Elles étaient, hier, dans la matinée, cinquante, soixante, peut-être une centaine d'étudiantes, regroupées dans le petit hall de l'exigu bâtiment de l'Office des œuvres universitaires du Nord de la rue du Mali. Une bonne partie de la foule, qui comptait très peu de garçons et qui débordait vers l'extérieur sur la voie du métro, s'était engouffrée dans l'étroit escalier qui mène au 4e étage où se situe le bureau chargé de l'hébergement universitaire. C'est là où tout se passe. La directrice chargée d'étudier les demandes au cas par cas les reçoit par groupe de cinq ; mais l'impatience et la crainte de ne pas arriver à temps, car les places sont limitées, font lâcher les nerfs et hausser le ton de part et d'autre. La plupart de ces jeunes filles sont en troisième année du supérieur, d'autres préparent un master et un autre groupe d'étudiantes sont en deuxième année du supérieur mais avec une année de redoublement dans leur cursus. Leur revendication est l'obtention d'une autorisation exceptionnelle d'hébergement dans un des foyers universitaires relevant du ministère de tutelle, pour un tarif symbolique de 10 dinars par mois. Exceptionnelle, car les étudiants, filles et garçons, appartenant à ces catégories n'ont pas droit à l'hébergement universitaire public. Vu l'augmentation importante, chaque année, du nombre d'étudiants, l'autorisation d'hébergement dans les foyers relevant de l'Office respecte une échelle de priorités. Les premiers servis sont les nouveaux bacheliers, puis les étudiants de 2e année. Ils doivent faire partie des boursiers. Deux ans pour les filles, un an pour les garçons. Pour les candidats au master, l'Office ne dispose que d'un seul foyer de près de 150 lits à El Hafsia, il ne peut pas répondre à toutes les demandes, explique Mourad Thabti, le chargé de la communication à l'Office du nord. L'ONOU du nord supervise 49 établissements d'hébergement universitaire dont 16 cités (foyers avec restaurant) et 33 foyers. Les foyers privés inaccessibles aux boursiers L'exception existe toutefois et elle est accordée aux cas sociaux, aux handicapés ainsi qu'aux étudiants boursiers qui ont déposé une demande dans les délais et bien sûr dans la limite des places disponibles. C'est la raison pour laquelle les flux d'étudiants se relayent à l'ONOU du Nord "assiégé depuis plusieurs semaines", selon certains agents de l'Office. "Nous recevons un grand nombre de requêtes auxquelles nous répondons favorablement quand cela est possible", précise encore le chargé de la communication, citant les requêtes de l'Uget qui est intervenue en faveur de plus de 500 étudiants en deux temps. Le problème de l'hébergement universitaire est, faut-il le rappeler, récurrent et se pose toujours avec autant d'acuité en cette période de l'année. La problématique, qui se pose en termes de déséquilibre entre l'offre et la demande en places dans les foyers universitaires publics, semble s'aggraver d'une année à l'autre, malgré l'entrée en jeu du secteur privé — 60 foyers actuellement dans les onze gouvernorats du nord du pays. Et pour cause: d'un côté, l'Etat ne peut pas héberger les centaines de milliers d'étudiants que compte le pays et, de l'autre, " les tarifs imposés par le privé sont prohibitifs, ils varient de 75 dinars à plus de 100 dinars à Tunis. Un étudiant boursier ne peut pas se permettre de loger dans un foyer privé", témoignent simultanément Maroua, Khaoula et Mouna, qui viennent de Nabeul et de Kélibia. "Les conditions d'habitation sont souvent déplorables dans les foyers publics, mais nous n'avons pas le choix", souligne Maroua. 500 nouveaux lits dans les prochains jours Les cours ont démarré depuis plus d'un mois et ces étudiantes n'ont pas encore résolu leur problème de logement. Comment font-elles? "Notre seul recours est la resquille. Nos amies nous hébergent dans leurs chambres au foyer. Nous n'avons pas le choix même si nous savons que c'est interdit et que nous risquons d'être mises à la porte à tout moment ", précise Khaoula. Celles parmi les étudiantes qui n'auront pas eu gain de cause aujourd'hui devront sans doute passer une deuxième nuit clandestine dans un des foyers publics, avec l'espoir de résoudre leur problème demain. "Il n'est pas question de lâcher, car apparemment le favoritisme a encore de beaux jours devant lui. L'égalité des chances, ce n'est que dans les discours", confie une des étudiantes du gouvernorat de Nabeul dont le père est handicapé. L'espoir est permis si, comme l'a annoncé Mourad Thabti, les travaux de réhabilitation de la Cité universitaire de l'Ariana 2-Mars sont terminés, la Cité ouvrira ses portes dans les prochains jours offrant 500 nouveaux lits. Espérons également que le ministère de l'Enseignement supérieur saura trouver un autre bâtiment plus spacieux et en meilleur état pour installer les bureaux et le personnel de l'ONOU du Nord car le problème de l'hébergement universitaire n'est pas près d'être résolu et les étudiants de renoncer à un service qu'ils considèrent comme un droit indiscutable.