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De la résistance civile à la transition démocratique Les livres de la révolution à la bibliothèque Nationale - Le Printemps de Tunis, la métamorphose de l'Histoire de Abdelwaheb Meddeb
Le premier cycle qu'a consacré la Bibliothèque nationale de Tunis aux «livres de la révolution» s'est terminé mardi dernier, avec Abdelwaheb Meddeb, auteur d'un opus intitulé Printemps de Tunis, la métamorphose de l'histoire. L'assistance était peu nombreuse à cette rencontre, mais attentive aux propos du conférencier qui a été présenté par Kamel Gaha, directeur de la Bibliothèque nationale. Dans sa présentation, ce dernier a tout d'abord insisté sur le caractère «inattendu» de la révolution qu'il décrit comme «une très belle aventure quasi-magique». Mettant l'accent sur Le printemps de Tunis, la métamorphose de l'histoire, il relève que ce livre constitue un «couronnement heureux» d'une œuvre maîtrisée qui a, en fait, commencé avec La maladie de l'Islam. Il s'agit d'un genre nouveau qui allie la chronique au texte de création dans lequel est célébrée la sortie d'une malédiction qui s'appelle dictature. Prenant la parole, Abdelwaheb Meddeb a remarqué que l'avènement de la révolution a eu lieu par surprise et qu'elle est le résultat d'une chaîne de causalités. Il a appuyé ses propos sur une citation de Nietzche qui dit que «toute révolution vient sur patte de colombe». Aujourd'hui que la révolution est faite, nous passons tous par une épreuve historique importante pour notre pays et pour le monde arabe. Les regards de la planète entière sont braqués sur nous et suivent la manière par laquelle nous allons sortir de ce nœud, à savoir le passage de la dictature à la démocratie, et nous adapter à cet ailleurs qu'est l'Occident. C'est un grand chantier qui appartient au droit juridique de le résoudre. A cet effet, il fait référence à L'Etat inachevé de Ali Mezghani qui constitue un livre fondamental en matière de droit. Le droit naturel Ces remarques étant faites, le conférencier, partant d'une discussion qu'il a eue avec Jacques Semelin, historien et politologue, s'intéresse à la notion de résistance civile, en donnant deux exemples historiques : le national socialisme en Europe et la résistance de la société, notamment en Allemagne, et la dissidence en Europe de l'Est et la résistance civile qui a mené une action politique face à un système politique construit sur la violence. Les événements déclenchés en Tunisie appartiennent, selon lui, à l'histoire universelle. La révolution tunisienne désenclave un espace rivé sur une problématique identitaire et le flottement qui s'en est suivi. Revenant sur le geste de Mohamed Bouazizi, Abdelwaheb Meddeb établit un parallèle avec celui de Jan Pallack, à l'origine du Printemps de Prague, le qualifiant de geste «enclencheur» qui a constitué le point de départ du 14 janvier, alors que celui de Pallack fut destructeur. Un fait réel qui s'est transformé, au fil des jours, en mythe. Mais ce sont les peuples qui ont initié l'idée de résistance civile. Il s'agit là d'un droit naturel, selon la terminologie de Tocqueville qui s'avère importante dans la genèse de la liberté advenue en Tunisie. Le droit positif et le droit naturel sont deux rapports au droit à des niveaux différents et des articulations différentes, deux acquis historiques antithétiques à la Chariaâ. Blogosphère et transition Concernant le rôle joué par les blogueurs, Abdelwaheb Meddeb précise que les blogueurs se sont retrouvés en articulation avec les ONG américaines. Ce mécanisme se rapproche de celui de l'Europe de l'Est qui, à l'époque, s'est servi lui, de la radio. Les internautes et les ONG américaines étaient en contact depuis cinq ans, aussi bien en Tunisie qu'en Egypte, précise-t-il. D'autre part, ces blogueurs ont une vision libertaire de la politique avec l'ambition de faire autrement la politique, par le virtuel avec le relais du réel. En ce qui concerne la question de la transition démocratique, le conférencier rappelle qu'après un régime dictatorial, il n'est pas dit qu'un régime démocratique sera instauré. L'exemple de l'Iran est à ce titre, évocateur. La construction d'une idéologie totalitaire par rapport à une prédisposition islamiste peut être dangereuse, constatant, au passage, que ce ne sont pas les islamistes qui ont conduit à la chute de la dictature. Place donc, aux juristes et constitutionalistes qui sont appelés à réaliser une nouvelle Constitution qui réponde aux aspirations du peuple tunisien. Mais dans ce processus, le temps presse. Abdelwaheb Meddeb suggère d'aller au plus vite pour la reconstruction juridique, économique et sécuritaire qui sont des piliers fondamentaux, qui dépendent également du contexte international, aujourd'hui, difficile. Si la dictature est le refus du conflit, la démocratie est, par contre «la gestion du conflit», selon Claude Lefort. Maintenant que tous les corps qui ont encombré la cité, ont disparu, il faut inventer de nouvelles règles. Gérer les conflits, selon des règles à établir. C'est là, tout l'enjeu actuel. Un grand chantier s'ouvre : projet alternatif de société, aspiration légitime à l'universel, souveraineté du droit... Ce sont là, quelques pistes évoquées par l'auteur du Printemps de Tunis, la métamorphose de l'histoire. A méditer !