inspiration pour fournir une brève chronique. Ce qui peut expliquer la récurrence du sujet sous la plume de certaines signatures. Ici, c'est un autre sujet qui revient à un rythme saisonnier : celui de la sécurité dans les trains de la ligne Tunis-La Goulette-La Marsa (plus célèbre sous le sigle TGM.) Pas qu'il n'y ait rien à redire sur l'état des trottoirs partout en Tunisie et plus particulièrement ceux de l'avenue centrale de la capitale où les pavés descellés se comptent par dizaines, formant parfois de grands creux propices à la stagnation des eaux et favorisant les pertes d'équilibre des passants inattentifs. Alors, à chacun sa spécialité? Non, mais la question de la sécurité sur le TGM est autrement plus grave. Il y a deux ou trois ans, un passager pressé de descendre avant l'arrêt complet du train à l'arrivée en gare de Tunis a perdu l'équilibre et s'est retrouvé pris entre le bord du quai et un wagon qu'il quittait par la passerelle qui conduit à la deuxième voiture. Il s'ensuivit la mort atroce du passager sous les yeux horrifiés de ses compagnons de route. Ce n'était pas le premier accident du genre mais on a espéré qu'il fut le dernier lorsque la compagnie exploitante a décidé de mettre dans chaque rame un personnel chargé de veiller au respect des consignes de sécurité. Et cela a marché toute une année. Puis les agents ont été retirés. Les portières ont recommencé a être rouvertes et les grappes de chenapans de s'y accrocher pour des gesticulations sur les marchepieds. Mais la hardiesse de la jeunesse ne connaissant pas de limite à l'excès lorsque le sens de la responsabilité des adultes est en berne (dans les foyers, à l'école, dans le train et aux bureaux des exploitants). Aussi, les acrobaties de ces jeunes inconscients deviennent de plus en plus téméraires —et dangereuses. Maintenant, pendant que le train roule, ils s'agrippent aux rebords des fenêtres pour escalader le flanc du train et se retrouver sur le toit du véhicule ; là, ils se livrent à une véritable danse de la mort au-dessus de la tête des autres passagers, rythmant leur prestation de grands coups de pied que répercute violemment une toiture dont on sait qu'elle laisse filtrer l'eau de pluie par endroits… Avec la reprise des croisières au port de plaisance de la Goulette, nombre de touristes, instruits par des guides de plus en plus précis sur les ficelles pour voyager moins cher, préfèrent se rendre en excursion à Sidi Bou Saïd en train. Vous voyez le spectacle que leur offrent ces «apaches» dans de véritables tableaux de western. A défaut de fournir des prestations de qualité, dans des trains dignes de ce nom avec des conditions de confort et de sécurité dignes d'une clientèle majoritairement respectable, la direction du TGM serait bien inspirée de remettre dans les wagons des agents de sécurité qui lui reviendront moins cher que la dégradation de son image de marque et de celle du pays, et, assurément, moins coûteux que les déprédations et les éventuelles réparations en cas d'accidents graves.